Une invitation à «tenir le plus possible la Parole de Dieu entre nos mains»
Entretien réalisé par Benedetta Capelli – Cité du Vatican
Commentant ce nouveau motu proprio, Mgr Rino Fisichella souligne «la valeur historique» de l'initiative du Pape pour la maturation du peuple chrétien, y voyant «une opportunité pastorale» pour donner un nouvel élan à cette annonce, à une époque pleine de défis. Selon le Président du Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation, c'est aussi l'occasion de remettre la Parole de Dieu au centre de la vie chrétienne.
Cette lettre est née parce que le Pape a reçu beaucoup de demandes de pasteurs et de laïcs après le Jubilé de la Miséricorde. À l'époque, dans sa Lettre apostolique “Misericordia et Misera”, il avait mentionné le fait que dans les Églises, selon leur propre créativité - parce que beaucoup est déjà fait en ce sens - on désigne un dimanche où la Parole de Dieu serait placée au cœur de la vie de la communauté chrétienne, comme signe d'unité, et ainsi la force de la Parole de Dieu pour la communauté pourrait émerger davantage, mais aussi la responsabilité à laquelle celle-ci doit participer par une action vraiment évangélisatrice.
Mais chaque dimanche ne devrait-il pas être le dimanche de la Parole de Dieu ? Pourquoi ce besoin ? Vous avez parlé de la valeur historique de ce dimanche.
Je crois qu'il a réellement une valeur historique. N'oublions pas que chaque dimanche que nous célébrons est le dimanche où l'on célèbre le mystère du Seigneur qui demeure ressuscité parmi nous. Nous célébrons le sacrifice de sa Passion, de sa mort et le mystère de sa Résurrection, de sorte que l'action liturgique avec la célébration de l'Eucharistie devient le sommet de la vie chrétienne. Et pourtant, depuis l'année 1200 environ, nous célébrons aussi la solennité du Corpus Christi. Il est vrai que chaque dimanche nous écoutons la Parole de Dieu, mais cela ne veut pas dire qu'un dimanche la Parole de Dieu ne peut pas être proclamée avec plus de solennité dans toute l'Église, dans toutes les communautés chrétiennes, et qu'il puisse y avoir une réflexion particulière accompagnée de signes plus visibles sur l'importance de cette Parole dans l'Église.
Un dimanche qui a une valeur œcuménique…
Oui, absolument. Le Pape a choisi de célébrer ce dimanche le troisième dimanche du temps ordinaire, lorsque toutes les lectures proclamées dans l'Évangile présentent la figure de Jésus comme le messager du Royaume de Dieu. Mais n'oublions pas que cela se produit aussi à un moment où, un peu plus tôt, nous célébrons la Journée du dialogue avec les juifs, puis la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens. Ne l'oublions pas, ce n'est pas la même chose que des Journées Mondiales comme nous en avons l'habitude, c'est un dimanche qui, ne serait-ce qu'une fois par an, est valable pour toute l'année. Le Pape le dit explicitement: la journée consacrée à la Bible ne vaut pas une fois dans l'année, mais une fois pour toute l'année, afin de devenir plus familier avec le texte sacré.
Une sorte de semis pour la maturation du peuple chrétien ?
Le Pape présente trois images bibliques. La première est celle d'Emmaüs, par laquelle le Pape fait comprendre combien par sa Parole, le Seigneur accompagne la vie de tout croyant, la vie de l'Église et fait ainsi brûler le cœur de chacun de nous, lorsque cette Parole est annoncée parce qu'elle parle de Lui. il y a ensuite une deuxième image, qui est le retour du peuple juif après l'exil et la redécouverte des livres de la Loi, puis la proclamation qui en est faite : c'est le livre de Néhémie qui rappelle ce moment historique du peuple juif. Le Pape prend cette image pour indiquer que la Parole de Dieu crée un peuple et que la Parole de Dieu fait que les gens se sentent rassemblés non seulement pour écouter la Parole mais aussi pour la vivre, et que cette Parole proclamée et vécue donne la joie. La troisième image est l'expérience du prophète Ézéchiel, vécue et exprimée aussi par Jean dans le livre de l'Apocalypse: le Pape nous explique que la Parole de Dieu est douce mais en même temps amère parce que parfois elle n'est pas acceptée, elle n'est pas vécue, ou elle est même rejetée.
