Mgr Scicluna encourage les évêques à garantir la justice
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
«Assumer la responsabilité du traitement des cas de crise liée aux abus sexuels et de la prévention des abus»: tel était le titre de la deuxième intervention de cette Rencontre, conduite par Mgr Charles Scicluna dans la Salle du Synode.
Un message qui visait à «passer en revue les principales phases des procédures de cas individuels d’abus sexuels commis sur des mineurs par des membres du clergé, avec quelques suggestions pratiques dictées par la prudence, les meilleures pratiques et le souci primordial de la sauvegarde de l’innocence de nos enfants et des jeunes».
Signaler les cas d’inconduite sexuelle et respecter les protocoles et les lois
Concernant l’aspect juridique, l’archevêque de Malte a décrit différentes étapes, en rappelant des points essentiels. «La première phase est la dénonciation d’inconduite sexuelle. Il est essentiel que la communauté soit informée qu’elle a le devoir et le droit de signaler toute inconduite sexuelle à une personne de contact dans le diocèse ou de l’ordre religieux. Ces coordonnées doivent être dans le domaine public», a-t-il d’abord expliqué, appelant notamment au respect des protocoles prévus et au respect des lois civiles et nationales. «Il est important que chaque allégation fasse l’objet d’une enquête avec l’aide d’experts et qu’elle soit menée à son terme sans retard inutile. Le discernement de l’autorité ecclésiastique devrait être collégial», a précisé Mgr Scicluna.
La suite de la procédure pénale canonique
Le prélat a ensuite détaillé le rôle de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans l’enquête sur les cas d’inconduite sexuelle, rappelant d’abord que «le résultat de l’enquête sur l’inconduite sexuelle de membres du clergé avec des mineurs de moins de 18 ans devrait être soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi». Puis les procédures pénales canoniques – autorisées par le Saint-Siège dans la plupart des cas - ont été abordées, Mgr Scicluna faisant remarquer que «dans notre système, comme cela se passe actuellement, le rôle de la victime d’abus sexuel dans une procédure canonique est limité. La sollicitude pastorale de l’Ordinaire aidera à combler cette lacune», a-t-il souligné.
«La personne responsable de la Protection (des mineurs) dans le diocèse ou dans l’ordre religieux devrait pouvoir partager des informations sur le déroulement de la procédure avec la victime ou les victimes de l’affaire», a-t-il aussi déclaré. Les trois résultats possibles d’une procédure pénale canonique sont les suivants: «une décision condamnatoire», «une decisio dimissoria (cas où les accusations n’ont pas été prouvées); ou une decisio absolutoria (cas où l’accusé est déclaré innocent)». «Une decisio dimissoria peut créer un dilemme», a reconnu Mgr Scicluna. «L’évêque ou le supérieur religieux peut encore être mal à l’aise de réaffecter l’accusé à un ministère dans un cas où les allégations sont crédibles mais le cas n’a pas été prouvé. Les conseils d’expert sont essentiels dans ces cas et l’ordinaire devrait user de son autorité pour garantir le bien commun et assurer la protection effective des enfants et des jeunes», a-t-il précisé.
Une collaboration essentielle avec la justice civile
Le Secrétaire adjoint de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a ensuite insisté sur «la bonne collaboration avec la juridiction civile». «Nous parlons d’une méconduite qui est également un crime dans toutes les juridictions civiles. La compétence des autorités de l’État devrait être respectée. Les lois sur les dénonciations doivent être scrupuleusement respectées et un esprit de collaboration sera bénéfique à la fois pour l’Église et pour la société en général», a-t-il soutenu, avant de déclarer que le «pouvoir de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de déroger à la prescription de vingt ans est toujours invoqué dans un certain nombre de cas historiques, mais il est vrai que cela ne devrait pas être la norme, mais plutôt l’exception. Selon la ratio legis, l’instauration de la vérité et la garantie de la justice supposent la possibilité d’exercer une compétence juridictionnelle en faveur du bien commun, même dans les cas où le crime a été commis il y a longtemps».
Mettre en application sans délai les peines
Dernière phase de la procédure pénale, la mise en œuvre des décisions canoniques que «l’évêque et le supérieur religieux ont le devoir de superviser», tout comme «l’exécution des résultats légitimes des procédures pénales». Cependant «l’accusé doit avoir le droit aux recours prévus par la loi à l’encontre d’une décision qui pèse sur lui. Une fois la phase d’appel épuisée, il est du devoir de l’ordinaire d’informer la communauté du résultat définitif du processus. Les décisions qui déclarent la culpabilité de l’accusé et la peine infligée doivent être appliquées sans délai».
