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Geste d'affection envers une personne malade Geste d'affection envers une personne malade  

Fin de vie: le temps du malade change le regard sur le monde

La Congrégation pour la Doctrine de la foi a publié, ce mardi 22 septembre 2020, une lettre “Samaritanus bonus” insistant sur le soin qui doit être apporté aux malades en fin de vie, au regard du message du Bon Samaritain. Françoise Navail, aumônier d’hôpital, témoigne de sa mission qu’elle accueille comme «un cadeau de Dieu».

Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican

Cette lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi (lien vers la synthèse en français) met l’accent sur l'accompagnement médical, infirmier, psychologique et spirituel afin de soulager la douleur et de répondre aux différents besoins des patients, mais aussi de leurs proches. Les services de soins palliatifs sont l'expression de ces différentes approches. Françoise Navail, aumônier d’hôpital, au Centre Hospitalier Universitaire de Lille, depuis 2013, nous livre son expérience auprès des personnes malades en fin de vie.

Elle évoque une mission «difficile» mais extrêmement riche qui a changé son regard sur la vulnérabilité et son rapport au temps, favorisant la contemplation. Dans les services de soins palliatifs, où la douleur mais aussi la beauté et la douceur s’expriment, Françoise Navail dit faire l’expérience de l’espérance. Elle confie se sentir «sculptée par Dieu» et «façonnée par ces rencontres qui ne laissent pas indemnes».

Françoise Navail, aumônier d’hôpital à Lille

C’est une mission qui est vraiment difficile mais on a beaucoup de chance de pouvoir rencontrer les personnes à l’hôpital. C’est ce que le Pape nous demande, d’aller dans les périphéries, de montrer un visage d’Église. C’est un cœur à cœur et la personne malade révèle aussi en nous ce que nous avons de plus beau. Je n’aurais jamais pu avoir cette image de moi-même si je n’avais pas fait cette mission, et c’est un très beau cadeau que Dieu me fait.

Quelle place la prière occupe-t-elle dans ce parcours ? 

La prière est fondamentale. C’est une parole extraordinaire parce qu’elle est vivante, elle correspond à ce dont nous avons besoin à un moment donné, et parfois ce sont les patients qui vont faire résonner cette parole. Elle est importante car notre mission est difficile et si l’on ne sent pas que Dieu est là, qu’il nous aide et qu’il est le sens de tout cela, on ne peut pas tenir.

Comment la présence de Dieu s’illustre-t-elle à l’hôpital, en particulier dans les services de soins palliatifs ?

En soins palliatifs, on vit un tsunami avec l’annonce de la mort et donc on s’interroge sur qui est ce Dieu. Il est celui qui nous aide, qui va nous guérir ? Il faut se rendre compte que ce n’est pas ce Dieu-là. Il faut comprendre que Dieu est présence. Et le regard que l’on peut porter à quelqu’un en dit long sur le visage du Christ. C’est un regard qui relève, et c’est cela qui est primordial. Les malades doivent ressentir qu’ils ne sont pas inutiles, et que leur présence est vraiment signe d’une vie qui est honorée jusqu’au bout.

Cette expérience a-t-elle changé votre regard sur la vulnérabilité ?

Oui, dans le sens où la vulnérabilité s’oppose à la force, et lorsque l’on est malade les repères changent et un lâcher-prise doit s’opérer. La vulnérabilité, c’est aussi la pauvreté et parfois Dieu s’engouffre dans cette pauvreté. C’est une situation triste, dramatique mais qui peut aussi être le lieu où Dieu vient nous parler parce qu’on l’entend.  

 

Quelles sont les réponses que vous apportez à un patient qui exprime une peur de la mort ou qui aimerait que cette mort soit accélérée ?

Il n’y a pas de réponse à donner car nous sommes là pour écouter les personnes. Qui serais-je si je jugeais ce que les gens vivent ? Je suis présente pour accompagner, non pas pour émettre un jugement quel qu’il soit. Je suis là pour dire que j’écoute. Il est vrai que cette écoute peut aider, peut donner sens à une vie qui n’a plus de sens, même si c’est très difficile, par la fidélité qui dit quelque chose de la fidélité de Dieu.

Cette mission a-t-elle changé votre rapport au temps ?

Oui dans la mesure où, lorsque l’on entre dans une chambre, le temps du malade n’est pas du tout le temps des autres. Lors de la visite, ce temps leur est offert et on rentre dans leur temps. Il y a beaucoup de silences, des regards et cela permet d’aller très loin dans la confidence. Le temps des malades n’est pas le temps de tous les jours et ce rapport a beaucoup changé ma vie. Je vais beaucoup plus à l’essentiel, je contemple, je prends du temps pour écouter, pour observer la nature et pour être avec le Seigneur.   

Votre mission, qui peut être douloureuse et délicate, est-elle également source d’un véritable enrichissement personnel ?

Oui mais ce n’est pas linéaire parce que certaines visites sont plus difficiles que d’autres et interrogent. Mais on va beaucoup plus loin finalement, on est sculpté par Dieu, on est façonné par ces rencontres qui ne laissent pas indemnes. C’est vraiment un enrichissement dans le sens où l’espérance doit être là lorsque l’on accompagne des personnes qui vont mourir. Moi, je fais l’expérience de l’espérance. Je pense vraiment que l’on va se retrouver, que la vie qui attend ces personnes malades est belle avec Dieu. Il ne s’agit pas du tout de théologie mais c’est une expérience du vécu. C’est très beau et je suis aujourd’hui différente, c’est éprouvant mais on a beaucoup de chance de pouvoir rencontrer ces personnes en fin de vie.

 

Les personnes en fin de vie expriment souvent une difficulté dans leur rapport au corps. Cela facilite-t-il, en quelque sorte, une élévation spirituelle ?

La perception est que ce corps a trahi, à travers la maladie. Il a trahi l’esprit, en quelque sorte, il a trahi le mouvement, l’amour que l’on pouvait donner à ses proches. Il y a une rupture, «le corps ne suit plus». Il est vrai que pour les chrétiens, le corps a une part très importante. Jésus regarde, pose la main, c’est d’ailleurs ce que l’on essaie de faire pour que la personne retrouve une unité: corps et esprit. Il est très important de retrouver l’unité et la réconciliation avec ce corps.

Cette période de la fin de vie favorise-t-elle des actes de réconciliation ?

Oui, à commencer par la réconciliation avec soi-même, comprendre que l’on est aimé jusqu’au bout. Il y a un grand désir de réconciliation, il y a des bouleversements, une accélération, de très belles choses et beaucoup de douceur. J’ai été très marquée par une personne croyante, en fin de vie, qui n’était pas âgée. Ses enfants qui étaient à l’étranger sont revenus et ils étaient autour d’elle lorsqu’un prêtre est venu la bénir. Elle a alors demandé à son mari, à ses enfants, à son amie de ne pas être tristes, de ne pas être dans les larmes mais dans la joie parce qu’elle allait être heureuse… elle transmettait. Je crois que l’on peut aussi transmettre ce que l’on a de plus beau en nous dans ces moments-là.  

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22 septembre 2020, 13:40