Le Saint-Siège condamne l'antisémitisme, ni chrétien, ni humain
Marie Duhamel - Cité du Vatican
«Les juifs sont nos frères ! Et ils ne doivent pas être persécutés. Compris ?». Le Pape interpellait ainsi de manière claire et forte les fidèles réunis pour l’audience générale, le 13 novembre 2019. Pour le Saint-Père, l’antisémitisme est une «complète contradiction» avec le fait d’être chrétien, «un rejet de ses propres origines». À plusieurs reprises, François a souligné sa «fierté» à avoir les membres de la communauté juive pour frères et sœurs, rapporte le cardinal Pietro Parolin dans la partie initiale de son discours. «Nous partagons (avec les juifs) un riche patrimoine spirituel qui doit toujours être respecté et apprécié. Nous grandissons dans la compréhension mutuelle, la fraternité et les engagements partagés, et c'est la voie à suivre pour aller de l'avant», estime le Secrétaire d’État du Saint-Siège.
Pourtant, il note lui aussi «la propagation d'un climat diabolique et d'antagonisme» qui se caractérise par «la haine antisémite» et des attaques connexes dans de nombreux pays. Il répète que le Saint-Siège condamne toute forme d’antisémitisme, «de tels actes ne sont ni chrétiens, ni humains» insiste-t-il.
Condamnation sans équivoque
Mais s’il juge une condamnation sans équivoque nécessaire pour lutter contre ce phénomène, cela reste insuffisant. Lors de ce séminaire sur la lutte engagée contre l’antisémitisme, comme l’indique l’intitulé de l’événement : «Plus jamais ça : Faire face à la montée mondiale de l'antisémitisme», le cardinal Parolin estime que la réémergence de la haine contre les juifs, ainsi que les autres formes de persécution contre les chrétiens, les musulmans et les membres d’autres confessions doivent être analysées en profondeur.
«Comment est-il possible que certaines personnes haïssent et persécutent encore d’autres êtres humains, 75 ans après la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau?» s’interroge le prélat, évoquant ce camp de concentration où s’était rendu le Pape François pour se recueillir et prier en silence en 2016, lors de son voyage apostolique en Pologne pour les JMJ de Cracovie. «Le silence aide à garder la mémoire vivante. Si nous perdons la mémoire, nous détruisons notre avenir. Que l'anniversaire de l'indicible cruauté que l'humanité a apprise il y a 75 ans serve d'appel à la pause, à l'immobilité et à la mémoire [...]. Souvenons-nous nous aussi du passé et ayons de la compassion pour ceux qui souffrent, et cultivons ainsi la terre de la fraternité» affirmait le Saint-Père, quatre ans plus tard, le 20 janvier 2020 à une délégation du centre Simon Wiesenthal.
Garder la mémoire vivante
Dans son encyclique Fratelli tutti, le Pape propose plusieurs considérations et chemins concrets à suivre afin de construire un monde plus juste et fraternel, explique le cardinal Parolin. Le document dénonce la culture du rejet qui s’exprime notamment dans le racisme «qui continue à nous faire honte» dit le Pape, et offre une réflexion sur les distorsions faites sur des concepts fondamentaux tels que la démocratie, le liberté, l’égoïsme ou la perte de la signification du sens de l’histoire, qui n’est pas sans conséquence sur l’antisémitisme.
«Afin de surmonter tant de formes déplorables de haine, nous devons avoir la capacité de nous impliquer ensemble pour nous souvenir. La mémoire est la clé pour accéder au futur» insiste le cardinal Parolin à la suite du Pape. Il faut se souvenir du passé mais il plaide aussi pour «une mémoire commune vivante et fidèle, qui ne doit pas rester emprisonnée dans le ressentiment, mais s'ouvrir avec courage vers une nouvelle aube».
Lors de son discours, le cardinal Parolin évoque afin d’illustrer son propos un échange de lettres retrouvées dans les archives de la Secrétairerie d’État. En 1916, le cardinal Gasparri répondait au nom du Pape Benoît XV à l’American Jewish Committee qui s’inquiétait des horreurs dont étaient victimes les juifs lors de la Première guerre mondiale et il interpellait à ce titre le Saint-Père.
Benoît XV promettait alors qu’il n’aurait de cesse «d'inculquer aux individus, comme aux nations, l'observance des principes du droit naturel, et de réprouver toute violation de ceux-ci. Ce droit doit être observé et respecté à l'égard des enfants d'Israël comme il doit l'être à l'égard de tous les hommes, car il ne serait pas conforme à la justice et à la religion elle-même d'y déroger uniquement en raison d'une différence de foi religieuse». Une réponse à valeur quasiment d’encyclique, estimait alors l'American Hebrew and Jewish Messenger. «Parmi toutes les bulles papales jamais publiées au sujet des Juifs tout au long de l'histoire du Vatican, aucune déclaration n'égale ce plaidoyer direct et sans équivoque en faveur de l'égalité des Juifs et contre les préjugés fondés sur la religion», estimait-il.
Promouvoir le dialogue
Le Secrétaire d’État du Saint-Siège estime qu’il est également, outre le travail de mémoire, nécessaire de promouvoir le dialogue interreligieux, «un outil indispensable pour lutter contre l'antisémitisme», car il encourage notamment le respect mutuel et la liberté religieuse, ce que rappelle le Pape dans Fratelli tutti (271)
«J'espère que plus la fraternité, l'amitié sociale et le dialogue entre chrétiens et juifs se développeront, moins l'antisémitisme sera possible, car il y aura "déception pour le cœur de ceux qui trament le mal, et joie pour les conseillers de paix!"» (Prov 12, 20), conclut le Secrétaire d’État.
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