Carlo Acutis, la sainteté au quotidien
Vianney Groussin – Cité du Vatican
Il a un polo rouge déboutonné et un sac à dos de randonnée sur les épaules: sur les quelques photos de Carlo Acutis, le même regard franc vous fixe avec un sourire naturel, et donne l’impression d’un adolescent bien dans ses baskets. Au-delà de cette façade classique, Carlo Acutis se révèle être un grand saint, modèle pour le XXIe siècle en nous rappelant que la sainteté commence maintenant. Parmi les jeunes, beaucoup l’ont déjà adopté et disent être inspirés par sa vie, rythmée par la messe quotidienne et le codage informatique.
Un saint 2.0
Carlo Acutis est bien connu pour avoir créé un site internet répertoriant les miracles eucharistiques dans le monde. Pour le père Will Conquer, auteur du livre Un geek au paradis, «Carlo est un pionnier, qui a découvert un nouveau continent qu'on appelle le sixième continent, ou bien Internet, et dont il devient l'évangélisateur, celui qui a planté la croix sur cette terra incognita». Par son œuvre et son approche des nouvelles technologies, «il peut nous montrer qu'au milieu de ce champ de mines, on peut sortir indemne si on y va pour être missionnaire et pour témoigner de l'Évangile. Mais si on y va pour être des consommateurs, des esclaves de la société du jeu, alors on va tomber». Pour lui, la sainteté de Carlo Acutis tient donc à «la pureté de cœur dans un monde dévoyé par les dérives d'Internet. La solution pour garder la pureté de cœur, ce n'est pas de s'isoler dans un bocal, c'est de vivre sur terre comme une mission. Et il a vécu de façon missionnaire toute sa vie».
Être un saint des temps modernes, en utilisant ces outils qui peuvent faire probablement autant de bien que de mal, est d’autant plus difficile remarque le père Conquer: «Lui, c'est un enfant de la télé, c'est les années 90 et donc c'est un enfant de la PlayStation et de tous ces trucs là… Il faut se rendre compte à quel point c'est exceptionnel!». Et le prêtre du diocèse de Monaco d’ajouter que Carlo est mort brutalement à 15 ans, or «combien de jeunes aujourd'hui seraient prêts à mourir et à aller au ciel?». Sa jeunesse rend sa vie encore plus incroyable, puisqu’il n’a pas attendu la gloire ou la réussite dans le travail, mais a puisé dans la simplicité de l’enfance: «Ce qui est très surprenant c'est ce paradoxe chez Carlo: c'est cette banalité qui est canonisée et en même temps, dans cette banalité, l'exigence. Parce qu'en fait c'est une banalité qui nous rejoint dans notre quotidien, mais une exigence qui nous dépasse et qui nous force à nous tourner vers la grâce de Dieu pour se dire “mais moi, en fait, je me rends bien compte que j'ai tout pour être saint, mais je n'y suis pas”»
«Être saint, ce n’est pas forcément être démodé»
«À chaque fois qu'on parle de sa vie, les jeunes s'arrêtent et écoutent. Carlo leur parle parce que quand on montre des photos, et bien effectivement, il est jeune, il porte des sweats, il est comme eux» raconte Lisa Schmitt, auxiliaire de vie scolaire et catéchiste à Monaco. Il faut dire que le témoignage de cette mère de 42 ans est bouleversant: après avoir découvert la figure du jeune Italien avec le père Will Conquer, elle commence à le prier pendant le confinement, alors qu’elle perd espoir dans la vie et ressent une grande solitude avec ses deux filles dont l’une inquiète les médecins à cause d’un supposé kyste dans le cou. Elle trouve rapidement un réconfort dans sa prière, et les médecins ne trouvent subitement plus rien d’inquiétant chez sa fille à qui on recommandait depuis des années une intervention chirurgicale.
Depuis ce jour, sa deuxième fille Manon est très attachée à Carlo Acutis, qu’elle est allée voir (à sa demande) avec sa mère et sa sœur à Assise pour sa béatification, «un moment de grâce» pour la mère de famille, qui en parle encore avec des larmes d’émotion. Depuis, Lisa Schmitt a quitté son emploi de kiné et suit une formation de catéchiste, et la dévotion de cette famille pour Carlo ne faiblit pas: «Pas un soir ne se passe actuellement sans que ma fille ne le prie le soir, […]la dernière phrase qu'on prononce avant qu'elle dorme, c'est “merci Carlo, merci Carlo, merci Carlo”; on remercie la Vierge, on remercie Dieu, mais on dit merci Carlo. Ça fait cinq ans que ça dure et où qu'on parte, on a le doudou, on a le chapelet et on a Carlo! […] Elle a un livre de Carlo, l'icône de Carlo dans son lit. Et à l'église Sainte-Dévote chez nous, à Monaco, où on a eu la chance de pouvoir recevoir des reliques, on va le prier régulièrement, pour dire notre pensée et le remercier».
La force de Carlo Acutis, explique-t-elle, tient à ce qu’il est aujourd’hui le seul saint ayant vécu à la même époque que nous, et nous prouve donc qu’il est encore possible aujourd’hui de vivre saintement avec son temps: «Il est précurseur d'une nouvelle voie de pratique de la foi pour les jeunes qui va être assez exceptionnel et dans l'air du temps».