Méditation du 23e dimanche du Temps Ordinaire, B : «Dieu nous tire et nous tirera, vers la vie»
Lectures : Isaïe 35, 4-7a; Psaume 145 (146), 6c-7, 8-9a, 9bc-10; Jacques 2, 1-5; Marc 7, 31-37
Les textes de la liturgie de ce dimanche soulignent combien Dieu nous appelle à la vie. Le prophète Isaïe annonce que les yeux des aveugles se dessilleront, que les oreilles des sourds s’ouvriront, que le boiteux bondira comme un cerf, que la bouche du muet criera de joie … et que tous habiteront une terre où l’eau ne manquera pas. Cette prophétie d’Isaïe reçoit un écho tout particulier dans l’extrait de l’évangile de Marc lu ce dimanche : Jésus accueille un sourd-muet et le guérit.
Toute tournée vers l’accueil de la vie, la tradition biblique nous invite à accueillir la guérison que le Seigneur promet. Nous le savons : cette guérison ne se réduit pas à nos seuls maux physiques ou psychologiques, mais porte aussi sur les relations que nous entretenons avec Celui que Jésus nous apprend à nommer notre Père, et – dans le registre de ce qui est visible jour après jour – sur les relations que nous établissons entre nous. L’accueil de cette guérison bouleverse notre manière de vivre les uns avec les autres.
S’il en est ainsi, comment se fait-il que nous nous laissions si facilement prendre par des considérations liées à nos statuts sociaux ? Cette question n’est pas nouvelle, et nous la trouvons déjà formulée par l’apôtre Jacques dans le texte lu aujourd’hui en deuxième lecture. Écoutons cet extrait : « Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, et un pauvre au vêtement sale. Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant et vous lui dites : « Assieds-toi ici, en bonne place » ; et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout », ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied. » Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous et juger selon de faux critères ? » L’apôtre Jacques réprimande donc la communauté à laquelle il s’adresse, et il lui rappelle que ceux qui savent, par une expérience quotidienne, que leur existence est marquée par la dépendance à l’égard d’autrui (autrement dit les pauvres de ce monde) sont précisément ceux que Dieu a choisis pour en faire des riches dans la foi et des héritiers du Royaume. Une telle perspective n’est pas facile à accepter. Tout adulte, à quelque époque qu’il vive et dans quelque pays qu’il habite, s’efforce de subvenir aux besoins de sa famille par l’exercice d’un métier. Cette attitude est profondément humaine, et nous la considérons comme saine. L’apôtre Jacques ne réprouve pas ce mode d’existence, mais il invite sans ambiguïté à ce que cette orientation de vie ne se transforme pas en occasion de mépriser autrui ou de céder aux sirènes de la vanité. Que nous soyons riches ou pauvres matériellement, nous sommes radicalement pauvres devant Dieu, et nous avons foi que Dieu nous tire, et nous tirera, vers la vie. Par son itinéraire social, le pauvre comprend cela plus facilement que le riche qui pense s’en sortir par lui-même, mais le riche - comme le pauvre - sont appelés à entrer dans une même espérance : la plénitude de la vie, nous ne nous la donnons pas à nous-mêmes, nous la recevons d’un Autre.
Aujourd’hui, nous pouvons demander au Seigneur qu’il nous aide à entrer dans une compréhension, toujours plus personnelle, de cette expérience de foi : nous accueillons la vie, nous ne la fabriquons pas … alors même qu’il est parfaitement naturel de tout faire pour nous donner, à nous-mêmes et à nos proches, les moyens d’assurer nos existences quotidiennes ! La vie dans laquelle le Seigneur nous fait entrer est plus grande que le jeu social dans lequel nous risquons toujours de la réduire. Puissions-nous accueillir cette vie avec confiance … c’est celle-là même que Jésus a vécue, jusqu’à la passion et la résurrection !