Le pontificat du Pape François, «un moment providentiel» selon le cardinal Ouellet
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Dans cet entretien daté du 15 janvier, le cardinal Ouellet, Préfet de la Congrégation pour les évêques et Président de la Commission pour l’Amérique latine, est d’abord interrogé sur le rôle de la femme dans les processus décisionnels de l’Église et de la société. «Je crois que sur cela l’Église est encore en retard», concède le cardinal Ouellet. «Que ce soit bien clair, nous ne pensons pas qu’il s’agisse de confier aux femmes des fonctions «cléricales» ou ministérielles», ajoute-t-il.
Prendre en compte les compétences des femmes
Pour le prélat canadien, il s’agit d’intégrer plus rapidement les femmes selon leurs charismes, par exemple «dans des rôles de consultation et de direction dans l’environnement des diocèses, des curies locales et de la Curie romaine». D’après lui, «les femmes en général ont un rôle de second plan», et la prise de conscience des transformations survenues dans la société ces cinquante dernières années, leur permettant de suivre de meilleures études, n’est pas encore suffisante. «Et si nous pensons pouvoir continuer à nous comporter comme avant sans en prendre acte, nous nous orientons vers l’échec», estime-t-il.
La force de l’Église d’Amérique latine
Le Président de la Commission pour l’Amérique latine s’exprime ensuite sur cette région qu’il connaît bien , ayant vécu plusieurs années en Colombie en tant que professeur puis recteur de séminaire. Pour lui, «le continent latino-américain est une réserve d’espérance pour le monde, parce qu’il y a une unité», «unité de culture, de foi et de peuple». Il existe en effet «un sens du peuple, une présence des pauvres et une conscience de leur rôle dans l’Église et dans la société». Le cardinal souligne aussi «l’unité de la piété populaire, en particulier mariale». Tous ces éléments dont de l’Église latino-américaine «une force, une ressource, un message prophétique pour le reste du monde».
Mettre les pauvres au centre pour revitaliser la foi
Des caractéristiques de la tradition ecclésiale d’Amérique latine qui transparaissent dans le pontificat du Saint-Père. «L’empreinte mariale, le rôle des pauvres et le sens théologique du peuple» sont trois aspects chers au Pape François, relève le cardinal Ouellet. «La dimension mariale du message du Pape François est confirmée par son témoignage personnel», ajoute-t-il, comme le montrent par exemple ses passages systématiques par la Basilique Sainte-Marie Majeure avant d’entreprendre un voyage.
Concernant les pauvres, «en les mettant au centre de l’Église, le Souverain Pontife remet en mouvement la charité», note ce proche collaborateur du Pape François. «Celle-ci constitue le fondement de la mission, parce qu’avant de parler de l’Évangile il faut tendre la main, offrir soi-même». «La Parole sans la charité ne peut pas faire grand-chose», poursuit-il. Cette option en faveur des pauvres est compréhensible puisque le Pape vient «d’une société où de grandes inégalités existent», et qu’il a lui-même «vécu l’expérience des milieux plus populaires». Elle est pertinente dans la mesure où, à l’heure actuelle, «semble prévaloir la tentation de fermer les portes», estime le prélat. Plus encore, le Saint-Père «est conscient que l’Europe pourrait retrouver la vitalité de sa foi si elle s’ouvrait davantage à l’étranger et au pauvre. Ce serait une thérapie efficace pour revitaliser la foi du continent », analyse-t-il. En résumé, «si ce continent veut relancer la mission, il doit mettre l’accent sur une foi mariale et sur le rôle des pauvres et des derniers, qui doivent être accueillis».
«Nous devrions faire un profond examen de conscience, en considérant combien le magistère du Pape est inspiré par un sens profond de justice et de miséricorde, uni à la charité», estime aussi le cardinal Ouellet. «Nous pouvons tout banaliser en mettant des étiquettes, mais au fond il s’agit de l’amour chrétien qui devient culture et cherche à revitaliser la société humaine», insiste-t-il.
Le cardinal Ouellet analyse également le pontificat du Saint-Père sous l’angle de la pneumatologie, c’est-à-dire de l’œuvre de l’Esprit Saint. «Quand le Pape parle de synodalité, il trace un programme, en montrant qu’à partir de la pneumatologie tout le peuple de Dieu doit participer à l’orientation de la mission de l’Église». «C’est un autre aspect fondamental du Pape François, qui par ailleurs est très conscient du fait que les décisions, en dernière analyse, lui reviennent», explique le prélat. En d’autres termes, «l’Église est synodale et hiérarchique. L’Esprit Saint ne procède pas seulement du bas vers le haut, mais aussi du haut vers le bas».
Le pontificat du Pape François offre donc «les conditions pour relancer la mission de l’Église. C’est un moment providentiel», selon le cardinal Ouellet.
Un portrait-type de l’évêque
En dernier lieu, le Préfet de la Congrégation pour les évêques est interrogé sur les éléments qui caractérisent un évêque. «L’évêque est un témoin du Ressuscité: il croit, il annonce, il proclame le kérygme», répond le cardinal Ouellet. Il est aussi «le premier à administrer la miséricorde face à la misère humaine des pécheurs et des pauvres». Les évêques «sont des hommes qui connaissent la vie spirituelle et sont capables d’appliquer à la pastorale dans son ensemble et à chaque situation personnelle le discernement spirituel». Ce qui suppose «une formation intellectuelle et pastorale, une sensibilité, une attention à l’Esprit Saint dans la vie de l’Église, donc une capacité à découvrir les charismes et à les valoriser en les intégrant», explique le cardinal.
Celui-ci conclut en élargissant sa réflexion à la joie du chrétien. «C’est le christianisme lui-même qui est la joie de l’humanité», dit-il. «Qui connaît la Révélation et la vit, celui-là fait l’expérience de la joie. Donc, en parlant de la joie, le Pape parle de la spécificité chrétienne. La joie, c’est Dieu qui partage notre vie». D’après le cardinal Ouellet, l’Église «évangélise si elle donne témoignage de la joie, si elle croit au Ressuscité et en fait l’expérience». Là réside aussi l’identité de l’évêque, «un homme de Dieu qui est proche, paternelle, présent», qui «est tout à tous».
Retrouvez l'entretien en intégralité (en italien)
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