Comment le Venezuela peut-il sortir de l'impasse?
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Nicolas Maduro savait que cette élection présidentielle était à haut risque pour lui. Le 28 juillet, les électeurs avaient le choix entre lui,successeur de Hugo Chavez, au pouvoir depuis 2013, et le candidat unique de l’opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia. Les manœuvres du pouvoir pour écarter toute personnalité crédible au sein de l’opposition, ont donc échoué, les Vénézuéliens n’hésitant pas à voter pour cet homme de 74 ans, peu connu du grand public, et remplaçant au pied levé de Maria Corina Machado, la vraie chef d’orchestre de toutes les formations désirant voir Nicolas Machado quitter le pouvoir.
Dès la publication des résultats -52% en faveur du président sortant- des manifestations spontanées ont eu lieu, violemment réprimées par les forces de l’ordre. 27 personnes ont été tuées et 192 autres blessées. Sans compter les arrestations, environ 2 400 depuis début août. Le pouvoir chaviste utilise tous les moyens à sa disposition et dont il a déjà usé auparavant pour faire taire toute contestation, rappelle Fabrice Andreani, politiste, chargé de cours à l’université américaine de Paris et à Paris 8. L’histoire semble se répéter. Mais quelque chose a changé. «Tout le monde sait que Nicolas Maduro a perdu les élections: l’opposition, les chavistes et Maduro lui-même», explique le chercheur.
Nouvelles manifestations à venir
La cheffe de file des opposants, Maria Corina Machado appelle le 28 août à une nouvelle journée de mobilisation. Aux opposants, pourraient se rallier à la rue des chavistes déçus par la présidence de Nicolas Maduro, dont certains ont rompu avec lui dès 2015 et les élections législatives perdues par le parti présidentiel, et qui appellent au respect des résultats du vote. La question est de savoir comment articuler la mobilisation populaire avec les partis politiques souligne Fabrice Andreani. Il ne faut pas que cela soit «trop organique» pour éviter de faciliter le travail de la police et procéder à des arrestations en chaine pour motif de complot, ni «trop souple» pour qu’il y ait une masse critique de gens dans la rue au même moment au même endroit.
Nicolas Maduro, qui peut encore compter sur le soutien de Cuba, et derrière, de la Russie, ainsi que sur la préférence des marchés financiers pour la stabilité, mise une nouvelle fois sur «l’épuisement d’une partie de l’opposition et surtout sur celle des citoyens ordinaires» et, à terme, sur la division des éléments les plus engagés de l’opposition, analyse le spécialiste du Venezuela.
La clé réside selon Fabrice Andreani dans l’armée. Là aussi, il y a peu de changements par rapport à son attitude des dernières années. Une partie des troupes composées d’officiers subalternes avait déjà tenté de «faire dissidence ouvertement», en menant des actions d’éclat dans l’espoir d’entrainer davantage de soldats dans la contestation, sans succès. Le résultat, ce fut «encore plus de surveillance», rappelle Fabrice Andreani, soulignant que la moitié des prisonniers politiques actuels sont des militaires ou des policiers. Dans quelle mesure les soldats du rang et les officiers s’allieront pour se dresser contre le gouvernement? Difficile pour l’heure de le savoir.