Méditation du 1er dimanche de Carême, année liturgique C
Lectures: Dt 26, 4-10 Rm 10, 8-13 Lc 4, 1-13
Acceptons-nous que le Seigneur nous donne la vie ? Sans doute allons-nous tous répondre «oui». Mais ce «oui» est-il donné sans réserve, ou bien est-il attaché à des conditions ? Ces questions émergent à l’écoute des textes de ce 1er dimanche de Carême.
Dans le livre du Deutéronome, Moïse indique au peuple comment il doit offrir au Seigneur les prémices de ses récoltes. Le peuple recevra ces fruits et les déposera devant l’autel du Seigneur. Il fera ensuite mémoire de ce qu’il a vécu: comment il est descendu en Egypte pour y vivre en immigré ; comment, alors qu’il devenait une nation nombreuse, il a effrayé les Egyptiens qui l’ont réduit en esclavage ; comment il a crié vers le Seigneur, et comment le Seigneur l’a délivré de l’oppression pour le conduire vers un pays décrit comme ruisselant de lait et de miel. Cette célébration montre que le peuple reconnaît qu’il tient sa vie, et ce qui le soutient dans sa vie, du Seigneur lui-même. Il rend grâce à ce Seigneur qui lui donne la vie.
Dans l’extrait de la lettre aux Romains que nous entendons aujourd’hui, Paul souligne que le message de la foi – la reconnaissance que Jésus est Seigneur et qu’il a été ressuscité d’entre les morts - habite dans le cœur des croyants au point de les transformer en un seul peuple, un peuple dans lequel s’estompent les distinctions entre juifs et païens. Le message que transmet Paul aux Romains s’adresse à nous aussi, à nous qui vivons près de deux mille ans plus tard. Accepter ce message de la foi nous ouvre à une vie nouvelle, où les tensions liées à nos différentes origines culturelles ou religieuses sont dépassées.
Dans le récit des trois tentations au désert, que l’apôtre Luc rapporte dans l’Evangile proclamé ce dimanche, le diable interpelle Jésus par deux fois sous le mode : «si tu es Fils de Dieu, alors fais ceci» et une autre fois sous le mode : «si tu te prosternes devant moi [c’est-à-dire devant moi qui suis le diable], alors je te donnerai cela». Jésus refuse de soumettre à quelque vérification la dignité de Fils de Dieu qu’il sait avoir. Il n’utilise pas cette dignité à son profit pour satisfaire sa faim ou se prouver à lui-même que Dieu ne le laissera pas succomber à ce geste insensé qui consiste à se lancer dans le vide depuis le sommet du Temple. Jésus refuse également d’obtenir le pouvoir que prétend lui octroyer le tentateur au prix d’un acte d’allégeance. Il reconnaît ainsi Dieu comme unique source de vie, et il ne soumet son «oui» à aucune condition. Son «oui» est sans réserve.
En ce premier dimanche de Carême, nous pouvons, à notre tour, examiner la nature du «oui» que nous disons au Seigneur. Le prononçons-nous pour échapper à la peur, pour nous soumettre devant un Tout-Puissant intimidant, pour acquérir un allié face aux épreuves de la vie ? ou encore pour d’autres raisons ? Ou bien le prononçons-nous parce que nous reconnaissons que notre vie est – fondamentalement - relation: relation à un Dieu auquel nous nous adressons en l’invoquant comme «Père» ? Cette relation transforme notre expérience spirituelle et bouleverse nos rapports avec ceux que nous pouvons appeler nos «frères» et «sœurs» parce que, eux aussi, peuvent se tourner vers le Seigneur en le désignant comme «Père».
Puissions-nous, tout au long de ce temps de Carême, nous éloigner de toute relation à Dieu empreinte de marchandage («je t’aime à la condition que tu me donnes ceci»). Puissions-nous entrer dans une relation de reconnaissance à l’égard de ce Dieu que nous nommons «notre Père»: Dieu nous conduit vers une vie nouvelle, donnée en Jésus mort et ressuscité. Puissions-nous accepter, au plus profond de nous-mêmes, cette vie nouvelle dans notre quotidien et parcourir ainsi un véritable chemin de conversion tout au long de ce temps de Carême.