Le cardinal Ouellet rend hommage au Pape, «un homme de Dieu»
Entretien réalisé par Hélène Destombes- Cité du Vatican
Jeudi soir, au terme de la messe célébrée en la basilique Saint-Pierre à l’occasion de la fête de Notre-Dame de Guadalupe, le cardinal Marc Ouellet, très ému, a rendu un vibrant hommage au Saint-Père. En tant que président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine, il a exprimé sa reconnaissance et celle du peuple de Dieu au Pape François pour sa «façon d’exercer le sacerdoce, avec un esprit d’humilité et de miséricorde, dans un esprit de réforme et de sainteté, en donnant la priorité aux personnes qui ont le plus besoin de charité et d’espérance».
Au micro d’Hélène Destombes, le préfet de la Congrégation pour les Évêques revient sur la paternité sacerdotale du Pape :
Je crois que ce qui caractérise sa vie sacerdotale, c’est la prière. Le Pape est un homme de Dieu, il donne beaucoup de temps à la prière. Le matin, le soir, il vit de la prière, et il demande beaucoup la prière. C’est ce qu’il y a de plus caractéristique. Je crois que ce qui caractérise sa communication avec le ciel, c’est aussi sa dévotion mariale. Il va visiter la Vierge Marie avant chacun de ses voyages, à son retour et même en d’autres circonstances. C’est un témoignage impressionnant.
Comment le Saint-Père incarne-t-il la figure du Père, que dire de sa paternité spirituelle ?
Le Pape François insiste beaucoup, quand il parle aux pasteurs, pour qu’ils soient proches des fidèles. Cela signifie avoir de la sympathie, un esprit de solidarité, de douceur, de compréhension pour les situations complexes. Je crois que tout cela vient de son cœur de pasteur qui veut secourir les affligés, qui veut soigner les malades, qui veut écouter les souffrances de ses fidèles. Ce sont des traits assez caractéristiques de sa paternité spirituelle.
Peut-on estimer qu’il est plutôt dans un rapport de pasteur à pasteur, de père à fils ou de frère aîné à jeune frère ?
On retrouve toutes ces caractéristiques-là chez le Pape. Quand nous vivons le synode avec lui, il incarne vraiment le pasteur avec ses frères dans l’exercice du ministère. Quand il parle aux fidèles, par exemple au cours des audiences du mercredi, il est un père qui parle aux disciples du Seigneur et donc qui exerce une paternité à leur égard. Quand il est avec nous, ses collaborateurs ici, à la Curie, il adopte la position du grand frère. C’est un homme simple et très fraternel.
Le Pape François, en tant que Père spirituel, accompagne, instruit, stimule, réconforte mais aussi fustige parfois. Quels liens entretient-il avec ses fils, les prêtres?
Il a beaucoup d’affection pour les prêtres, ce sont ses proches collaborateurs. J’ai remarqué que quand il s’adresse à eux, par exemple lors d’une méditation avec ses prêtres ici à Rome, il leur parle d’une façon très affectueuse mais il leur fait aussi des petites remarques critiques. Elles ne sont pas très nombreuses mais c’est souvent ce qui est retenu de ce qu’il a dit. Je crois que c’est un peu exagéré. Il faut aussi comprendre que le Saint-Père s’inscrit dans une tradition qui insiste sur les conseils évangéliques: pauvreté, chasteté, obéissance. C’est sa spiritualité, c’est la raison pour laquelle il condamne souvent le carriérisme, l’ambition, les commérages. Il trouve que ces attitudes blessent la charité et il insiste sur ce point-là.
Il a aussi adressé une lettre aux prêtres en la fête du saint Curé d’Ars en août dernier. Ces paroles étaient nécessaires pour encourager tous ces prêtres qui travaillent dans l’ombre, dans le silence, parfois en rencontrant de grandes difficultés?
Depuis quelques années, la question des abus est devenue très présente dans la vie de l’Église. C’est un temps de purification mais c’est aussi un temps difficile pour les prêtres qui se font parfois maltraiter. Ils avaient vraiment besoin d’encouragement: le Pape a saisi l’occasion et il a écrit cette très belle lettre. Je me suis beaucoup réjoui pour les prêtres de ce geste du Pape.
