Charles de Gaulle et les Papes, une conciliation de vues
Delphine Allaire – Cité du Vatican
En tant que chef de l’État français, le général de Gaulle s’est rendu à deux reprises en visite d’État au Vatican; en 1959 pour rencontrer le saint Pape Jean XXIII, puis en 1967, où il a été reçu par le saint Pape Paul VI.
En tant que chef du gouvernement provisoire, l’homme de Colombey était déjà venu une fois à la rencontre du Pape à Rome; c’était le 30 juin 1944, sous le pontificat de Pie XII (1876-1958).
«La primauté des intérêts spirituels français»
«Très Saint-Père, placé à la tête du gouvernement provisoire de la République française, je tiens à porter à Votre Sainteté l’assurance du respect filial de notre peuple et de son attachement filial au Siège apostolique (…). Dès la délivrance, les intérêts spirituels du peuple français retrouveront leur primauté. Nous sommes résolus à les sauvegarder et nous souhaitons infiniment pouvoir être en mesure de le faire en profitant de la spéciale bienveillance que Votre Sainteté veut bien accorder à la France», écrivait ainsi le Général au Pape de la Seconde guerre mondiale, le 29 mai 1944. Le Pape lui répond le 15 juin, et le reçoit le 30 du même mois, cinq jours après la libération de Rome, le 25 juin.
Comme il le décrit dans ses Mémoires de Guerre, Charles de Gaulle semble impressionné face au charisme de Pie XII: «La charge surnaturelle, dont seul au monde il est investi, on sent qu’elle est lourde à son âme, mais qu’il la porte sans que rien ne le lasse, certain du but, assuré du chemin.» Le Général réalisera d’ailleurs la première dédicace du tome I de ses Mémoires à Pie XII, en 1954.
Le Général s’adressera une autre fois au Pape Pacelli, en 1958, première année de son mandat présidentiel, dernière année du pontificat de Pie XII. «La mission vient de m’être donnée de diriger à nouveau la France. Au moment où j’assume cette lourde responsabilité, ma pensée se porte vers Votre Sainteté. En toute piété, j’appelle son soutien spirituel sur mon action en lui demandant de bénir la France», écrit Charles de Gaulle, au moment d’être chargé par le président René Coty de former un nouveau gouvernement, le 29 mai 1958.
L'Italie, premier voyage officiel en tant que président
C’est alors en tant que premier président de la Vème République que le Général effectue sa première visite d’État au Saint-Père, le 27 juin 1959; geste fort, il choisit l’Italie pour son premier déplacement officiel à l’étranger.
Le 27 juin 1959, c’est donc accompagné de son épouse Yvonne et de son ministre des Affaires étrangères, le protestant Maurice Couve de Murville, que le président de Gaulle est reçu par le Pape Jean XXIII. Il fait cadeau au Saint-Père d’une Bible du XIVème siècle sur parchemin.
«En votre personne, c'est d'abord la France que nous saluons», déclare le Pape avant d'exprimer sa «paternelle affection» au peuple français.
Le général de Gaulle à son tour s'adresse, à saint Jean XXIII lui exprimant son «très particulier respect»: «Nous déposons au nom de la France nos respects à ses pieds... et nous lui demandons... tout son bienveillant appui», formant des vœux «pour la santé du très Saint Père et pour la prospérité et la gloire de notre Église catholique».
L’entretien en tête à tête avec le Pape dure vingt minutes, selon Le Figaro du 29 juin 1959, jour lors duquel le général prend également solennellement possession du titre de chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran, selon la longue tradition remontant à Henri IV.
Dans son discours improvisé de prise de possession du titre de chanoine, le président de Gaulle insiste prophétiquement sur la nécessité de faire triompher la primauté du spirituel à une époque où tout semble être voué à la technique.
Ironie de l’histoire, le jour de la dédicace de la basilique Saint-Jean-de-Latran, chaque 9 novembre, coïncide avec le jour anniversaire de la mort du Général.
L’ère De Gaulle s’achevant en 1968, Paul VI n’a pas rencontré son successeur; le président Georges Pompidou marqué par la période troublée post-Mai 68, ne s’est jamais rendu au Vatican. Il est l’unique chef d’État français de la Vème République à ne pas avoir effectué cet hommage.
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