Cardinal Salazar: les victimes et la justice passent avant l’institution ecclésiale
La responsabilité des évêques était le sujet crucial de cette première journée de sommet au Vatican. Comme l’a souligné le cardinal Salazar, les cas d’abus ne relèvent «pas seulement» de déviations ou de pathologies sexuelles des abuseurs, mais «d’une racine plus profonde» qui est «une mauvaise interprétation du ministère transformé en moyen pour violer la conscience et les corps des plus faibles». Un fléau nommé «cléricalisme» selon le cardinal colombien, aussi philosophe et théologien.
Actes et paroles, une minutieuse cohérence
Il apparaît donc nécessaire de démasquer ce cléricalisme afin de parvenir à un changement de mentalité, ce qui, exprimé en termes plus précis, «s’appelle conversion», a précisé l'archevêque de Bogota, ajoutant que «la cohérence minutieuse entre paroles et actions» se devait désormais d'être rigoureusement appliquée.
La responsabilité épiscopale en question s’exerce à plusieurs niveaux, à commencer par celui du collège épiscopal auquel l’évêque appartient. «Nous ne sommes pas rien, nous ne pouvons pas rien puisque ce n’est pas nous qui avons choisi le ministère mais c’est le Seigneur qui nous a choisi (cf Jn 15,16-18)», a rappelé le cardinal Salazar, reconnaissant toutes les fois où l’Église «n’a pas su, et ne sait toujours pas», se comporter comme elle se doit, «pour affronter avec rapidité et décision» les crises engendrées par les abus.
La victime avant l’institution
Les lacunes sont multiformes: en essayant de nier la dimension des dénonciations qui sont faites, en n’écoutant pas les victimes, en ignorant les dommages causés chez ceux qui souffrent des abus, en déplaçant les accusés ailleurs où ils continuent d’abuser ou en essayant de parvenir à un compromis financier pour acheter le silence, a ainsi égrainé le cardinal Salazar devant le Pape et 114 présidents de conférences épiscopales. Une énumération qui résume la «une mentalité cléricale» tant décriée par le Pape.
Une mentalité, a détaillé le cardinal Salazar, qui pousse, par exemple, «à placer le bien de l’institution ecclésiale mal compris au-dessus de la douleur des victimes et des exigences de la justice, à garder le silence qui fait taire le cri de douleur des victimes afin de ne pas affronter le bruit public que peut susciter une dénonciation devant les autorités civiles ou un juge, (…) à faire confiance exclusivement aux conseils des avocats, des psychiatres et des spécialistes de tout type négligeant le sens profond de la compassion et de la miséricorde»..
«L’ennemi est à l’intérieur»
Un constat sévère aggravé par la tendance de l’Église à affirmer qu’elle n’est «pas soumise» au pouvoir des autorités civiles comme les autres citoyens, mais qu’elle peut gérer ses sujets internes «uniquement sur la base du droit canon», a précisé le théologien colombien.
Selon lui, les premiers responsables se trouvent donc parmi évêques, prêtres et personnes consacrées. «Nous n’avons pas été à la hauteur de notre vocation. Nous devons reconnaître que l’ennemi est à l’intérieur», a relevé l’archevêque de Bogota sans ambages.
Les abus d’autres institutions ne justifient pas ceux de l’Église
Reconnaître la crise signifie aussi ne pas la minimiser en affirmant qu’il y a d’autres abus à une plus grande échelle dans d’autres institutions. Les abus d’autres institutions ou groupes ne justifient en rien la présence d’abus dans l’Église, parce que cela contredit l’essence même de la communauté, a-t-il ajouté, martelant: «Il n’y a aucune justification possible à ne pas dénoncer, à ne pas démasquer, à ne pas affronter avec courage et fermeté un cas d’abus qui se présente à l’intérieur de notre Église».
Un code de conduite pour évêques
Le cardinal Salazar a aussi salué le rôle des médias dans le débusquage des affaires d’abus, avant de souligner combien l’évêque n’est pas seul pour affronter ces scandales. Ainsi, le cardinal a prôné l’instauration d’un «code de conduite» en harmonie avec le «directoire pour les évêques», afin de montrer comment l’évêque doit procéder durant la crise. Une piste de réflexion qui figure parmi les 21 points parus ce jeudi 21 février lors du sommet.
Vient enfin la responsabilité des évêques vis-à-vis des prêtres: «En tant qu’évêques, nous devons assumer notre devoir de tout de suite faire face à la situation qui se présente quand une dénonciation est faite», a-t-il assuré.
Distinguer crime ecclésial et crime civil
Toute dénonciation doit donc déclencher les procédures indiquées tant dans le droit canon que dans le droit civil de chaque nation, selon les lignes directrices indiquées par chaque conférence épiscopale. L’objectif, d’après le cardinal colombien, est de toujours distinguer entre le péché soumis à la miséricorde divine, le crime ecclésial soumis à la législation canonique et le crime civil soumis à la législation civile correspondante.
Enfin, il s’agit d’écouter les victimes d’abus. «Un des péchés originels commis au début de la crise fut précisément de ne pas avoir écouté avec un cœur ouvert ceux qui affirmaient avoir subi des abus de la part de membres du clergé», a admis le cardinal.
Où le péché abonde, la grâce surabonde
Écouter les victimes, a-t-il poursuivi, commence par ne pas minimiser les dommages causés et la douleur produite. «Il est clair que nous sommes obligés de leur offrir tous les moyens nécessaires – spirituels, psychologiques, psychiatriques et sociaux – pour la guérison exigée», a-t-il noté, avant de conclure sur les mots évocateurs de saint Jean-Paul II: «Tant de souffrance, tant de douleur, tout cela doit conduire à un sacerdoce plus saint, à un épiscopat plus saint, à une Église plus sainte.»
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