Quelle est la relation entre la vie quotidienne des chrétiens et la Parole de Dieu ? Parfois, il arrive que la Parole de Dieu ne soit qu'un livre écrit...
Nous touchons malheureusement à un point de tristesse. La grande majorité des chrétiens ne connaissent pas l'Écriture Sainte, et le seul moment où ils l'entendent est pendant la célébration eucharistique du dimanche ou d'autres occasions. La Bible est le livre le plus répandu, mais c'est peut-être aussi le plus poussiéreux parce qu'il n'est pas tenu entre nos mains. Par cette lettre, le Pape nous invite à tenir le plus possible la Parole de Dieu entre nos mains chaque jour, pour en faire notre prière. Nous pensons qu'il est important de redécouvrir la prière des psaumes, car chaque psaume rappelle la condition du peuple chrétien, et la vie de chaque homme et de chaque femme. Ensuite, il y a la lectio divina, donc la capacité d'entrer encore plus et de voir comment cette Parole est vécue dans notre histoire et comment elle a été éclairée, comment son interprétation conduit à une richesse de sens, de significations qui sont impensables. Mais c'est surtout une Parole de Dieu qui s'exprime dans notre témoignage. Le Pape rappelle énormément la dimension de la charité parce que lorsque nous écoutons la Parole de Dieu, nous devenons aussi plus attentifs, vigilants et sensibles aux besoins de nos frères, surtout de ceux qui sont plus marginalisés et ce n'est pas un hasard si le Pape rappelle ici la parabole du riche et de Lazare, du pauvre Lazare. La capacité d'écoute de la Parole nous rend plus sensibles aux situations les plus difficiles et les plus extrêmes de la vie, celles qui sont maintenant définies comme les périphéries existentielles, auxquelles nous assistons quotidiennement.
Ce sont des indications concrètes que le Pape suggère aux baptisés, mais dans la lettre il y a aussi des indications pour les prêtres.
Aux prêtres et aussi aux évêques. Le Pape rappelle aux prêtres ce qui pour lui est fondamental, la valeur de l'homélie. Il nous dit que c'est une occasion pastorale à ne pas manquer. L'homélie exige que nous, prêtres, soyons appelés en premier lieu au contact quotidien avec cette Parole que nous devons ensuite expliquer. Notre peuple a droit à une explication intelligente et cohérente qui touche la vie et les besoins présents en chacun. Mais il fait aussi appel aux évêques pour qu'en ce dimanche ils puissent célébrer, par exemple, l'institution du ministère du lectorat. Mais le Pape va plus loin et dit qu'en vue de ce dimanche, à partir des prochaines années, il est bon que le rôle d'un service extraordinaire soit davantage souligné; tout comme il y a un service extraordinaire à la Communion, qu'il y ait aussi un ministère et un mandat particulier avec lequel les gens se préparent d'abord à un contact plus immédiat d'étude, de réflexion avec la Parole de Dieu et sont ensuite institués dans un ministère extraordinaire. Je crois que c'est aussi une provocation pastorale. Nous savons comment cela se passe dans nos églises, la première personne que nous trouvons disponible va lire. Ce n'est cependant pas la valeur qu'il faut donner à la Parole de Dieu. La Parole de Dieu doit trouver des personnes, des femmes, des hommes capables d'une proclamation authentique, et capables aussi, dans cette proclamation capable, d'ouvrir à l'intelligence du texte sacré.
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