Un séminaire organisé au Vatican pour préparer le Synode sur l’Amazonie
"Vers le Synode spécial pour Amazonie: dimension régionale et universelle", c’est le thème du séminaire qui a débuté ce 25 février et qui réunit les présidents des conférences épiscopales de la région amazonienne mais aussi d’autres prélats et experts d’Amazonie et d’autres zones géographiques. Il s’agit pour eux de préparer le prochain Synode et de réfléchir sur «la relation entre la situation ecclésiale particulière et l’environnement amazonien et d’autres contextes territoriaux similaires».
L'Assemblée spéciale du Synode sur l’Amazonie réunira 102 évêques et quelques laïcs du 6 au 27 octobre. L’Église veut répondre aux grands défis que posent cette région. Dans la lignée de Laudato Si, elle veut contribuer à la préservation de la biodiversité de cette région si cruciale pour la transmission de notre maison commune et pourtant en si grand danger.
La présence de l’Église face à l’immensité du territoire et le dialogue avec les trois millions d’ indigènes répartis en 390 peuples et nationalités distinctes habitant dans la région. L’objectif de cette rencontre est aussi de faire cicatriser les profondes blessures engendrées par l’histoire missionnaires et de construire une «Église au visage amazonien». Il s’agit d’explorer des «nouveaux chemins» qui «auront une incidence sur les ministères, la liturgie et la théologie», en approfondissant entre autre la «théologie indienne».
Entretien avec le cardinal Baldisseri
Le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, a répondu aux questions de Silvonei Protz:
Éminence, la dimension régionale de ce synode semble plutôt évidente, mais quelle est la dimension universelle ?
Le séminaire en question est l’une des nombreuses initiatives entreprises par le Secrétariat général du Synode des Évêques pour préparer de manière adéquate le Synode spécial sur l’Amazonie, qui se tiendra à Rome en octobre. Comme nous le savons, le Synode est une assemblée ecclésiale qui traite des questions relatives à l'évangélisation et à la présence de l'Église dans le monde. Ce n'est pas un événement politique. La récente Constitution apostolique Episcopalis communio précise par ailleurs que le Synode des évêques se réunit en Assemblée extraordinaire «si des sujets qui concernent principalement une ou plusieurs zones géographiques spécifiques sont traités» (article 1, paragraphe 3). Cette affirmation suggère clairement qu'il ne peut y avoir de problème qui, à proprement parler, ne concerne qu'un territoire et exclurait tous les autres. Cela serait contraire à la nature même de l'Église, comme l'explique saint Paul : «Si un membre souffre, tous les membres souffrent ensemble ; et si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui» (1 Cor 12:26). Ceci s'applique également au cas de l'Amazonie. Certes, avec ses réalités spécifiques et sa dynamique complexe, elle reste au centre du parcours synodal. Cependant, de nombreuses questions concernant principalement ce territoire touchent également d’autres régions de la planète. Considérons, par exemple, les problèmes écologiques, le bassin du Congo, les forêts tropicales de l'Asie-Pacifique ou le bassin aquifère du Guarani. Pour ces raisons, la dimension régionale et la dimension universelle sont étroitement liées dans ce séminaire, donnant tout d'abord la parole à ceux qui viennent du territoire amazonien et qui le connaissent par expérience directe, et successivement permettant à d’autres voix de s’exprimer pour compléter les perspectives émergentes.
Pouvez-vous expliquer quels sont les objectifs du Synode spécial pour l’Amazonie ?