La paternité spirituelle est un don de soi qui s’exprime notamment à travers la capacité à pleurer avec ceux qui pleurent. Comment le Pape François vit-il et transmet-il cette grâce?
C’est un des traits caractéristiques du Pape François de faire précéder ses audiences par un contact avec les malades, avec ceux qui viennent le voir, qui ont besoin d’être touchés par lui, et parfois d’être embrassés. Il se montre très présent avec les gens qui sont mis à l’écart, ceux qui souffrent de la pauvreté. Il est vraiment extrêmement sensible à la condition des gens qui souffrent, c’est un trait très fort chez lui. Je crois que c’est lié à son esprit de miséricorde, il incarne la bonté de Dieu et sa préférence pour les pécheurs, pour ceux qui sont perdus. Tout ça montre aussi le cœur de pasteur du Pape.
La miséricorde est au cœur de ce pontificat, elle en est un aspect central?
Le Pape a fait plus que quiconque pour restaurer, par exemple, le sacrement de la confession. Il a donné l’exemple lui-même, à Saint-Pierre de Rome, en convoquant, à l’occasion du carême, une célébration pénitentielle générale mais avec absolution individuelle. Il est le premier à aller se confesser et ce n’est pas du théâtre, il le fait pour témoigner que nous avons tous besoin de miséricorde.
Vous avez-vous-même célébré l’année dernière 50 ans de sacerdoce. Quel est, dans le parcours du Pape François, ce qui vous touche et vous rapproche?
Ce qui suscite mon admiration, c’est son zèle dans l’annonce de l’Évangile. Le Pape François n’a pas cessé d’inventer des manières d’annoncer l’Évangile. Il a commencé avec ses homélies matinales, ensuite il a accepté de parler aux journalistes. Il a aussi écrit des préfaces pour des livres sur des sujets qui lui semblaient importants. Tout cela est motivé par l’annonce de l’Évangile. Ce n’est pas de la politique, c’est un témoignage que l’Évangile doit être annoncé par tous les moyens. Voilà ce qui me frappe le plus. J’ai noté aussi qu’il a fait progresser la doctrine de l’Église. Par exemple, en ce qui concerne la défense de la vie, c’est lui qui, personnellement, a fait évoluer la doctrine sur la question de la peine de mort. Je crois qu’il a désormais établi une cohérence totale sur le sujet de la défense de la vie dans l’Église catholique.
Vous évoquez une certaine cohérence. Si vous observez le parcours sacerdotal du Pape François, vous percevez cette cohérence, ce cheminement? Est-ce qu’il y a selon vous des étapes particulières?
Le Pape est un homme de discernement, il vit son ministère comme une écoute du Saint-Esprit. C’est la raison pour laquelle il insiste sur la synodalité: parce que le Saint-Esprit parle à travers le peuple de Dieu. Cette écoute du Saint-Esprit est aussi liée à la tradition jésuite dont le Pape est issu. Il écoute, il discerne, et il suit les motions du Saint-Esprit. Je crois qu’il a vraiment appris à appliquer sa spiritualité du discernement à l’exercice du son ministère pastoral pour l’Église universelle. C’est pourquoi il est très attentif aussi à la question de la paix, à l’importance du dialogue entre les hommes religieux, qui est fondamental de nos jours pour le maintien de la paix. Il insiste aussi sur l’œcuménisme, car si les chrétiens ne donnent pas un témoignage d’unité, ou d’un effort pour reconstruire l’unité, l’Évangile est moins annoncée. Voilà encore des caractéristiques importantes du Pape, et qui indiquent combien il a conscience de sa responsabilité universelle. C’est pourquoi il accepte et promeut le dialogue, il insiste sur une culture de la rencontre pour établir un esprit constructif dans un monde qui devient de plus en plus violent, de plus en plus fractionné.
Qu’avez-vous envie de souhaiter au Pape François à l’occasion de ce cinquantième anniversaire?
Je lui souhaite que le Saint-Esprit lui donne toujours courage et lucidité dans son effort pastoral, pour sauvegarder l’unité de l’Église.
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