Les violences sexuelles en forte hausse dans l’Est de la RDC
Entretien réalisé par Xavier Sartre - Cité du Vatican
À la veille de la Journée internationale de la fille promue par l’ONU, l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, révèle dans un rapport rendu public ce jeudi 10 octobre, que «plus de 370 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui -soit une sur huit- ont subi un viol ou une agression sexuelle avant l’âge de 18 ans». «Si l’on inclut les formes de violence sexuelle “sans contact”, telles que les agressions verbales en ligne, le nombre de filles et de femmes touchées s’élève à 650 millions dans le monde, soit une sur cinq», poursuit le communiqué de l’Unicef.
Un autre rapport, publié le 30 septembre par Médecins sans frontières, révèle également l’ampleur de ce type de violence dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Plus de 25 000 personnes ont été prises en charge par l’ONG en 2023, alors qu’en 2022, mais aussi en 2021 et 2020, le nombre de victimes recensées s’élevait en moyenne à 10 000 par an. Cette analyse ne porte que sur cinq provinces de RDC: Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri, Maniema et Kasaï-Central.
Comment expliquer une telle hausse? Pour William Hennequin, directeur des opérations à MSF, qui s’est rendu auprès de ses équipes à Goma, c’est le fruit de la combinaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la poursuite des combats dans tout l’est de la RDC, avec la présence de plusieurs groupes armés et de troupes nationales et étrangères qui les affrontent. Une situation de vulnérabilité de personnes «qui ont de moins en moins accès aux ressources et donc une exposition plus importante aux risques» qui perdure. Enfin, des soins plus disponibles «puisqu’au fil du temps, nous avons étendu notre dispositif pour faire en sorte que plus de victimes puissent avoir plus facilement accès à des soins psychologiques et des soins de santé même s’il y a encore trop peu de soins de protection», détaille l’humanitaire.
Ces victimes, ce sont essentiellement des femmes et des jeunes filles. «Quand elles vont cultiver les champs, elles encourent le risque de tomber sur des gens armés qui vont les violer», raconte William Hennequin. Concernant la situation spécifique de Goma, principale ville de toute la région orientale du Congo, les victimes se comptent principalement au sein des personnes déplacées par les incessants combats autour de l’agglomération depuis au moins deux ans.
Des camps ont été construits où règne «une promiscuité assez importante», où «peu d’aide et peu de moyens ont été déployés pour qu’ils soient en sécurité», poursuit-il, évoquant «la forte concentration d’hommes en arme» qui «est plutôt un facteur d’insécurité pour ces personnes quand elles vont aux champs pour chercher du bois ou cultiver». Chercher un emploi en ville peut se révéler aussi dangereux: ces personnes «peuvent être victimes de chantage pour avoir un travail, ou de viols, en fonction de la situation» continue le directeur des opérations de MSF.
Outre le peu d’aide de la part de l’État congolais ou des humanitaires en faveur des victimes, il existe un autre facteur aggravant: l’impunité envers les violeurs et les agresseurs qui est quasi-totale. Sur les 25 000 victimes qui se sont adressées à MSF, «peut-être que seules 70 ont porté plainte», détaille William Hennequin qui déplore le manque de moyens de la police pour recevoir les plaintes et enquêter.
Face au dénuement dans lequel se trouvent aussi bien les victimes que les autorités, la prévention apparait comme essentielle. Si une mobilisation de tous les acteurs étatiques et non-gouvernementaux est primordiale, une implication de la population est incontournable. Ce que les habitants de Goma, des régions alentours et les déplacés ont parfaitement compris. «La population a identifié les risques, ce pourquoi elle est plus exposée même si elle se retrouve dans une situation où elle n’a pas le choix car elle doit bien survivre et nourrir ses enfants» constate l’humanitaire.