«Malgré les épreuves, les chrétiens d'Irak sont restés fidèles à l'Évangile»
Entretien réalisé par Olivier Bonnel - Cité du Vatican
Le Pape François s’envolera vendredi prochain pour l’Irak. Un nouveau voyage apostolique après quinze mois sans pouvoir quitter le Vatican pour l’étranger en raison de la pandémie de Covid 19. Du 5 au 8 mars, ce voyage se déploiera autour du thème «vous êtes tous frères» et sera largement inspiré par le thème de la fraternité humaine, dans la dynamique de sa dernière encyclique Fratelli Tutti.
Cette visite mènera le Saint-Père de Bagdad à Erbil au Kurdistan Irakien en passant par Ur, la ville d’Abraham mais aussi la plaine de Ninive dans le Nord du pays, à Mossoul et Qaraqosh, où vivent des communautés chrétiennes importantes. En 2000, année jubilaire, le Pape Jean-Paul II n’avait pu se rendre en Irak malgré sa volonté. Vingt ans plus tard, l’attente est donc immense chez les Irakiens, à commencer les chrétiens du pays dont la présence s’est fortement réduite en raison de la guerre et des persécutions, comme celles de Daesh.
De passage dans nos studios, le cardinal Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Églises Orientales, nous a expliqué les enjeux et l'importance de ce voyage vers l’un des berceaux du christianisme.
Quelle est selon-vous la portée de ce voyage apostolique du Pape François, en particulier pour les communautés chrétiennes locales?
Pour moi c'est un geste du Pape qui a une grande importance pour la société civile, pour la nation irakienne tout entière, mais surtout pour nos frères chrétiens parce qu'ils ont été protagonistes d'une réalité évangélique qu'on croyait parfois avoir oublié. Ils ont vécu avec une grande paix, avec sérénité mais aussi souffrance la guerre, les bombardements, l'État islamique, la persécution, les attentats terribles comme celui dans l'église siro-catholique de Bagdad où il y avait eu 48 morts. Tout ça est une forme de témoignage pour le monde entier: voilà que même dans cette situation difficile, de terrible souffrance pour les chrétiens, ils sont restés fidèles à l'Évangile, au Christ. Voilà le témoignage que les chrétiens d'Irak offriront au monde entier, au monde occidental qui vit avec d'autres préoccupations et qui quelquefois oublie que nos frères subissent ces souffrances dans leur vie.
Un voyage d'autant plus attendu que Jean-Paul II avait dû renconcer à se rendre en Irak , sentez-vous cette forte attente dans le pays?
Oui je le sens et je désirerais beaucoup que ce soit un voyage de joie pour cette raison, cette attente née du désir de Jean-Paul II de se rendre pour le jubilé de l'an 2000 sur la terre d'Abraham, aller aux sources de notre foi. Je me rappelle aussi tous les efforts du Saint-Siège au moment où l'on a a bombardé l'Irak, le Pape Jean-Paul II avait envoyé le cardinal Etchegaray pour parler avec Saddam Hussein. Aujourd'hui la visite du Pape François vient remplir cette attente, la remplir avec la joie et l'espérance de dire que l'on peut construire un monde nouveau, pas seulement parce que nous avons l'Évangile, mais aussi avec nos frères des autres religions. Le Pape vient porter cette joie avec les "fleurs de son pontificat" que sont la déclaration sur la fraternité humaine d'Abu Dhabi et l'encyclique Fratelli Tutti.
Malgré les drames vécus par les communautés chrétiennes, ce voyage a aussi pour objectif de monter combien elles contribuent à la reconstruction du pays, comme à Mossoul par exemple, avez-vous bon espoir que ces communautés soient plus visibles à l'issue de ce voyage pontifical?
Oui, je pense que le voyage mettra justement en lumière cette présence chrétienne. Il permettra de rappeler que ces chrétiens d'Irak sont des citoyens comme les autres, qu'ils travaillent pour le bien commun. Tout ce que font les chrétiens dans le pays n'est pas à des fins égoïstes mais bien pour la construction du pays: les écoles, la promotion humaine de l'homme, de la femme, des enfants, tout ce qui touche au secteur de la santé publique etc... tout ce que fait l'Église locale est dans cette perspective de construction du pays.
Il s'agira aussi du premier voyage du Pape François depuis plus d'un an, c'est aussi le symbole d'un Pape «en sortie» en pleine pandémie...
Pour moi ce voyage est une sorte «d'exorcisme de la pandémie». Bien sûr nous ne serons pas à Rio de Janeiro ou dans d'autres grandes villes ou pays où les foules étaient au rendez-vous, en raison des mesures sanitaires, mais ce sera un voyage où la multitude des cœurs s'unit au Pape, même si physiquement de nombreuses personnes ne seront pas là.
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