Le père Cantalamessa débute sa prédication d’un “Avent marial”
Pourquoi ce choix de dédier les prédications à la Mère de Dieu ?
Mon dernier cycle de prédication dédié à la Mère de Dieu remonte au temps de saint Jean-Paul II, précisément à la suite de son encyclique Redemptoris Mater (parue en 1987, ndlr). Il m’a semblé que le moment était arrivé de mettre de nouveau Marie au centre de nos moments de réflexion dans la chapelle, qui s’appelait autrefois chapelle Mathilde, et qui s’appelle maintenant Redemptoris Mater, justement à la suite de cette encyclique.
Mais il y a aussi d’autres motifs plus profonds. Le climat œcuménique dans lequel nous vivons et qui motive de nombreuses initiatives de François nous permet de faire de la Mère de Dieu un facteur d’unité et non plus de division entre les chrétiens des différentes dénominations. Dans mes prédications, je m’efforce de mettre en lumière ce noyau essentiel du culte de Marie qui unit tous les croyants en Christ. Ce noyau consiste dans le fait de parler de Marie à partir de l’Écriture et du dogme du Concile d’Éphèse de 431 qui l’a proclamée “Mère de Dieu” (Theotokos). Dans ce titre sont intégrées toute la grandeur de Marie et la raison de son culte.
Dans Redemptoris Mater, saint Jean-Paul II insiste en particulier sur le titre de Marie comme la «première croyante», celle qui «a cheminé dans la foi» et qui est maintenant «notre Mère dans la foi». Une façon de parler de Marie qui peut aussi entrer en consonance avec la spiritualité des fidèles protestants.
Comment pouvons-nous accomplir un parcours de vie accompagnés par Marie ?
La liturgie de l’Avent nous prépare à Noël à travers trois figures, Isaïe, Jean-Baptiste et Marie ; le prophète qui, de loin, a annoncé la naissance de l’Emmanuel, le précurseur qui lui a dédié le monde comme l’Agneau de Dieu, et la Mère qui l’a porté en son sein. Marie est l’unique qui n’a pas célébré l’Avent, mais qui l’a vécu dans sa chair. Comme chaque femme enceinte – et elle, d’une façon unique dans l’Histoire-, elle sait ce que signifie être “en attente”. Son regard était plus tourné à l’intérieur d’elle-même qu’à l’extérieur, et en ceci, elle est l’icône vivante d’une Église contemplative.
Dans le vacarme du consumérisme effréné qui caractérise désormais ce temps, Marie rappelle silencieusement au monde qu’il n’y a pas de Noël sans Jésus, que le Noël que l’occident sécularisé s’apprête à célébrer est une fête sans la personne fêtée, et que c’est donc une fête triste. Les regards des personnes le jour après Noël sont la preuve vivante que ce ne sont pas les choses qui peuvent faire le bonheur de l’être humain. Avec Jésus, les cadeaux, même les plus petits, ajoutent de la joie à la joie. Sans Lui, les choses créées sont comme des «citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau», aurait dit le prophète Jérémie.
Quel a été le rôle de Marie dans la naissance de l’Église ?
En recueillant une tradition ininterrompue, particulièrement vivante dans l’Église latine, Marie a été proclamée par le Concile Vatican II «figure de l’Église». Les Pères ont enseigné que ce qui se dit de Marie vaut universellement de l’Église et singulièrement de l’âme. D’autres images avec lesquelles s’exprime ce rapport intime sont Marie «première cellule de l’Église» ou «l’Église dans son état naissant», ou encore «miroir de l’Église».
L’Avent est un temps marial ?
Au centre de l’Avent, comme de tout temps de l’année liturgique, il y a le Christ en tant que médiateur entre Dieu et l’homme. L’Avent est un temps christologique et trinitaire, mais il est aussi mariologique dans le sens où le mystère de l’Incarnation, qui est au centre de ce temps, s’est réalisé en elle. La Parole de Dieu qui nous accompagne dans ce temps de l’Avent et de Noël la voit presque toujours protagoniste. Marie, disait saint Bernard, est «la porte à travers laquelle Dieu est entré dans le monde, et c’est maintenant la porte à travers laquelle nous pouvons entrer en Dieu». Celui qui désire une grâce et ne recourt pas à elle, dit Dante, est un illusoire qui «veut voler sans ailes».
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