Autre cas possible, l’innocence de l’accusé. «Les décisions qui déclarent l’innocence de l’accusé devraient également avoir la même attention», a estimé Mgr Scicluna. «Nous savons tous qu’il est très difficile de rétablir la réputation d’un prêtre qui pourrait avoir été accusé injustement. La question du suivi dans ces cas concerne également les victimes trahies dans les aspects les plus fondamentaux et spirituels de leur personnalité et de leur être. Leurs familles sont également profondément touchées et toute la communauté devrait partager le fardeau de leur chagrin et progresser avec elles vers la guérison», a-t-il continué.
Devenir “cyrénéen” pour les victimes
Au long de son discours, Mgr Scicluna a également évoqué des aspects moraux et pastoraux, rappelant en premier lieu l’importance du rôle de l’évêque ou du supérieur religieux auprès de chaque membre de la communauté, notamment les victimes d’abus. «Traiter les cas comme cela se fait dans un cadre synodal ou collégial donnera aux évêques l’énergie nécessaire pour tendre la main, de manière pastorale, aux victimes, aux prêtres accusés, à la communauté des fidèles et à la société en général. Toutes ces personnes requièrent une attention particulière, et l’évêque ou le supérieur religieux doit leur transmettre sa sollicitude pastorale, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de ses délégués», a-t-il ainsi affirmé.
«En tant que bergers du troupeau du Seigneur, nous ne devons pas sous-estimer la nécessité de nous confronter aux blessures profondes infligées aux victimes d’abus sexuels par des membres du clergé. Ce sont des blessures de nature psychologique et spirituelle qu’il faut soigner avec soin», a souligné l’archevêque de Malte. «Dans mes nombreuses rencontres avec les victimes à travers le monde, a-t-il témoigné, je me suis rendu compte que c’est une terre sacrée où nous rencontrons Jésus sur la Croix. C’est un Chemin de Croix que nous, évêques et autres responsables de l’Église, ne pouvons pas rater. Nous devons être Simon de Cyrène pour aider les victimes avec lesquelles Jésus s’identifie (Matt. 25), à porter leur lourde croix».
Des pistes à suivre pour mieux prévenir les abus sexuels
Mgr Scicluna a enfin développé plusieurs éléments concernant la prévention des abus sexuels, rappelant d’abord que «la question de la sélection des futurs candidats [à la prêtrise] reste essentielle».
«Une compréhension juste et équilibrée des exigences du célibat et de la chasteté sacerdotales devrait être étayée par une formation profonde et saine à la liberté humaine et à une saine doctrine morale. Les candidats à la prêtrise et à la vie religieuse devraient s’épanouir et grandir dans cette paternité spirituelle qui devrait rester la motivation de base pour le don généreux de soi-même à la communauté de foi, à l’exemple de Jésus le Bon Pasteur», a-t-il ensuite expliqué, avant d’insister sur le point suivant: «L’évêque et le supérieur religieux doivent exercer leur paternité spirituelle vis-à-vis des prêtres qui leur sont confiés».
«Un bon responsable habilitera sa communauté par l’information et la formation», a-t-il poursuivi. «Il existe déjà des exemples de meilleures pratiques dans un certain nombre de pays où des communautés paroissiales entières ont été formées à la prévention. Cette expérience positive et valable doit croître en accessibilité et en extension dans le monde entier. Un autre service offert à la communauté est la disponibilité immédiate d’un accès convivial aux mécanismes de signalement, de sorte qu’une culture de la divulgation ne soit pas seulement promue par des mots, mais également encouragée par des actes».
L’archevêque de Malte a enfin parlé de «la sélection et la présentation du candidat à la mission d’évêque». «Beaucoup exigent que le processus soit plus ouvert à la participation des laïcs de la communauté», a-t-il expliqué. «Nous, évêques et supérieurs religieux, avons le devoir sacré d’aider le Saint-Père à bien discerner les éventuels candidats à la direction des évêques. Cacher ou sous-estimer des faits susceptibles d’indiquer des déficiences dans le style de vie ou la paternité spirituelle de prêtres soumis à une enquête pontificale sur leur aptitude à occuper le poste d’évêque est un grave péché contre l’intégrité du ministère épiscopal», a affirmé Mgr Scicluna.
Dans son intervention, le prélat maltais a cité trois fois Benoît XVI, qui s’adressait en octobre 2006 puis en mars 2010 à l’Église d’Irlande. Mgr Scicluna a estimé que les propos du pape émérite «résonnent aujourd’hui de façon plus prophétique».
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