Méditation du 16e Dimanche ordinaire B: «grandir dans une intimité profonde avec le Père»
Le père jésuite Antoine Kerhuel nous introduit à la méditation, avec les lectures du 16ème dimanche du Temps ordinaire, de l’année liturgique B.
Lectures: Jr 23, 1-6 Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6 Ep 2, 13-18 Mc 6, 30-34
Chers Frères et Sœurs,
L’apôtre Paul nous le rappelle dans l’extrait de la lettre aux Ephésiens que nous entendons ce dimanche: le Christ a supprimé «le mur de la haine» qui séparait «le Juif et le païen», le Christ a «tué la haine» pour devenir lui-même le chemin par lequel tous ont accès au Père. Cette heureuse nouvelle nous rejoint aujourd’hui aussi, dans les déchirements de notre monde, et elle est portée, génération après génération, par tous ceux qui sont appelés à témoigner du Christ. Par notre baptême, nous sommes engagés dans cette aventure du témoignage.
Il y a, cependant, différentes manières de rendre témoignage, et tous ne sont pas appelés de la même façon. Ceux qui sont qualifiés de «pasteurs» portent une responsabilité particulière. La tradition biblique reprend fréquemment l’image du «pasteur» pour désigner – dans une société où l’élevage est une activité que tous connaissent bien – ceux qui guident leur troupeau vers des lieux sûrs et verdoyants. De nombreux textes de la Bible évoquent ainsi cette noble figure du «pasteur».
Mais de nombreux passages bibliques, tel celui que nous entendons dans l’extrait du prophète Jérémie lu ce dimanche, dénoncent aussi les «mauvais pasteurs»: ceux qui pensent à eux-mêmes plus qu’à leur troupeau, ceux qui manquent à leur devoir de protéger leur troupeau, ceux qui, en fait, n’aiment pas leur troupeau. Nous savons que, au fil des siècles – et jusqu’à nous aujourd’hui – de tels «mauvais pasteurs» se rencontrent: leurs méfaits sont parfois difficilement réparables. A cette figure du «mauvais pasteur» est opposée celle du «vrai pasteur» qu’est le Christ, qui se donne totalement afin que le troupeau qui lui est confié accède à la vie.
Dans l’extrait de l’évangile de Marc proclamé ce dimanche, les apôtres sont présentés un peu comme des pasteurs, en tout cas comme des envoyés appelés à être de zélés témoins. Ils reviennent vers Jésus après avoir parcouru toute une région afin de proclamer, par leurs actions et leurs enseignements, la Bonne Nouvelle. Leur première mission semble avoir été couronnée de succès, et l’évangéliste donne à entendre qu’ils sont habités d’une joyeuse excitation lorsqu’ils retrouvent Jésus. Jésus, cependant, n’abonde pas dans ce registre, et il leur dit simplement: «Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu». Jésus prend soin des apôtres qu’il a envoyés en mission: un lieu désert – c’est-à-dire un lieu où il est possible de faire silence pour rencontrer Dieu – leur permettra de prendre de la distance par rapport à leurs succès, de ne pas se laisser étourdir par le débordement de leur propre «faire», de reconnaître la manière dont Dieu lui-même a travaillé avec eux. Jésus invite ses disciples à approfondir leur intimité avec celui qu’il appelle son Père, et qu’il leur apprend à nommer, eux aussi, «Père».
C’est bien vers cette familiarité avec le Père que doivent tendre les actions et les enseignements des témoins de la Bonne Nouvelle. Cette aspiration à une familiarité avec le Père habite aussi, même si c’est de manière inchoative, les foules dont l’évangéliste Marc nous dit qu’elles rejoignent Jésus et les apôtres vers ce même endroit désert. De ce fait, le lieu désert que recherchaient Jésus et ses apôtres se change en un espace de grand rassemblement. Jésus n’en devient pas impatient. Il en éprouve de la compassion.
La vie des témoins de la Bonne Nouvelle, notre vie à nous aujourd’hui, est faite de cette tension entre d’un côté grandir nous-mêmes dans une intimité profonde avec le Père, et d’un autre côté accompagner les hommes, les femmes et les enfants que nous rencontrons vers cette même familiarité. Puissions-nous réussir à tenir au quotidien, avec simplicité et confiance, les deux pôles de cette tension!