Un président reformateur élu en Iran
Entretien réalisé par Alexandra Sirgant – Cité du Vatican
Les Iraniens ont désigné vendredi 5 juillet le réformateur Massoud Pezeshkian pour remplacer le président défunt Ebrahim Raïssi, mort il y a moins de deux mois dans un accident d’hélicoptère non loin de la ville de Tabriz, dans la province de l’Azerbaïdjan oriental. C’est le chef-lieu de cette région du nord-ouest de l’Iran que le candidat modéré de 69 ans représente depuis 2008 au Parlement.
Le chirurgien s’était déjà fait connaître en politique en 1997 lorsqu’il avait rejoint le gouvernement de Mohammad Khatami en tant que vice-président de la Santé. Il sera ensuite ministre de la Santé de 2001 à 2005. «Donc ce n’est pas un parfait inconnu, mais ce n’est pas une personne qui aura fait des émules» précise Amélie Chelly, chercheure à la Sorbonne Nouvelle (ERTI). Une stratégie réfléchie selon la spécialiste de l’Iran: «Il veut avoir cette image de personne humble, modeste, cela se voit déjà vestimentairement, mais aussi et surtout au niveau de ses discours». Le futur président, qui sera officiellement investi le 4 ou 5 août, a promis de réduire au maximum les inégalités dans ce pays traversé par une grave crise économique depuis 2018, et marqué par une inflation annuelle de plus de 40%.
Massoud Pezeshkian a bénéficié du rebond de participation au deuxième tour
Recueillant plus de 16 millions des voix (53,6%) sur 30 millions de votants, Massoud Pezeshkian a bénéficié du soutien de la principale coalition réformiste en Iran, mais aussi d'une crainte manifestée par de nombreux Iraniens de voir arriver au pouvoir l’ultraconservateur Saïd Jalili. Preuve en est, après une abstention record de 60% au premier tour, 7 millions d’électeurs supplémentaires se sont déplacés au deuxième tour, permettant de creuser l’écart avec le négociateur en chef dans le dossier du nucléaire. «Saïd Jalili est appelé par les Iraniens le "diplomate révolutionnaire" car il voulait non seulement mettre un terme aux accords nucléaires [accord de Vienne sur le nucléaire iranien], mais il envisageait aussi de faire sortir l’Iran du traité de non-prolifération [TNP], ce qui aurait pu être quelque de chose de catastrophique sécuritairement» décrypte la chercheure Amélie Chelly. «Même si les Iraniens savent que ce n'est pas par les urnes que leurs conditions de vie va évoluer, ils se sont déplacés pour le second tour afin de "limiter la casse" et d’éviter d’avoir Monsieur Jalili à la présidence» ajoute-t-elle.
Une politique d'ouverture vers l’Occident
Massoud Pezeshkian s’est également distingué de son adversaire pour son ouverture affiché vers l’Occident, en continuation de la politique menée par le président Hassan Rohani (2013 – 2021) dont le gouvernement était signataire de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien de 2015. «On a là un candidat qui explique vouloir renouer avec l’Est et avec l’Ouest sans distinction» souligne Amélie Chelly. Mais cette volonté est encore loin d’être mise en œuvre, tant les décisions prises par le président en Iran sont liées à l’aval du Guide suprême Ali Khamenei, en fonction depuis le 4 juin 1989.
Position mitigée sur les droits des femmes
Le nouveau président, connu pour ses prises de position lors de l’assassinat de Mahsa Amini en septembre 2022, s'est engagé à «s'opposer pleinement» aux patrouilles de la police des mœurs chargées d'appliquer l'obligation du port du voile par les femmes. Un engagement affiché que l’iranologue tempère, car Massoud Pezeshkian a aussi expliqué «vouloir choisir Mostafa Pourmohammadi comme ministre de la Justice, sachant que Pourmohammadi est un clerc qui s'est illustré comme ayant appartenu au "comité de la mort" en 1988», une commission responsable de l’exécution de plusieurs milliers de prisonniers politiques.