Le nonce à Madagascar: l’Afrique a besoin d’une paix «transformante»
Antonella Palermo – Cité du Vatican
Le lien entre la paix et le développement sera l’un des axes de la visite du Pape François dans l’Océan Indien, du 4 au 10 septembre. Mgr Paolo Gualtieri, nonce apostolique à Madagascar, commente la devise de la visite du Pape, «semeur de paix et d’espérance», à la lumière de la réalité ecclésiale, politique et sociale du pays.
«La devise proposée par la conférence des évêques de Madagascar, “le Pape François semeur de paix et d’espérance”, exprime en synthèse ce qu’est la réalité ecclésiale, politique et sociale de la Grande île. Il s’agit d’un pays avec de grandes potentialités, et dont la population est en grande partie constituée de jeunes. Sur environ 24 millions d’habitants, 53% a moins de 20 ans. Le soir du samedi 7 septembre, le Pape présidera la Veillée avec les jeunes, et il invitera certainement tous les Malgaches, en particulier les jeunes, à aller de l’avant, à ne pas se décourager, à parcourir leur chemin, à ne pas s’arrêter mais à regarder vers le futur, à ne pas rester assis sur le canapé, comme aime le dire le Pape François, à ne pas avoir peur, à s’engager, à redécouvrir le sens de leur dignité, à être les protagonistes du changement dans la société malgache, à donner leur propre contribution, à ne pas se résigner, à lutter contre la pauvreté (Madagascar figurant parmi les 10 pays les plus pauvres du monde), contre la corruption, contre la criminalité, à être des constructeurs de paix, cette paix faite d’engagement, non pas une paix de cimetière, mais une paix transformante.
Avec quel esprit la population est-elle en train de se préparer à l’arrivée du Pape ?
Le Pape François est perçu comme particulièrement proche du peuple malgache, aussi par les non-catholiques, par sa proximité envers les pauvres qui s’exprime continuellement, dans son magistère comme dans son style. Je me souviens encore que quand j’ai présenté mes lettres de créances comme nonce au chef de l’État, celui-ci m’a dit qu’il m’accueillait avec une grande joie parce qu’il recevait l’ambassadeur de Sa Sainteté François. Il y a une grande attente dans tout le pays, partout les gens me demandent comme se passent les préparatifs, les travaux sur le terrain où le Pape célèbrera la messe. À la fin de chaque messe, dans toutes les paroisses des 22 diocèses, les districts, les villages, même les plus reculés, on récite une prière en préparation de la visite. Les évêques ont beaucoup insisté pour que la visite du Saint-Père soit un évènement spirituel.
En outre, dans tous les diocèses, on organise des catéchèses qui ont pour thème Jésus-Christ et l’Église. Un élément très beau, que j’aime relever, c’est le fait que le Pape est attendu par tout le monde, pas seulement par les catholiques. Les autres Églises et communautés chrétiennes (anglicanes, calvinistes et évangéliques) l’attendent aussi, et la communauté musulmane aussi. Toutes sont intéressées par la visite du Pape. Les responsables du Conseil œcuménique des Églises chrétiennes sont venus à la nonciature pour exprimer leur désir de saluer le Pape, et ils m’ont dit: «Le Pape François n’est pas seulement le Pape des catholiques, mais aussi notre Pape». Les responsables du Conseil œcuménique des Églises chrétiennes salueront le Pape à la cathédrale, après la rencontre avec les évêques. Et les leaders des communautés musulmanes ont manifesté leur désir de le saluer, et en effet il les saluera eux aussi. Et je dirais même plus: beaucoup de musulmans sont en train de nous aider dans les préparatifs. C’est une chose vraiment édifiante.
Le président de la République Andry Rajoelina est en train de prendre soin personnellement de la visite, en se rendant souvent sur le terrain, situé près de la nonciature, où le Pape rencontrera les jeunes pour la veillée, le soir du 7 septembre, et le jour suivant il présidera la messe. Durant la plénière de la conférence épiscopale, au cours du mois de mai, il a voulu visiter le lieu avec tous les évêques.
Dans quel contexte social agit l’Église locale ?
L’Église catholique jouit dans le pays d’un grand respect, d’une estime et d’une autorité morale, aussi de la part des non-catholiques, car l’Église à Madagascar est très engagée socialement, en particulier dans le secteur de l’éducation (une grande partie des écoles du pays sont gérées par des congrégations religieuses, surtout féminines), elle est engagée dans le secteur de la santé (avec des cliniques, des hôpitaux, des dispensaires, des centres pour les personnes handicapées, des léproseries disséminées dans tout le pays, aussi bien dans les villes que dans les campagnes et aussi dans les zones très difficiles à atteindre en raison du manque de routes), et elle est aussi très engagée dans le secteur caritatif (elle gère des orphelinats, des repas gratuits pour les pauvres, etc…). Les évêques, les prêtres, les religieuses et religieux vivent souvent leur ministère dans des situations difficiles: dans de nombreuses zones, la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec un fort taux d’analphabétisme (qui atteint 40% des adultes), avec une insuffisance d’eau potable, avec des routes inutilisables, en particulier en période de pluie, où la radio nationale ou diocésaine constitue l’unique lien avec l’extérieur.
Dans un tel contexte, l’Église représente un important facteur de développement de la société. Concernant le futur, l’Église est appelée à créer les conditions pour que s’ouvrent des processus de transformation dans la société, et à accompagner la société malgache, qui n’est pas exempte de l’influence de la mondialisation, dans son changement, en sauvegardant certaines valeurs qui la caractérisent comme celle de la solidarité (fihavana, en malgache), le sens du partage, le respect des personnes, la culture ancestrale de la réciprocité, en ouvrant en même temps des processus de développement authentique.
Un particularité du programme de l’étape malgache est la prière pour les travailleurs au centre Akamasoa (Village de l’Amitié), géré par le père Pedro Opeka. Pouvez-vous nous donner quelques détails ?
Akamasoa accueille environ 23 000 familles, et 8000 enfants pauvres. Il y a des écoles, des dispensaires, et des postes de travail: carrières, pose de briques, menuiserie, agriculture, art et artisanat. 14 000 enfants sont inscrits à l’école. Le Village a été fondé en 1989 pour aider les pauvres d’Antananarivo qui vivaient dans une décharge et dans les rues de la capitale. L’association vise à faire sortir les personnes de ces lieux inhumains, pour qu’ils vivent une vie digne. Le père Pedro répète continuellement que la dignité de la personne est fortement liée à trois choses: un toit, un travail et une éducation, basée sur la prière et sur la discipline.
Akamasoa représente un vrai bijou de charité de l’Église à Madagascar. Le père Pedro doit acquérir chaque semaine des tonnes de riz pour nourrir les gens qu’il accueille à Akamasoa. Durant l’année, il consacre certains mois à voyager en Europe et en Amérique latine, en particulier en Argentine, afin de récolter des fonds. La visite que le Saint-Père fera à Akamasoa et la prière avec les travailleurs de la carrière de pierre représentent un grand remerciement au Seigneur pour avoir inspiré et suscité cette grande œuvre d’amour et de charité de l’Église qui est à Madagascar. Ce sont des œuvres d’amour qui aident à rendre crédible l’Église et qui montrent aux enfants son visage maternel.»
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