Cardinal Parolin: la priorité n'est pas l'économie mais la personne
L'Osservatore Romano
«La pandémie nous enseigne de façon dramatique que personne ne peut y arriver seul : une réponse partagée et coordonnée est nécessaire pour faire face au virus. Il en va de même pour guérir les maux de l'indifférence, de la solitude et de l'inimitié». Tels sont les propos du cardinal Secrétaire d'État Pietro Parolin dans une interview de Carlo Di Cicco publiée jeudi 27 août sur le site www.ripartelitalia.it, un think-tank créé pour encourager la reprise en Italie après la récession brutale liée à la pandémie de coronavirus.
«La priorité n'est pas l'économie en tant que telle, mais l'être humain, explique d'emblée le cardinal. Le Covid-19 n'a pas seulement provoqué une crise sanitaire mais a touché de nombreux aspects de la vie humaine : la famille, la politique, le travail, les affaires, le commerce, le tourisme, etc..."» La nature expansive et interconnectée de la pandémie nous rappelle constamment l'observation du Pape François selon laquelle «tout est connecté».
Veiller à l'intégrité de la personne
Selon le secrétaire d'État, «si tous les gouvernements ont été contraints de prendre des mesures drastiques, au point d'arrêter tant d'activités économiques pour lutter contre la pandémie, cela signifie que la priorité n'est pas l'économie, mais la personne. Cela signifie avant tout prendre soin de la santé». Cependant, poursuit-il, la doctrine sociale de l'Église, qui est enracinée dans l'anthropologie chrétienne, nous rappelle qu'on ne peut pas se limiter à se soucier uniquement de la santé du corps. «Nous devons veiller à l'intégrité de la personne humaine, qui doit donc être l'objectif prioritaire de l'engagement politique et économique, dans une éthique de responsabilité partagée dans la maison commune».
«Par conséquent - souligne le cardinal - l'Eglise nous invite à redécouvrir la vocation de l'économie au service de l'homme, afin de garantir à chacun les conditions nécessaires à un développement humain intégral et à une vie digne. "Maintenant plus que jamais", a écrit le pape François à Pâques le 11 avril dernier, "ce sont les personnes, les communautés et les peuples qui doivent être au centre, unis pour guérir, pour soigner et pour partager».
Pour le cardinal Parolin, «certains dangers apparus dans la lutte contre la pandémie doivent donc être mis en évidence, comme la prévalence d'approches anthropologiques réductrices qui, en se concentrant sur la santé corporelle, risquent de considérer les dimensions spirituelles comme négligeables. Dans la situation d'urgence dramatique que nous avons connue, poursuit-il, on a pu constater la limite d'une interprétation des questions de santé selon des paradigmes exclusivement techniques, qui a pratiquement nié certains besoins fondamentaux, par exemple en entravant la proximité des membres de la famille et l'accompagnement spirituel des malades et des mourants. Cela exige une réflexion plus approfondie sur les nombreuses questions que la pandémie nous a posées».
La prise de conscience d'une fragilité partagée
La pandémie «a révélé à la fois notre interdépendance et notre faiblesse commune, une fragilité partagée», estime encore le secrétaire d'État du Saint-Siège. «Lorsque la logique de la dissuasion nucléaire dominait - rappelle-t-il - Saint Jean XXIII, dans Pacem in Terris, a souligné l'interdépendance entre les communautés politiques : «Aucune communauté politique aujourd'hui n'est capable de poursuivre ses intérêts et de se développer en se refermant sur elle-même». Et le Pape François de souligner dans l'encyclique Laudato Si : «L'interdépendance nous oblige à penser à un seul monde, à un projet commun». D'autre part - a rappelé Jean-Paul II dans l'encyclique Sollicitudo Rei Socialis- nous sommes aujourd'hui confrontés à une interdépendance technologique, sociale et politique, qui exige d'urgence une éthique de la solidarité».
«Cependant, a-t-il encore expliqué, «au lieu de favoriser la coopération pour le bien commun universel, nous voyons de plus en plus de murs s'ériger autour de nous, exaltant les frontières comme garantie de sécurité et pratiquant des violations systématiques du droit, maintenant une situation de conflit mondial permanent». Comme l'a rappelé le Pape François à Nagasaki, «les dépenses d'armement ont atteint leur sommet en 2019, et maintenant il y a un risque sérieux qu'après une période de diminution, également due aux restrictions liées à la pandémie, elles continuent à augmenter». «Ce moment même montre, au contraire, que nous devons semer l'amitié et la bonne volonté plutôt que la haine et la peur». De plus, «l'interdépendance planétaire exige des réponses globales aux problèmes locaux», a insisté le Pape François lors de sa rencontre avec les mouvements populaires en 2015, «car la mondialisation de l'espérance [...] doit remplacer cette mondialisation de l'exclusion et de l'indifférence !»
Mettre la solidarité et la fraternité au centre de l'économie
À cet égard, le cardinal souligne que «le cadre de référence conçu par le Pape François pour l'économie se trouve avant tout dans Laudato Si', qui à son tour développe l'encylique Caritas in veritate de Benoît XVI» Ce sont «les deux grandes encycliques sociales les plus récentes». Benoît XVI a parlé d'une économie dans laquelle la logique du don, le principe de gratuité, qui exprime non seulement la solidarité, mais plus profondément encore la fraternité humaine, doit trouver sa place. François a relancé le thème du développement humain intégral dans le contexte d'une «écologie intégrale», environnementale, économique, sociale, culturelle, spirituelle. L'enseignement social de l'Église, auquel beaucoup reconnaissent la solidité de son fondement et de son orientation, montre qu'elle sait se mettre à jour continuellement pour répondre aux questions de l'humanité avec cohérence et une vision globale.
Aujourd'hui, «la pandémie apporte un choc formidable à tout le système économique et social et à ses certitudes présumées, à tous les niveaux», affirme encore le cardinal Parolin. «Les problèmes de chômage - dénonce-t-il - sont et seront dramatiques, les problèmes de santé publique nécessitent la révolution de systèmes de santé et d'éducation entiers, et le rôle des États et les relations entre les nations changent. L'Église se sent appelée à accompagner le chemin compliqué qui se présente à nous tous en tant que famille humaine». Et «elle doit le faire avec humilité et sagesse, mais aussi avec créativité». Pour le cardinal, en bref, «il existe des principes de référence solides, mais aujourd'hui, une créativité courageuse est d'autant plus urgente, afin que la crise dramatique de la pandémie ne se résolve pas en une terrible tragédie, mais qu'elle ouvre des espaces pour la conversion humaine et écologique dont l'humanité a besoin».
En conclusion, le cardinal-Secrétaire d'État espère «que ce que nous avons vécu dans les premiers mois de la pandémie a nourri chez de nombreux fidèles une plus grande conscience de la vie sacramentelle, ainsi que le désir et l'attente d'une participation plus vivante à la liturgie, sommet et source de toute la vie de l'Église».
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