Le Pape nomme Mgr Pizzaballa Patriarche latin de Jérusalem
Marie Duhamel - Cité du Vatican
«Je suis fils de l’obéissance. Il y aura un moment où quelqu’un me dira où aller, comme Jésus le fit avec Pierre. Et ce sera une bonne chose». Après avoir passé la moitié de sa vie, 26 ans, au Proche-Orient, dont 12 ans en charge de la Custodie de Terre sainte, le frère franciscain Pierbattista Pizzaballa «se préparait spirituellement» à devoir s’éloigner des gens et d’une terre aimée. Il restera finalement à Jérusalem.
En 2016, il a été choisi par le Saint-Siège pour succéder à Mgr Fouad Twal, le patriarche jordanien démissionnant conformément au droit canon pour raison d’âge, et gérer en tant qu’administrateur apostolique le Patriarcat sede vacante.
Au moment de sa nomination, le franciscain nommé archevêque titulaire de Verbe par le Pape François, espérait que parte de Jérusalem, «de cette terre sainte et blessée la capacité de se rencontrer et de s’accueillir les uns les autres, construisant des ponts et non des murs : entre nous et le Seigneur (…) entre les frères des diverses Églises, entre nous et les frères juifs et musulmans et entre nous et les pauvres qui ont tant besoin de miséricorde et d’espérance.»
Un homme de dialogue et de prière
En avril dernier, lors de la première vague de contamination, Mgr Pizzaballa priait aux côtés des chefs des différentes religions, juifs, chrétiens, musulmans et druzes, pour la fin de la pandémie de Covid-19 : «Des centaines de milliers de morts, des millions de malades. Sauve-nous, nous t'implorons, ô Seigneur». Pendant le premier confinement, il affirme avoir redécouvert le sens de la prière.
Avec ses frères chrétiens, il se soucie de la judaïsation de la vieille ville. En juin 2019, il signe avec les chefs des douze autres chefs des Églises de Jérusalem une déclaration en soutien au patriarcat grec-orthodoxe, débouté par la Cour suprême israélienne dans une affaire complexe de vente de propriétés à une association juive ultra-nationaliste. La crainte est de voir l’accès à la basilique du Saint-Sépulcre, à terme, compromis. Pour eux, porter atteinte à la présence chrétienne à Jérusalem, c’est s’attaquer à la diversité religieuse propre à la ville trois fois sainte, et donc, in fine, à son caractère éminemment universel.
Pour une présence vivante des chrétiens en Terre sainte
«L’identité de Jérusalem ne serait pas complète sans une présence chrétienne vivante et dynamique» insiste l’administrateur apostolique auprès de ses fidèles. «Aujourd’hui c’est votre présence qui rend l’Église Mère de Jérusalem vivante et visible» soulignait-il en mai 2018 alors que se posait la question de créer une nouvelle paroisse à Jérusalem. Mgr Pizzaballa est appelé à réagir aux bouleversements urbains et sociologiques qu'a connus la ville. Si la présence catholique était jusqu’à un passé récent concentrée dans la Vieille Ville, les fidèles sont maintenant éclatés entre différents quartiers ou localités parfois très éloignés des lieux de culte et de vie paroissiaux. «Tout change» reconnaissait Mgr Pizzaballa. «Nous changeons aussi et nous devons nous demander ce que signifient ces changements pour notre présence dans la Ville Sainte, ici et maintenant» expliquait-t-il alors.
Soucieux des plus fragiles, l'administrateur apostolique crée en avril 2018, une paroisse pour les migrants et les réfugiés présents sur le territoire israélien.
Mgr Pizzaballa qui a appris l’arabe depuis son arrivée au Patriarcat, n’oublie pas les chrétiens qui demeurent hors de Jérusalem. Il se rend régulièrement à Nazareth ou dans les territoires. En janvier dernier, il proteste après l’intrusion de milliers de colons israéliens sur l’une de ses propriétés, dans le nord de la Cisjordanie et s’inquiète de la multiplication de ce type d’incidents et de l’absence de mesures israéliennes pour les contrer. Ces actes d’intimidation surviennent après la présentation du plan de paix américain pour le Proche-Orient. Rejetée par les Palestiniens, la feuille de route prévoit entre autres l’annexion de la Vallée du Jourdain et des colonies de la Cisjordanie par l’État hébreu.
La fraternité pour construire la paix
«Nous voulons, en tant que communauté chrétienne, ensemble, nous faire une voix libre pour les droits de ceux dont les droits sont bafoués», affirme Mgr Pizzaballa lors de la prière pour l’Unité des chrétiens, quelques jours après l’annonce du «deal du siècle». Il encourage alors les chrétiens à œuvrer pour la paix et la réconciliation en Terre Sainte, où la «société a toujours été culturellement et religieusement pluriforme» et où «chacun a sa dignité et ses droits».
Lors de la solennité de la Sainte Famille, depuis Ramallah en Cisjordanie où il était venu célébrer la messe, Mgr Pizzaballa espérait pour l’année 2020 un meilleur dialogue entre Israël et la Palestine. Cette semaine, lors d’une conférence organisée par l’Ordre du Saint-Sépulcre, il estimait que la paix est en l’état une «utopie» mais une utopie à poursuivre en s’appuyant sur la fraternité en cette période de pandémie.
Joie et gratitude après cette nomination
«C’est avec joie et gratitude que la famille du Patriarcat latin à Jérusalem, Amman, Nazareth et Chypre, en particulier les évêques, les vicaires patriarcaux, les prêtres, les diacres, les séminaristes, les religieux et religieuses, les personnes consacrées, le peuple de Dieu de toutes les paroisses ainsi que les employés des institutions diocésaines, félicite le nouveau Patriarche et souhaite à Sa Béatitude de réussir dans l'exercice de ses responsabilités exceptionnelles, en particulier dans ces circonstances inhabituelles», peut-on lire sur le site du Patriarcat. «Que Sa Béatitude demeure en bonne santé et reçoive la bénédiction divine pour continuer à servir notre Église locale, tout en promouvant la paix, la justice et la réconciliation», poursuit la note.
L’Ordre du Saint Sépulcre adresse également ses vœux les plus chaleureux au nouveau Patriarche qui devient leur Grand prieur et promet de «l'accompagner dans son service pastoral et recevoir de lui toute suggestion pour s'impliquer de manière significative dans la vocation de la Terre de Jésus comme lieu ouvert, accueillant, aimé de tous, où cohabitent personnes et espoirs».
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici