Journée mondiale de l'eau: la conscience de la valeur d'une ressource en danger
Cecilia Seppia - Cité du Vatican
«Pour nous, croyants, "sœur eau" n'est pas une marchandise: elle est un symbole universel et une source de vie et de santé. Trop de frères et sœurs ont accès à une eau peu abondante et peut-être polluée! Il est nécessaire de garantir à tous une eau potable et des installations sanitaires», a déclaré le Saint-Père lors de l’Angélus de ce dimanche 21 mars, à la veille de la Journée mondiale de l’eau.
Vers une aggravation du stress hydrique
Cette précieuse ressource naturelle fait encore défaut dans de trop nombreuses régions du monde: plus de 2,2 milliards de personnes n'ont pas accès à l'eau potable et 4,2 milliards ne disposent pas d'installations sanitaires sûres, selon les chiffres des Nations Unies. Par ailleurs, alors que la consommation d'eau a été multipliée par six au cours du siècle dernier et qu'elle augmente à un rythme d'environ 1 % par an, on estime que le changement climatique et la fréquence croissante des événements extrêmes, tels que les tempêtes, les inondations et les sécheresses, aggraveront la situation dans les pays qui souffrent déjà de stress hydrique.
Des rencontres en ligne promues par le Vatican
À l'occasion de cette journée spéciale, le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral organise une série de webinaires: du 22 au 26 mars, cinq rendez-vous en ligne auxquels participeront des intervenants issus de congrégations religieuses, de diverses structures de l'Église et d'organisations internationales ou régionales. Ils partageront leurs réflexions et leurs témoignages en s’appuyant sur Aqua fons vitae, un document publié l'an dernier par ce même dicastère pour sensibiliser à la valeur de l’eau. Ce texte décrit notamment trois aspects de l'eau autour desquels s’articuleront les webinaires: l'eau en tant que ressource à usage personnel, un droit qui inclut l'assainissement; l'eau en tant que ressource utilisée dans de nombreuses activités humaines, en particulier l'agriculture et l'industrie; enfin, l'eau en tant que surface, c'est-à-dire tout ce qui concerne les rivières, les eaux souterraines, les lacs, les mers et les océans.
Tebaldo Vinciguerra, en charge des questions environnementales au sein du Dicastère pour le service du développement humain intégral, rappelle combien le dialogue et la collaboration entre Église et institutions sont essentiels face aux défis relatifs à l’eau:
«L'eau, un bien primaire, n'appartient pas à tout le monde, c'est vrai! Il est donc important de profiter de cette journée que les Nations unies ont décidé de célébrer cette année avec le slogan “La valeur de l'eau”. Et je vous assure que ceux qui n'ont pas d'eau pour cuisiner, pour leur hygiène personnelle, mais aussi pour être soignés correctement à l'hôpital, comprennent très bien la valeur de l'eau. Aujourd'hui, plus de 2 milliards de personnes ont un problème d'accès régulier à l'eau potable en quantité et qualité suffisantes, et plus ou moins 4 milliards de personnes ont un problème d'assainissement, selon les chiffres des Nations unies; plus de 600 millions de personnes défèquent en plein air.
Nous avons une vision peut-être très agréable, trop idyllique, du travail accompli par les religieuses, les missionnaires, les centres de santé, les écoles catholiques dans des zones particulièrement pauvres et défavorisées. Ces personnes font un travail exceptionnel, il faut les admirer et les aider, mais ne sous-estimons pas le fait que, même là où l'Église est en première ligne, il y a de graves problèmes liés à l'eau, à l'hygiène, aux services, dont personne ne parle. Profitons donc de cette journée pour mettre en lumière un élément trop ignoré, du moins par une partie de l'humanité, car l'accès à l'eau, ce bien commun si précieux, ne doit pas être considéré comme un acquis, il n’est pas systématiquement garanti.
L'eau, comme nous le lisons dans le document Aqua fons vitae, a différentes valeurs, dont une valeur institutionnelle et de paix, car là où manque l’eau, manque souvent la paix. Nous l'avons vu dans de nombreux endroits visités par le Pape François...
C’est vrai, il en va ainsi, mais, à l'inverse, l'eau incite aussi à construire des ponts. Certains suggèrent que l'étymologie de "rival" est précisément celle de deux communautés opposées sur les deux rives, les deux côtés d'un fleuve, et l'étymologie de Pontife est plutôt "celui qui va proposer et construire des ponts". Là où nous pouvons observer la naissance d'une collaboration autour de l'eau, nous observerons aussi l'habitude du dialogue, de la confiance, de l'estime mutuelle et parfois même la création d'une "salle de contrôle" qui est une contribution fondamentale à la paix. Je pense à la navigation sur le Danube, je pense aux tentatives d'avoir une commission pour gérer le fleuve Sénégal. Dans certaines circonstances, nous pouvons constater la volonté de certains gouvernements de collaborer de manière très prometteuse en matière de navigation, de lutte contre la pollution ou même de maintien de la propreté d'une rivière ou d'un lac.
