Barbara Jatta: l’exposition Raphaël, emblème d’une ténacité
Barbara Jatta – Cité du Vatican
L'"exposition de l'année", Raphaël 1520-1483, vient de se terminer aux Écuries du Quirinal. Une année raphaélienne bissextile et funeste, par tout ce que nous avons traversé et que nous continuons d’éprouver; des situations inimaginables, même dans les films de science-fiction les plus futuristes.
L'exposition des Écuries du Quirinal –anciennement appelées Écuries papales du Quirinal- sur Raphaël a été «l'» exposition de cette année, et j'aime en souligner ses nombreux aspects positifs. Emblème de la façon dont on a su, de manière incroyable et avec ténacité, faire face à la pandémie, à la fermeture, à l'imprévu et à la réouverture "chronométrée" (5 minutes pour chaque salle), et en faire, malgré tout, un succès. Plus de 150 000 visiteurs - peut-être moins que ce qui était espéré dans la phase d'organisation, mais un résultat retentissant compte tenu de la situation – et ces derniers jours, une ouverture 24 heures sur 24, à des groupes de dix personnes toutes les 5 minutes jusqu'à 22h30, le 30 août.
J'ai eu le privilège d'être invitée à la dernière visite (en tant que prêteur et membre du Comité scientifique de l’exposition) et de parcourir les salles d’un cadre sobre, élégant et efficace. Mario De Simoni –président du musée - et Matteo Lanfranconi –commissaire d’exposition et directeur du musée- ont voulu que je sois à leurs côtés pour clôturer cette fantastique exposition avec tout le personnel assidu des Écuries. À cette occasion, j'ai encore mieux compris l'effort et la passion montrés par l'ensemble du groupe, l'abnégation et la volonté d'aller de l'avant, qui est le miroir de l'attitude que nous tous qui travaillons dans le monde de l'art et des musées (et pas seulement notre catégorie) avons en ce moment si anormal pour toute la planète.
Une exposition "à rebours"
Une exposition que beaucoup de gens n’ont pas voulu raté précisément parce qu'elle est l'emblème d'une attitude aussi obstinée. L'exposition a eu le mérite de présenter le "divin" Raphaël, l'artiste universel dans une formule à rebours, en partant du mythe et de la mort pour arriver à sa période juvénile et son éducation. Une idée brillante et pratique qui s'est avérée gagnante pour le grand public. Une exposition qui a dévoilé de nombreux chefs-d'œuvre, mais aussi la vision globale de Raphaël.
Elle a permis de rappeler, réitérer et faire comprendre à notre génération, des plus jeunes aux visiteurs de tous âges, que Raphaël est un artiste universel: excellemment universel, comme le décrit l’heureuse expression du peintre toscan, Giorgio Vasari (1511-1574), et comme l'a rappelé Silvia Ferino Pagden, commissaire de l’exposition.
Raphaël est un maître impeccable, un portraitiste raffiné de figures vivantes et pénétrantes, dédié à son travail, et un modèle pour organiser des activités collectives dans le respect de la personnalité individuelle; un symbole de notre nation italienne, si créative et ingénieuse, mais aussi une figure supranationale et unique pour la complexité de son être. Les œuvres exposées, provenant de nombreuses collections du monde entier, en sont un autre témoignage tangible.
Comme l'a rappelé le Pape François en janvier dernier, s'adressant aux ambassadeurs du monde entier accrédités près le Saint-Siège, le divin d'Urbino doit être un modèle à regarder, à imiter et à diffuser, car il est le fils de cette Renaissance qui n'a pas été façonnée sans difficultés, mais animée par la confiance et l'espérance; retrouver donc à travers lui le même esprit d'ouverture qui a rendu tout plus beau dans l'histoire, l'art et la culture.
Outre un génie artistique, des valeurs
Raphaël est donc un "modèle", une figure à imiter non seulement pour sa personnalité, pour son génie créatif et artistique, mais aussi et surtout pour ces valeurs fondamentales qu'il a poursuivies tout au long de sa vie et de sa profession: avant tout celle de la protection, une attention qu'il a développée encore davantage en 1515 à la suite du poste de commissaire aux Antiquités que Léon X lui a demandé d'exercer et, à partir de 1519, avec la rédaction de la célèbre lettre à quatre mains avec Baldassarre Castiglione à ce même pontife des Médicis, fils de Laurent le Magnifique.
Cet aspect fondamental du génie de Raphaël, qui avait été si bien mis en évidence dans les premières salles de l'exposition aux Écuries, est réaffirmée dans une petite mais non moins importante exposition romaine, dont la commissaire est la talentueuse Ilaria Sgarbozza, et qui a ouvert ses portes le 17 septembre: "La leçon de Raphaël. Les antiquités romaines".
Ce n'est pas une coïncidence si l'initiative a été jugée digne du patronage ministériel des importantes célébrations de Raphaël par le Comité national de Raphaël. La décision du Comité - présidé par Antonio Paolucci - a également été fondée sur la décision de l'installer dans le complexe de Capo di Bove sur la Via Appia Antica.
Prolonger aux Musées du Vatican
J'avais écrit, à l'occasion de l'anniversaire du 6 avril dernier, que pour connaître Raphaël, il fallait visiter l'exposition «phare» organisée par l'Italie et à venir au Vatican. J'y pense encore, et les précieuses collections de murs et de mobilier du Vatican, indispensables pour une compréhension complète de l'Urbinate, sont toujours là, conservées dans les murs du Vatican et encore plus accessibles grâce aux nombreuses nouveautés, restaurations et installations, présentées en cette année de célébrations.
L'exposition des Écuries du Quirinal étant désormais terminée, en ces prochains mois de 2020, pour comprendre Raphaël il faudra venir au Vatican, mais aussi faire une belle promenade le long de la Via Appia Antica, jusqu'au complexe de Capo di Bove.
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