Hiroshima et Nagasaki: le fruit de la guerre
Luisa Urbani et Marie Duhamel – Cité du Vatican
«Hiroshima et Nagasaki se distinguent (…), ce sont les premières victimes de la guerre nucléaire. (…) Les noms de tant – trop- de lieux se rappellent à nous, en particulier, parce qu’ils ont été le témoin de l’horreur et de la souffrance produites par la guerre». Le 25 février 1981, le Pape Jean-Paul II visitait le «Peace Memorial» d’Hiroshima, évoquant les bombardements des 6 et 9 août 1945, lorsque furent utilisées les premières bombes A de l’histoire. Les explosions mirent fin de facto à la Seconde Guerre mondiale, faisant des centaines de milliers de victimes.
Ne pas oublier pour assurer un futur de paix
Se souvenir de ces drames est une chose positive, expliquait Jean-Paul II. Cela signifie «s’engager pour le futur», «pour la paix» et «renouveler notre foi en l’homme, en sa capacité de faire ce qui est bon, en sa liberté de choisir ce qui est juste». Tous sont appelés se souvenir et en particulier «ceux qui aiment la vie sur terre» qui «doivent exhorter les gouvernements à agir en harmonie avec ces demandes de paix». La paix doit être toujours la finalité, affirmait le Pape polonais. «Elle doit être poursuivie et défendue en toutes circonstances».
Le fait de se souvenir sert ainsi à empêcher la guerre de faire de nouveaux dégâts. Pour Jean-Paul II, la présence d’armement atomique et leur production continue (en 1981) indiquent qu’ il existe «un désir d’être prêt pour la guerre, et être prêt signifie être capable de la commencer, cela signifie également qu’il existe le risque qu’à n’importe quel moment, dans n’importe quel lieu, de n’importe quelle manière, quelqu’un pourrait mettre en marche le terrible mécanisme de la destruction générale».
Ce jour interpelle ceux qui s’interrogent sur la vie
Cette crainte était également partagée par Benoît XVI. «Après les deux guerres mondiales, Hiroshima et Nagasaki, notre époque est devenue dans une mesure toujours plus grande un Samedi Saint : L'obscurité de ce jour interpelle tous ceux qui s'interrogent sur la vie, et de façon particulière nous interpelle, nous croyants. Nous aussi nous avons affaire avec cette obscurité»affirmait-il lors d’une visite pastorale à Turin, le 2 mai 2010.
Les craintes du Pape François
Comme ses prédécesseurs, le Pape François a plusieurs fois manifesté sa préoccupation concernant l’utilisation des armes nucléaires. Alors que la Corée du Nord laisse planer la menace d'une attaque nucléaire, le 2 décembre 2017, le Pape se posait la question «pas comme Magistère pontifical», de savoir s’il est «licite de conserver les arsenaux nucléaires tels qu’ils sont, ou bien aujourd’hui, pour sauver la création et l’humanité, n’est-il pas nécessaire de revenir en arrière?». Citant le théologien Romano Guardini, il évoquait alors deux formes d’inculture : «premièrement, l’inculture que Dieu nous a donnée pour développer la culture, par le travail, par la recherche et aller de l’avant, développer la culture. Pensons aux sciences médicales, tant de progrès, tant de culture, à la mécanique, à tant de choses. Et l’homme a pour mission de développer la culture à partir de l’inculture reçue. Mais nous arrivons à un point où l’homme a entre les mains, avec cette culture, la capacité de produire une autre inculture: pensons à Hiroshima et Nagasaki. Et cela il y a 60, 70 ans. La destruction. Et cela arrive aussi quand dans l’énergie atomique on ne réussit pas à tout contrôler: pensez aux accidents en Ukraine. C’est pourquoi, pour revenir aux armes, qui servent à vaincre en détruisant, je dis que nous sommes à la limite de la licéité».
Un monde à la limite
Dans le vol de retour du Bangladesh, François jugeait qu’ «avec un arsenal nucléaire aussi sophistiqué, on risque la destruction de l’humanité, ou tout au moins d’une grande partie de l’humanité. Un an plus tard, le 15 janvier 2018, au surlendemain d'une alerte au missile - qui s'est avérée sans objet - à Hawaii, le Saint-Père se montrait à nouveau inquiet : «Je pense que nous sommes à la limite. J'ai vraiment peur. Il suffirait d'un accident pour tout précipiter». Dans l’avion le conduisant en Amérique latine, le Pape a fait distribuer une photo poignante aux journalistes. Prise en 1945 par l’Américain Joseph Roger O’Donnell après l'explosion de la bombe atomique à Nagasaki, elle montre un enfant japonais portant sur le dos son petit frère mort. Au dos de la carte, quatre mots écrits de la main du pape : «Le fruit de la guerre».
Pour un désarmement intégral
Encore aujourd’hui les bombardements de 1945 constituent «un avertissement permanent à l’humanité, afin qu’elle refuse pour toujours la guerre et bannisse les armes nucléaires et toute arme de destruction de masse». Le 9 août 2015, lors des commémorations marquant les 70 ans des bombardements atomiques au Japon, le Pape François évoquait «l’horreur et la répulsion» suscité par cet événement de la Seconde Guerre, pour lui, «le symbole du pouvoir destructeur démesuré de l’homme quand il fait un mauvais usage des progrès de la science et de la technique». Le Pape appelait lors d’un Angélus à dire «non à la guerre et oui au dialogue et à la paix». Il invitait à s’engager «pour diffuser dans le monde une éthique de fraternité et un climat de coexistence pacifique sereine entre les peuples».
Il a plusieurs reprises exprimé le souhait d’un «désarmement intégral», notamment lors d’un symposium sur le désarmement organisé en 2017 par le dicastère pour le Service du développement humain intégral.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici