Lutte contre les abus sur mineurs: la Reine de Suède promeut une action concertée
Parmi les principaux thèmes du 32e voyage apostolique de François en Thaïlande et au Japon, qui s'est achevé le 26 novembre dernier, figure la condamnation du fléau de la traite des femmes et des enfants qui, a affirmé le Pape, «défigure la plus authentique dignité». Le Saint-Père en a parlé dès son premier discours, prononcé à Bangkok devant les autorités thaïlandaises, puis à la fin de cette même journée, devant 60 000 fidèles rassemblés pour la messe dans le stade de la capitale.
«J’exprime ma reconnaissance au gouvernement thaïlandais pour ses efforts en vue d’éliminer ce fléau, ainsi qu’à toutes les personnes ou organisations qui œuvrent inlassablement pour éradiquer ce mal et ouvrir un chemin de dignité», a également déclaré le Pape.
Ces efforts sont aussi ceux de la Reine Silvia de Suède qui, il y a 20 ans, avec la naissance de la World Chilhood Foundation, a donné une grande impulsion à la recherche de solutions pour prévenir et combattre les abus sexuels sur mineurs, l’exploitation des enfants et les violences commises contre eux. Plusieurs succès ont été obtenus grâce au réseau créé avec les forces de l'ordre et des centres de plaidoyer. Une expérience dont elle a témoigné les 14 et 15 novembre dernier au Vatican, à l'occasion de la Conférence sur la protection numérique de l'enfant.
À Katarina Agorelius, de la rédaction suédoise de Radio Vatican, la souveraine présente la fondation qu'elle a créée et les progrès réalisés en Suède.
Pour commencer, je voudrais remercier Sa Sainteté le Pape qui a invité tant d'experts au Vatican, pour parler d'une question très importante, qui me tient à cœur. Parce qu'il y a vingt ans, personne ne se penchait vraiment sur cette question, sur les abus sexuels contre des enfants et sur tous ces terribles faits qui les concernent. J'en suis donc arrivé à un point où je me suis dit: je pourrais peut-être aider à mettre en lumière cette question très difficile. Je ne suis pas une figure politique en ce sens, mais je voulais vraiment mettre au premier plan le drame humanitaire qu'est l'abus sexuel des enfants et c'est pourquoi j'ai fondé la World Childhood Foundation il y a 20 ans. Ce moment où la Fondation a vu le jour a été très difficile, je me suis sentie très seule, alors je dois dire que je suis très heureuse que ce soit devenu un problème d'actualité. C'est très triste, mais maintenant tout le monde ose en parler, et si vous en parlez, alors vous pouvez changer les choses. Et c'est pourquoi je suis très heureuse d'avoir écouté tous ces experts au Vatican. Des organisations très importantes étaient présentes, et le Pape a également invité des responsables religieux. C'était merveilleux de voir tous les chefs religieux parler entre eux de ces problèmes, parce que, bien sûr, ces personnes sont très importantes non seulement pour influencer les hommes politiques de leur pays d'origine, mais aussi pour sensibiliser les écoles et les enseignants afin qu’ils préviennent les enfants des dangers qu'ils peuvent courir.
Y a-t-il eu des progrès dans la protection des enfants au cours de ces vingt dernières années?
Je suis très optimiste, il y a tant d'organisations qui travaillent sur ce terrible problème et il y a eu des programmes très réussis tels que “NetClean” par exemple, un groupe qui en Suède a travaillé sur ce problème pour aider à trouver les responsables des abus. Il s'agit d'un logiciel qui s'adapte à l'ordinateur d'une entreprise et donc, si quelqu'un télécharge du matériel de pédopornographie, une alarme est déclenchée et un lien est établi avec la police. La police peut sécuriser le contenu, qui n'est pas effacé, elle peut l'analyser et, bien sûr, remonter jusqu'aux responsables. Maintenant NetClean est présent dans 110 pays, il y a donc beaucoup d'abuseurs qui ont été identifiés, pas seulement eux mais aussi les enfants maltraités qui peuvent être aidés. NetClean a donc fait un travail formidable, et l’équipe travaille maintenant à l'échelle internationale avec le Canada et l'Australie. C'est donc un outil très important dont nous sommes très fiers, car Childhood a été le premier à aider de jeunes ingénieurs à développer NetClean.
Et puis, bien sûr, il y a aussi les centres de défense des droits, que nous appelons “Barnahus”, les maisons pour l'enfance; la Suède en a plus de cinquante. Et maintenant, elles sont présentes dans de nombreux pays - le deuxième est l’Allemagne - et c'est très important car cela évite à un enfant d'être présent au tribunal. Un enfant qui a été victime de violences sexuelles doit raconter son histoire à maintes reprises, parfois huit, neuf fois et, bien sûr, c'est un moment terrible pour lui. Mais avec Barnahus, l'enfant est amené dans ce foyer où se trouvent des experts, des psychologues, avec qui il peut leur raconter ce qui s'est passé, et en parler d'une manière appropriée pour un enfant. Tout cela est filmé, et si le juge a une question à poser, il peut venir au Centre et interroger l'enfant par l'intermédiaire du psychologue ou de la police. Cette vidéo est montrée au tribunal, de sorte que l'enfant n'a pas besoin de témoigner devant les juges. Tout cela est merveilleux, parce que témoigner au tribunal est terrible pour un enfant... mais la vidéo l'aide à raconter son histoire.
Que peut-on faire et quelles sont les prochaines étapes pour défendre la dignité des enfants dans le monde numérique?
Bien sûr, nous avions déjà ce terrible et grand problème il y a 20 ans, mais maintenant avec Internet, tout se répand tellement vite en quelques secondes. Il n'y a donc pas de frontières et tout est anonyme, de sorte que nous ne savons pas qui est la personne qui exploite les enfants, ni comment ils entrent en contact avec un enfant par Internet pour l'attirer. Aujourd'hui, je dirais donc que la situation est beaucoup plus grave parce qu'il y a beaucoup de pays qui développent Internet, en Afrique, en Amérique, ou qui utilisent maintenant eux aussi Internet et, bien sûr, cela augmente le danger pour les enfants. Il y a donc un très grand danger, et c'est pourquoi j'ai été heureuse de voir que même les chefs religieux ont rencontré au Vatican toutes ces organisations, pour que maintenant tout le monde puisse savoir ce qui se passe. Tout le monde sait et sent que nous devons faire quelque chose. C'est précisément pour cette raison que le Pape a invité Facebook, Google et Amazon, toutes ces grandes organisations au Vatican, pour que tout le monde puisse se rendre compte que maintenant, il faut vraiment faire quelque chose de concret. Nous devons changer cette situation. Il ne suffit pas de modifier les lois adoptées dans de nombreux pays pour la protection des enfants. Maintenant, tout le monde doit agir, et le faire ensemble.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici