L'orpaillage illégal, un fléau qui empoisonne la Guyane
Entretien réalisé par Augustine Asta - Cité du Vatican
Selon les experts, l'orpaillage clandestin est la première catastrophe environnementale sur le sol français. Le mercure, utilisé pour amalgamer l’or, est un polluant dangereux qui s’accumule dans les milieux naturels et nuit gravement à la santé humaine.
Sur le chemin de l'or à tout prix, les conséquences sont nombreuses: des forêts entières sont dévastées, des rivières détruites et la santé des populations prend un sérieux coup. L’orpaillage illégal constitue un véritable problème de santé publique. Entretien avec Pascal Saffache, professeur des universités, enseignant à l’Université des Antilles.
Quelle est l’ampleur de l’orpaillage clandestin en Guyane française?
La Guyane est un territoire relativement vaste, en tout cas à l'échelle des territoires français. C'est un territoire qui fait 90 000 kilomètres carrés. Une partie de ce territoire est occupé par la forêt amazonienne et donc cela veut dire que c'est un territoire sur lequel on va circuler difficilement. Et c'est cela qui rend justement l'orpaillage clandestin extrêmement facile pour certains. Ils peuvent agir en toute impunité dans la mesure où ils sont d'une certaine manière "protégés" par la forêt. C'est un phénomène très ancien, même s'il faut reconnaitre qu’il s'est fortement accentué durant la dernière décennie.
Dans cette forêt amazonienne guyanaise, le sol et le sous-sol sont extrêmement riches en or alluvial. Ce sont des petites paillettes d'or, mais en lavant ces sols, on va projeter des jets d'eau à très haute pression dans des fosses que l'on va créer, et utiliser essentiellement du mercure pour amalgamer l'or. Le mercure, c'est un métal liquide extrêmement dangereux. Il est neurotoxique lorsqu'il est en contact avec la peau par exemple, il peut pénétrer dans les pores. La conséquence ultime pour les Indiens Wayana (ndlr: l'un des six peuples amérindiens vivant en Guyane, sur les rives du fleuve Maroni et de la rivière Tampok) qui vivent sur le fleuve et qui se nourrissent exclusivement des produits du fleuve, c'est d'avoir des enfants qui naissent avec des malformations, avec des pieds ou des jambes atrophiés, ou alors des retards cognitifs très importants.
Il y a aussi des répercussions sociales et sociétales, qui se traduisent par la violence, la prostitution, l'insécurité grandissante. Il y a aussi du trafic d'alcool et des règlements de comptes réguliers entre groupes rivaux qui se disputent telle ou telle parcelle, plus aurifère.
Comment expliquer par exemple la présence en grand nombre des mineurs informels brésiliens appelés garimpeiros dans la forêt amazonienne guyanaise?
Quand on discute avec ces garimpeiros, pour eux, ils ne reconnaissent absolument pas le territoire guyanais comme appartenant à la France. Ils estiment qu'il s'agit de la forêt amazonienne. Ils se considèrent comme étant amazoniens avant d'être Brésiliens ou d'être Surinamais, ou d'être issu du Guyana. Donc pour eux, c'est la forêt amazonienne et ils ne reconnaissent pas les frontières. Ainsi, le gouvernement français a pris ceci très au sérieux en déployant des forces armées sur place. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que la base aérienne qui était localisée à Fort-de-France, en Martinique, a été déplacée et est aujourd'hui située en Guyane, de façon à disposer de moyens aériens, tant en avions qu'en hélicoptères pour justement survoler cette forêt amazonienne.
Malgré ces efforts déployés par le gouvernement français, le phénomène reste toujours d'actualité. Que faudrait-il donc faire pour mettre fin à l'orpaillage clandestin?
Le levier sur lequel il faut agir, c'est casser le cycle de la pauvreté. Si ces personnes se mettent autant en danger pour gagner quelques sous, c'est parce que justement, elles se retrouvent dans des situations de misère importantes. Donc le levier sur lequel il faut agir, c'est le levier de la misère. Que les États cessent cette espèce de capitalisme sauvage qui ne donne la part belle qu'à une minorité contre une majorité.