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L'Église belge engagée contre les abus depuis de très nombreuses années. L'Église belge engagée contre les abus depuis de très nombreuses années.  Les dossiers de Radio Vatican

Les abus, une blessure pour l’Église belge qui ne cicatrise pas

L’Église de Belgique a été marquée ces trente dernières années par une succession de scandales d’abus sexuels commis par des membres du clergé sur des mineurs et des personnes majeures vulnérables. L’épiscopat fut un des premiers en Europe à affronter pleinement ce problème et à prendre des mesures pour répondre aux victimes et pour prévenir de futurs cas. Le Pape François devrait rencontrer une quinzaine de victimes lors de son séjour en Belgique.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Envoyé spécial à Bruxelles

C’est une des blessures encore à vif de l’Église belge. Près de trente ans après les premières révélations, les abus sexuels et moraux commis par des membres du clergé ou des personnels de structures dépendantes de l’Église catholique en Belgique sur des mineurs ou des adultes vulnérables continuent de rythmer l’actualité. Pierre Bernard, coordinateur du point de contact de l’Église de Belgique pour les abus dans la partie francophone du pays, revient sur le travail réalisé envers les victimes de faits qui sont prescrits aux yeux de la justice pénale.

La question des scandales d’abus est-elle centrale au sein de l’Église de Belgique?

Oui, nous avons été fort impactés par différents événements ici en Belgique. Le premier remonte à déjà plusieurs années. C'était l'affaire de M. Vangheluwe qui était évêque de Bruges et qui a véritablement fait l'effet d'une bombe. Il y a eu aussi, pour la partie francophone de la Belgique, le dépôt du rapport de la Ciase en France, un rapport très volumineux, déposé il y a un an environ. Cela a eu un effet extrêmement fort. Et puis, il y a eu l'affaire Jean Vanier également.

Tout récemment, il y a eu aussi l'impact des révélations concernant l'abbé Pierre en France qui a réveillé également des souvenirs extrêmement douloureux chez les victimes.

Tout ça pour vous expliquer que la problématique des abus ici en Belgique francophone, est encore extrêmement présente.

Du côté néerlandophone de la Belgique, il y a eu une émission «Godvergeten», «Les oubliés de Dieu» en français, qui a eu un impact énorme en Flandre. Depuis sa diffusion, 180 nouvelles plaintes ont été déposées par des victimes en Flandre, et une quarantaine du côté francophone.

À la suite de cette émission culturelle, une nouvelle commission parlementaire a été mise sur pied au niveau fédéral et au niveau de la Région flamande. Le Parlement fédéral et le Parlement flamand ont déposé des conclusions récemment et l'Église entend absolument tirer les enseignements et les leçons des travaux de ces deux commissions parlementaires, et est en plein travaux à ce sujet-là.


L'Église belge est engagée contre les abus depuis de très nombreuses années. Est-ce que vous pensez que la société belge a compris votre engagement contre ses abus?

Depuis l'affaire de l'évêque de Bruges, l'Église en Belgique a pris à bras le corps la problématique des abus et, en concertation avec le Parlement belge, l'Église a mis sur pied un centre d'arbitrage qui était pratiquement un tribunal arbitral où de nombreux litiges furent résolus. D'une part, il y avait les victimes et d'autre part, l'Église. Environ plus de 600 dossiers ont été résolus de cette manière-là.

Mais le tribunal arbitral a cessé ses activités en 2017 et dès lors, ce sont les points de contact qui existaient déjà en parallèle avec le centre d'arbitrage, qui ont alors repris en quelque sorte la totalité de la gestion des abus en Belgique.

Ce point de contact était en fait un point d'écoute pour écouter toutes les victimes, parce qu'on est très sensible au fait que les victimes recherchent avant tout à être écoutées et à être entendues et surtout à être crues dans leur vécu et dans ce qu'elles disent de ce qu'elles sont, de ce qu'elles ont vécu, parce que bien souvent, dans leur enfance, elles n'avaient pas été crues, ni en famille, ni par des membres du clergé auxquels elles s'étaient confiées, et elles avaient ressenti cela comme une véritable injustice. Nous avons pu rencontrer ainsi environ plus de 700 victimes et des indemnisations ont pu intervenir également.

Il y a un autre défi, c'est celui de la prévention. Comment aujourd'hui l'Église essaye de prévenir de futurs cas?

Elle met en place un système renforcé de prévention à l'égard du clergé. Il y a tout un système au niveau de la formation, de la prévention instaurée au niveau des séminaires, et toute une information est donnée, notamment par des formations permanentes pour attirer l'attention sur la gravité des abus qui peuvent être commis.

De votre expérience, qu'est-ce que vous pourriez transmettre aux autres Églises?

L'élément fondamental, c'est l'écoute des victimes qui viennent révéler ce qu'elles ont vécu d'abominable. Je pense que c'est cela fondamentalement qu'elles recherchent avant une indemnisation, avant une compensation financière.

Une victime qui vient frapper à la porte d'un point d'écoute de l'Église recherche avant tout à être crue, parce que c'est fondamentalement ça qui a fait défaut dans son enfance. On sait que quand elles en ont parlé, elles n'ont pas été entendues et elles n'ont pas été crues, par exemple par leurs parents. Il m'est arrivé bien souvent d'entendre des victimes qui, après un abus abominable commis par un membre du clergé, en avaient parlé à leurs parents, et les parents avaient pris le parti du clergé contre leurs propres enfants, allant même jusqu'à des violences physiques, des gifles ou des brimades en ne voulant pas croire leur propre enfant. Et ça, évidemment, c'est dramatique.

La première chose à faire, c'est d'être extrêmement empathique vis-à-vis de la victime qui vient révéler tout ce qu'elle a vécu dans son enfance et l'écouter, la croire et ne pas essayer de vouloir contester et de remettre en question ce que la victime vient révéler.

27 septembre 2024