Carmelo Barbagallo: «c'est ainsi que l'ASIF se renforce»
Vatican News
«Dans une période comme celle que nous traversons, la tension éthique doit rester maximale et c'est précisément la direction qui a toujours distingué l'action du Saint-Siège. Et c'est pourquoi nous avons renforcé notre Autorité». C’est ce qu'explique à Vatican News Carmelo Barbagallo, le président de l'ASIF, l'Autorité de supervision et d'information financière, l'institution compétente du Saint-Siège et de l'État de la Cité du Vatican pour la surveillance de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Barbagallo a participé à la table ronde de clôture de la cinquième édition du cours de Master Anticorruption à l'Université de Tor Vergata. Dans son discours, le président de l'ASIF a décrit l'architecture des contrôles des finances du Vatican et l'histoire récente qui a conduit à leur mise en place.
Président Barbagallo, avant tout de quoi parlons-nous lorsque nous utilisons l'expression «finances du Vatican» ?
Il vaut mieux vaut préciser tout d'abord qu'aucune activité économique privée n'est autorisée dans l'État du Vatican, ni l'exercice privé d'activités professionnelles. La vente de tout type de biens est confiée à l'État sous un régime de monopole. Un seul intermédiaire financier, l'IOR, est autorisé à opérer. L'administration des biens du Saint-Siège, tant mobiliers qu'immobiliers, est concentrée dans une entité spécifique: l'APSA, qui fait office de trésorier de l'État. Au Vatican, qui est le plus petit État du monde, le volume de la monnaie en circulation et celui des échanges économiques et financiers avec les pays étrangers sont très limitées.
Mais de par sa nature, le Vatican est un carrefour de flux financiers en provenance du monde et pour le monde...
Certainement, et cela se produit en vertu de la projection universelle de l'Église catholique. C'est aussi pour cette raison que, malgré la petite taille de son économie et de ses finances, il était opportun que le Vatican se dotât de structures et de règles de contrôle à la hauteur des meilleures pratiques internationales.
Quand ce processus a-t-il commencé ?
L'État de la Cité du Vatican a adopté l'euro dès 2001, mais c'est en 2009 qu'il a signé la convention monétaire avec l'Union européenne, puis en 2010 qu'il a introduit de manière cohérente des réglementations visant à prévenir le blanchiment d'argent, la fraude et la contrefaçon. Ce sont avec ces mêmes normes qu'est née la première autorité de contrôle financier en tant qu'institution associée du Saint-Siège, à savoir l’Autorité d’information financière (AIF). Dans les années qui ont suivi, la juridiction du Vatican a fait partie du Comité Moneyval du Conseil de l'Europe (2012) et l’AIF a été admise dans le groupe Egmont (2020).
Pourquoi était-il important de rejoindre Moneyval et Egmont ?
Ce sont des choix très importants. Moneyval, qui opère au sein du Conseil de l'Europe sous la forme d'un comité regroupant plus de trente pays, évalue - et, en quelque sorte, certifie - le respect des normes internationales du GAFI en matière de prévention et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Egmont est un forum mondial regroupant des CRF de plus de 160 pays qui partagent les meilleures pratiques en matière de coopération internationale et d'échange d'informations sur les renseignements financiers afin de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Quelle influence a eu Moneyval sur les développements ultérieurs de la réforme ?
C'est également en réponse aux recommandations reçues de Moneyval que le système juridique du Vatican a connu d'importants changements en 2013 avec l'approbation de la loi XVIII, qui représente la première loi organique sur la prévention et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et sur la surveillance prudentielle des entités qui exercent professionnellement des activités de nature financière. Les changements introduits vont de l'affinement des mécanismes d'évaluation des risques et de l'échange d'informations en matière financière à l'extension du système de sanctions et de surveillance. En particulier, la loi XVIII a établi un système "pluriel" d'autorités compétentes, confiant à la Secrétairerie d'État les politiques et stratégies générales, au Gouvernorat d'importantes tâches administratives et de sanction, à la Gendarmerie et au Promoteur de Justice des pouvoirs spécifiques d'enquête et de poursuite.
Le Comité de sécurité financière a été créé avec pour mission, entre autres, de coordonner les autorités chargées de prévenir et de combattre le blanchiment d'argent. L’AIF s'est vue attribuer des pouvoirs de surveillance prudentielle sur l'IOR et le périmètre des entités tenues d'identifier et de déclarer les transactions suspectes à l’AIF a été considérablement étendu aux autorités publiques, auxquelles se sont ajoutées plus récemment des entités sans but lucratif et d'autres personnes morales, pour atteindre plus de cent entités. La réforme financière du Vatican a franchi une nouvelle étape en 2014, avec la création de trois nouveaux organes, tous affectés, avec des rôles différents, au contrôle financier: le Conseil pour l'Économie, le Secrétariat pour l'Économie et le Bureau du Réviseur général.
Pouvez-vous décrire les mesures prises au cours des sept dernières années ?
Cette structure s'est consolidée, dans le sens d'une transparence financière croissante et d’un contrôle toujours plus incisif, également grâce à l'intensification de la coopération entre les autorités du Vatican, confirmée par des mémorandums spéciaux. Dans ce contexte de transparence croissante et de contrôles de plus en plus efficaces, il convient de mentionner la nouvelle réglementation sur les marchés publics, également connue sous le nom de "Code des marchés publics", promulguée l'année dernière, qui vise à garantir l'utilisation durable des fonds du Vatican à travers une gestion unifiée, planifiée et informée par des critères de transparence et de concurrence maximales, afin de protéger la juridiction des accords illégaux et de la corruption.
Enfin, toujours en 2020, le statut de l’AIF a été modifié, changeant son nom en ASIF (Autorité de supervision et de renseignement financier), également pour souligner l'importance des fonctions de régulation et de surveillance. Les nouveaux statuts ont rationalisé et renforcé la gouvernance de l'ASIF et ont complété son organisation en créant un bureau de réglementation dédié.
Quels sont les résultats du processus que vous avez décrit jusqu'à présent ?
Je crois qu'il est possible d'affirmer, en extrême synthèse, que les règles et les structures qui régissent l'ordre économique et financier au Vatican - inspirées par les principes de l'équilibre des pouvoirs et de la pluralité des centres de contrôle - sont nécessaires et suffisantes pour renforcer, dans le contexte mondialisé actuel, l'exercice de la mission de l'Église dans une condition de plus grande protection.
À cet égard, en attendant l'évaluation de Moneyval, nous continuons à travailler. Dans une période où, pour contrer l'augmentation de la pauvreté et relancer le moteur de la reprise économique, le soutien financier des États augmente fortement les liquidités en circulation et où, en même temps, les "défenses" contre les risques potentiels de corruption et de blanchiment d'argent pourraient être abaissées, les sujets délégués au contrôle public sont appelés à veiller avec la plus grande attention et la tension éthique doit rester maximale. C'est exactement le sens de l'action de l'ASIF, qui a renforcé le bureau de vigilance avec l'arrivée d'un nouveau responsable.
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