«Il y a aujourd'hui beaucoup de prêtres comme le saint curé d'Ars»
Mgr Jorge Carlos Patrón Wong, secrétaire de la Congrégation pour le Clergé, en charge des séminaires, a commenté pour L’Osservatore Romano la Lettre adressée par le Pape François dimanche à tous les prêtres du monde, à l’occasion du 160e anniversaire de la mort du saint Curé d’Ars, Jean-Marie Vianney. Cette interview a été réalisée par Nicola Gori.
Quel est l’aspect principal qui caractérise cette lettre du Pape François ?
C’est une lettre existentielle, de vie, d’un pasteur aux pasteurs, d’un père à ses fils, d’un grand frère à ses frères prêtres. C’est le fruit d’une espérance de vie et de proximité au cœur des prêtres. C’est le résultat de nombreuses rencontres et entretiens personnels que le Pape a eu dans sa vie, et spécialement depuis qu’il est successeur de Pierre. C’est aussi la synthèse de nombreuses lettres que le Pape reçoit et lit personnellement, dans lesquelles s’expriment les sentiments et les difficultés de la vie. Clairement c’est un message de remerciement au nom du peuple de Dieu pour tout le bien que les prêtres accomplissent dans le quotidien. C’est, surtout, un encouragement qui part de la Parole et de la présence de Jésus, qui a choisi les prêtres comme amis.
Que représente encore aujourd’hui pour les prêtres l’exemple du saint curé d’Ars ?
Je crois que c’est un modèle concret de charité personnelle dans la vie quotidienne. Un style de vie de totale proximité à Dieu et à son peuple. Saint Jean-Marie Vianney est un point de référence pour la vie quotidienne du prêtre avec les personnes que le Seigneur lui a confiées pour toutes les circonstances, particulièrement dans celles pour lesquelles sont nécessaires le sacrifice, l’humilité, la douceur, le bien qui passe sans être vu. Comme le saint curé l’enseigne, tout ceci a une grande signification dans la vie des individus et de la communauté vivante et réelle. Saint Jean-Marie Vianney fut vraiment une présence de Dieu au milieu des gens et il a assumé en cela un service joyeux dans la vie quotidienne, et, au milieu de nombreuses difficultés, il a témoigné de la miséricorde. Mais encore aujourd’hui, dans le monde entier, s’écrivent des pages analogues d’histoire de sainteté sacerdotale. Nous avons beaucoup de prêtres comme le curé d’Ars. Ce sont eux qui maintiennent l’Église vivante et active, parce que le prêtre fait partie du peuple de Dieu qui dépense sa vie pour cela.
Dans la lettre, le Pape parle de purification et de fragilité, mais aussi d’éviter de s’abandonner à la désolation. Comment regarder le futur après les scandales de la part de membres du clergé ?
Avec un regard d’espérance et de totale confiance. Le Pape valorise les efforts et remercie pour l’engagement de tous. Son action de réforme est nécessaire pour donner une impulsion au soin pastoral, afin qu’aucun type d’abus ne trouve plus d’espace pour se développer et se perpétuer. Nous sommes prêtres aujourd’hui, dans un temps de purification ecclésiale où le Christ ressuscité donne vie à l’Église en convertissant tous à Lui: nous sommes invités à nous libérer de l’hypocrisie de l’apparence et de l’extériorité. Ceci est la bonne nouvelle. C’est l’action de l’Esprit Saint, parce que les prêtres sont appelés à vivre avec sincérité, avec intériorité. Les prêtres doivent être en conversion permanente pour être plus simples, humbles, joyeux, et avec une conduite de vie plus évangélique. Ils doivent se souvenir d’être toujours plus disciples de Jésus et surtout, garder à l’esprit que les fruits pastoraux viennent de l’action de l’Esprit et non pas des stratégies humaines.
Pourquoi la gratitude peut-elle se définir comme une arme puissante ?