Les objectifs sont contenus dans le titre choisi par le Saint-Père : «Amazonie : de nouvelles voies pour l’Église et pour une écologie intégrale». Ouvrir de nouvelles voies pour l'Église signifie favoriser le rôle de la communauté chrétienne, qui a toujours été au service des populations locales dans le travail d'évangélisation et de promotion humaine. Renforcer le «visage amazonien» de l'Église nécessite le renouvellement d'une stratégie d’évangélisation, un nouveau paradigme apostolique qui sache renforcer la présence chrétienne sur le territoire, en ne s'appuyant pas uniquement sur des missionnaires extérieurs : par le passé, sur des congrégations religieuses avec le ius commissionis, et plus récemment sous forme de jumelage de diocèses ou à travers un soutien par les Fidei Donum. Aujourd'hui, nous devons identifier de nouvelles formes d'action pastorale à la hauteur des besoins des petites communautés très éloignées les unes des autres et extrêmement originales. Quant à l’écologie intégrale, il s’agit d’un vaste thème qui s’appuie profondément sur la nature et l’homme, la création et les créatures qui la peuplent. Dans l'encyclique Laudato Sì, le Pape François parle de la planète Terre comme une «maison commune» à défendre, protéger et préserver, en accordant une attention particulière aux peuples autochtones, qui sont davantage touchés par les effets dévastateurs des actes de déprédation visant les populations et l'environnement. Dans cette réalité, le défi du moment consiste à trouver un équilibre entre le besoin légitime de progrès et une utilisation durable des ressources naturelles, en tenant compte de la voix des populations locales, sans les considérer comme des destinataires passifs des décisions prises par d’autres.
Inculturation, écologie intégrale, question indigène et coexistence entre différentes populations : qu'est-ce que l'Amazonie indique aux communautés des autres continents ?
Ces mots démontrent que le Synode spécial a inévitablement une dimension universelle, qui dépasse les frontières de son vaste territoire (6,7 millions de km2). L'inculturation de l'Évangile - c'est-à-dire «l'incarnation» du message chrétien dans les expressions culturelles et spirituelles des peuples - constitue un défi pour toutes les communautés chrétiennes dans un monde en mutation rapide. À cet égard, le Pape François à Puerto Maldonado (Pérou) en janvier 2018 a souligné qu’il importait de s’appuyer sur la sagesse et la richesse des traditions culturelles de ces peuples. De même, l'écologie intégrale - dans laquelle Dieu, l'homme et l'environnement sont pris en compte dans leur relation intime - remet en question toute la planète, car partout cette relation apparaît menacée. Les symptômes des points de rupture de cette relation sont le désengagement éthique du concept de développement, la vitesse du changement et de la dégradation, les catastrophes naturelles, les crises sociales et financières. Dans le domaine scientifique, il existe des études qui attribuent ces phénomènes naturels au réchauffement climatique progressif avec des conséquences tragiques et imminentes dès les prochaines décennies. En ce qui concerne la question autochtone et la cohabitation entre différentes populations, il s’agit de réalités socialement pertinentes qui intéressent tous les besoins du territoire et interrogent de façon croissante les autres régions de la planète. Cette considération fait partie du phénomène mondial des flux migratoires, qui représente actuellement l'une des grandes problématiques pour différents pays du monde. Dans ce contexte, le regard sur l’Amazone peut être un laboratoire prometteur de réflexion ecclésiale et sociale.
Quelles sont vos attentes pour ce séminaire et pour le synode d'octobre ?
La première attente est de souligner l’importance de l’Amazonie pour l’Église universelle et pour le monde entier. La seconde, en ce qui concerne le séminaire, est d'approfondir, selon le programme, certaines questions liées aux deux aspects, ecclésial et écologique, afin de fournir une vision claire et réaliste de la situation pan-amazonienne, ses caractéristiques et ses problématiques. Parallèlement, il s'agira d'identifier et d'accueillir les éventuelles suggestions au cours des interventions et du dialogue constructif des participants. Quant au Synode, qui aura lieu du 6 au 27 Octobre prochain, on espère que l'événement puisse être un kairos pour l'Église dans sa mission évangélisatrice et un temps de grande attention et de réflexion pour toute l'humanité au sujet de la «maison commune» et de l'écologie intégrale, dont parle le Saint-Père. Outre la priorité de traiter la question des peuples autochtones, on espère aussi que soit soulignée la coresponsabilité effective des laïcs, qu’un regard particulier soit tourné vers les femmes et que la vie consacrée sur le territoire soit valorisée.
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