D'autre part, nous avons aussi de tristes exemples de la façon dont les ressources en eau communes sont gaspillées, exploitées, ruinées, et disparaissent, parce que chacun fait comme ça l’arrange, sans se soucier du bien commun. Il est donc très important de considérer l'eau comme un instrument, une cause de paix et d'entamer des négociations. Le système législatif et juridique s'est toujours intéressé à l'eau, donc avoir de bonnes administrations, une gouvernance saine, qui gère l'eau selon un principe de subsidiarité et en pensant à tous, aux générations futures et à la durabilité environnementale, c'est vraiment un élément important pour la paix, pour la vie institutionnelle et pour la démocratie...
Mais nous sommes encore loin d'atteindre les objectifs de développement durable fixés pour 2030...
Oui, les Nations unies ont lancé des avertissements sévères: nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre l'objectif d'accès à l'eau pour tous et à l'assainissement d'ici 2030, et c'est très inquiétant. Il est embarrassant pour l'humanité du XXIe siècle d'avoir ces inégalités dramatiques entre ceux qui, d’une part, ont accès à toute l'eau qu'ils veulent, même en l'important et en la purifiant à l'aide de mécanismes sophistiqués et coûteux, même en l'utilisant pour les loisirs et les déchets, et ceux qui, d'autre part, luttent pour avoir le minimum nécessaire pour survivre.
La responsabilité des États dans ce domaine est fondamentale. Ce qu'il faut, c'est de la détermination, une volonté de faire réellement de cet objectif une priorité, afin de faire en sorte que l'accès à l'eau et à l'assainissement permette ensuite l'accès à d'autres droits. À quoi bon parler d'éducation, de droit à l'alimentation ou de droit aux soins de santé si le problème de l'accès à l'eau et de l'assainissement se pose? Quel sens cela a-t-il de dire "lavez-vous les mains" pendant cette pandémie pour combattre le virus, si les évêques d'Afrique et d'Amérique centrale nous disent que, trop souvent, la population est incapable d'adopter les mesures d'hygiène de base, précisément à cause du manque d'eau?
Plusieurs fois, le Saint-Père a montré que l’eau et sa protection est un sujet dont il se préoccupe…
Il est vrai que le Saint-Père est intervenu à plusieurs reprises, tant à l'occasion de messages prononcés sur la scène internationale, qu'à l'occasion de commentaires plus spécifiques, comme l'Angélus et les catéchèses, sans oublier le premier chapitre très fort de l'encyclique Laudato Si'. Enfin, l'eau n'est mentionnée qu'une seule fois dans Fratelli tutti, mais je vous invite vraiment à lire cette belle citation et la façon dont le Pape utilise cet élément pour souligner précisément le niveau de conscience et d'humanité que chacun de nous est appelé à atteindre dans le soin de son prochain, dans le soin des générations futures: «Lorsque nous parlons de protection de la maison commune qu’est la planète, nous nous référons à ce minimum de conscience universelle et de sens de sollicitude mutuelle qui peuvent encore subsister chez les personnes. En effet, si quelqu’un a de l’eau en quantité surabondante et malgré cela la préserve en pensant à l’humanité, c’est qu’il a atteint un haut niveau moral qui lui permet de se transcender lui-même ainsi que son groupe d’appartenance. Cela est merveilleusement humain! Cette même attitude est nécessaire pour reconnaître les droits de tout être humain, même né ailleurs» (FT 117).
Les questions dont nous parlons sont intimement liées au développement humain intégral car nous traitons des questions de légalité, de bonne politique, d'économie, de durabilité, précisément de la durabilité économique des projets, nous nous interrogeons sur la corruption, sur la pollution, la disponibilité de l'énergie pour les opérations d'eau, nous parlons de nutrition, de santé, et le Dicastère travaille beaucoup justement sur les questions d'eau, d'hygiène et de toilettes, dans les centres de santé de l'Église. Nous avons besoin de cette vision intégrale, les Nations Unies ont insisté sur ce point ces dernières années, mais je pense que l'Église, avec sa préoccupation pour le développement humain, avec sa présence dans de nombreux pays, dans de nombreuses œuvres éducatives et avec l'engagement des familles, des religieux et du réseau Caritas, de ses universités également, peut faire beaucoup.
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