Le Liban sous le choc après les explosions d'appareils de communication
Olivier Bonnel - Cité du Vatican
Des bipeurs piégés puis des talkies-walkies qui explosent. En deux jours le Liban a été plongé dans la psychose. Les systèmes de télécommunication du Hezbollah ont été pris pour cible, faisant de au moins 37 morts et des milliers de blessés. Que ce soient les quartiers à Beyrouth, les villes du Sud du pays ou de la plaine de la Bekaa: aucune région du pays du Cèdre n’a été épargnée.
Cette onde de choc dépasse largement les frontières libanaises. Suite à ces explosions, l’Irak veut renforcer ses contrôles aux frontières. En Syrie, une circulaire du président Assad a ordonné à toutes les branches, agences de sécurité et forces militaires du pays à ce que les appareils sans fil soient éteints.
Mais c’est une fois de plus le Liban qui paie un lourd tribu au conflit opposant le Hezbollah à Israël. Pour en parler, nous donnons la parole à une voix libanaise, celle d’Anthony Samrani, il est co-rédacteur en chef du quotidien francophone L’Orient-Le Jour:
Aujourd'hui, on attend et on guette une réponse de l'Iran, le parrain du Hezbollah. Faut-il s'attendre à une escalade selon vous?
C'est très compliqué parce que Israël a quand même tué coup sur coup au mois de juillet, l'un des plus hauts commandants du Hezbollah, Fouad Shokr, dans la banlieue sud, puis Ismaïl Haniyeh à Téhéran. Et la réponse de l'axe iranien, qui comprend le Hezbollah, a été pour le moins timide. Qu'est-ce que cela a montré ? Que l’Iran et le Hezbollah étaient dans l'incapacité aujourd'hui de rétablir leur capacité de dissuasion sans provoquer une guerre totale qu'ils veulent absolument éviter. Ils sont donc un peu piégés.
Est ce qu'ils peuvent mener une opération contre Israël ? Probablement pas. Est ce qu'ils peuvent dissuader Israël de mener une nouvelle opération de ce type sans provoquer de guerre de grande ampleur ? Probablement pas.
Et en même temps, les Israéliens font tout ça pour pousser le Hezbollah notamment à dissocier le front israélo-libanais du front de Gaza. Donc lui dire que, même s'il n'y a pas de cessez-le-feu à Gaza, on doit trouver une solution à notre frontière… là aussi, il est fort peu probable que le Hezbollah accepte. D'un point de vue tactique, Israël est en train de gagner très clairement. Mais d'un point de vue stratégique, tout le monde est piégé et il n'y a aucune porte de sortie qui se dégage pour les prochaines semaines ou les prochains mois.
Est-ce que les explosions dont le Hezbollah a été la cible peuvent altérer l'image de la milice chiite au Liban, que des Libanais se rendent compte que finalement, ils sont beaucoup plus vulnérables que l'on peut l'imaginer?
Je pense que ça crée un double sentiment d'une part, de vulnérabilité et de fragilité et, d'autre part, une forme aussi de compassion et de soutien. C'est à dire que, étant donné que des gens ont été touchés partout, dans toutes les régions, il y a une forme de solidarité naturelle qui s'est créée, y compris de la part de personnes qui sont définies comme des adversaires du Hezbollah. Aujourd'hui, le parti a un soutien populaire extrêmement fort au sein de sa communauté, dans les autres communautés, c'est beaucoup plus nuancé. Beaucoup lui reprochent notamment d'avoir ouvert un front contre Israël le 8 octobre, au lendemain de l'attaque du Hamas, sans que l'on ne comprenne exactement qu'est-ce que le Liban allait gagner dans cette aventure.