La gratitude est la réponse naturelle la plus profonde à la gratuité de Dieu. Tout ce que nous sommes et que nous avons-nous a été donné gratuitement de la part de Dieu. Lui, Il nous a appelés les premiers, Il nous a choisis, Il nous a donné les dons pour répondre à la vocation et accomplir une mission. Chaque prêtre a une liste innombrable de gestes de pardon, de compassion d’amour, de confiance, qui indique comment nous sommes traités par Dieu et par son peuple. Nous avons tout reçu et nous continuons à tout recevoir. Et c’est une action naturelle de donner ce que nous avons reçu. Tout ceci est très puissant. En effet, quand quelqu’un se donne, il reçoit beaucoup du Seigneur : la fidélité, la vie et la joie qui vient de l’annonce de l’Évangile, la proximité, les liens d’amitié, la sainteté du peuple de Dieu. Nous sommes des hommes eucharistiques, d’action de grâce, parce que nous recevons plus que ce que nous donnons.
Le Pape fait référence à la «douce tristesse». Comment est-il possible de l’éviter ?
Cette «douce tristesse» contamine la vie et l’altère. Nous avons tous besoin de la force de Dieu et du rapport avec les frères. La force de la grâce de Dieu nous fait aller au-delà de nos efforts et de nos échecs. Le prêtre fait une expérience quotidienne du fait qu’il peut se confier à Dieu. Il expérimente chaque jour que chaque petite action est transformée, multipliée et rendue transcendante. C’est l’Esprit Saint qui nous fait donner la vie et nous ne pourrons jamais le faire seuls, mais avec la communauté, avec le peuple de Dieu, avec les frères évêques et prêtres. Je fais le parallèle avec une partie de football. La «douce tristesse» est un mouvement minimal, une présence fatigante qui fait croire que la vie est une partie désormais perdue. C’est comme un parking mortel, une inertie, un ressentiment, une lamentation. Au contraire, la vie avec le Ressuscité nous fait jouer au maximum avec la joie, avec la confiance totale que nous vaincrons, parce que nous avons le meilleur capitaine qui est le Christ ressuscité, et nous avons aussi la meilleure équipe, qui est la communauté ecclésiale. L’Église, qui se renouvelle à chaque génération, est toujours jeune et toujours en renouvellement, comme quand une équipe de football renouvelle les joueurs. Même quand elle perd un match, elle ne perd pas le championnat. Aucun champion ne remporte toutes les parties, et c’est pareil pour l’Église. Mais seulement, à la fin, le championnat a déjà été gagné par le Christ ressuscité. C’est une espérance active qui vient de l’expérience de Jésus et de son équipe.
D’où un prêtre peut-il atteindre la courage nécessaire pour la vie quotidienne ?
Directement de Dieu et de son peuple, du rapport personnel avec le Christ, de la prière, des sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation. Mais aussi de l’accompagnement spirituel et humain fréquent et systématique avec un frère sage qui aide à se confronter avec l’Évangile, à discerner, pour conformer la vie à la volonté de Dieu. Et, surtout, dans la fraternité sacerdotale qui aide à ne pas tomber dans la tendance prométhéenne, dans le risque de se sentir un superman, de ne faire confiance qu’à ses propres forces, en se sentant supérieurs aux autres. Il y a un fort appel au peuple de Dieu pour qu’il nous nourrisse avec la prière, avec le témoignage de foi, qui nous fait sortir pour ne pas nous isoler et nous fermer dans des groupes réservés. En tant que disciples du Christ, le prêtre doit être l’homme de la rencontre avec Dieu le Père et avec son peuple.
Que représente Marie pour un prêtre ?
C’est la Mère qui embrasse, qui intercède et qui nous rappelle trois réalités. La première se réfère à comment nous regarde Dieu le Père : toujours avec un amour miséricordieux. La seconde est le choix de Jésus qui nous appelle à être des amis, des disciples missionnaires. La troisième, enfin, c’est l’onction de l’Esprit Saint qui, avec son action, élargit la dimension de notre cœur, en faisant en sorte qu’il puisse devenir comme celui de Jésus. Tous les prêtres ont dans leur intériorité un petit sanctuaire marial où faire un pèlerinage quotidien. Nous restons devant la Mère, et nous sommes là pour la regarder et pour être regardés. Nous y expérimentons cette compagnie, cette consolation, cette actualisation de l’appel de Jésus à le suivre en aimant Dieu et le peuple avec toute notre force, notre cœur et notre volonté. Elle nous dit toujours, d’une façon très maternelle, les mêmes paroles adressées à l’indien Juan Diego : «Qu'est-ce qu’il y a, mon enfant, le plus petit de tous ? Qu’est-ce qui attriste ton cœur ?»
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