Le cardinal Parolin revient sur l'histoire de la diplomatie pontificale en Chine
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Ce livre publié en italien avec le titre Un ponte con la Cina – Il Papa e la Delegazione apostolica a Pechino (1919-1939) (en français: "Un pont avec la Chine – Le Pape et la délégation apostolique à Pékin, 1919-1939") a été rédigé par un prêtre d’origine libanaise, le père Adel Afif Nasr, qui est incardiné dans le diocèse de Concordia-Pordenone. Outre ses activités pastorales dans ce diocèse du nord de l’Italie, il est aussi depuis 2017, postulateur de la cause de béatification du cardinal Celso Costantini (1876-1958), originaire de ce diocèse, qui fut une figure centrale de la diplomatie pontificale sous Pie XI et Pie XII.
En tant que légat apostolique en Chine, dans les années 1920, Mgr Costantini fut notamment engagé dans "l’indigénisation" du clergé local et les premières ordinations d’évêques chinois. De retour à Rome, il sera également impliqué dans la création du premier cardinal chinois, Mgr Thomas Tien Kien-sin, créé par Pie XII en 1946, et ensuite devenu archevêque de Pékin. Mgr Costantini intègrera lui-même le Sacré-Collège en 1953.
Une nouvelle vision du projet missionnaire
Dans la préface de ce livre consacré aux efforts diplomatiques du Saint-Siège dans les deux décennies qui précédèrent la Seconde guerre mondiale, le cardinal Parolin revient tout d’abord sur la lettre apostolique Cupimus imprimis, «par laquelle le Pape Pie XII, en 1952, a adressé au peuple chinois sa parole d'affection et de proximité, dans un moment vraiment difficile de son histoire. Un moment où de nombreux évêques, prêtres et laïcs qui étaient engagés dans l'évangélisation, ont été écartés de leur travail ou entravés dans l'exercice de leurs activités respectives», rappelle le Secrétaire d’État du Saint-Siège.
Dans ce message, Pie XII s’adressait directement aux catholiques chinois. «Notre cœur se tourne à nouveau vers vous et c'est à vous en particulier que nous voulons adresser cette lettre, pour vous consoler, vous exhorter paternellement, connaissant bien vos inquiétudes, votre anxiété et votre adversité», avait alors écrit Pie XII. Le cardinal Parolin souligne que «ce sentiment de proximité renvoie à une impulsion constante dans le temps de la part des successeurs de Pierre; un lien très particulier d'affection et d'estime sincères, qui se reflète ensuite dans les décisions et les manières d'entretenir avec la Chine des relations toujours plus fructueuses, fraternelles et empreintes de charité».
«Je crois que c'est ce contexte et ce sentiment, si authentiquement fondé sur l'Évangile, qui a poussé le Saint-Siège à rechercher des modes de relation toujours nouveaux avec la Chine», précise le Secrétaire d’État. En 1919, la lettre apostolique de Benoît XV Maximum illud avait impulsé une transformation profonde des méthodes missionnaires, qui ne devaient plus s’inscrire dans un projet de domination coloniale des puissances étrangères, mais dans une dynamique d’inculturation, pour faire émerger un clergé local et des communautés chrétiennes ancrées dans leur environnement spécifique.
Le regard des Papes tourné vers l'immense Chine
«Avec cette intervention emblématique, Benoît XV a mis en marche la véritable "révolution" de l'évangélisation dans le monde entier, mais il est clair, cependant, que son cœur était dirigé en particulier vers la Chine», explique le cardinal Parolin.
Pie XI, élu en 1922 sur le Siège de Pierre, s’est situé dans la même dynamique en créant la Délégation apostolique en Chine, dont Mgr Celso Costantini fut le premier responsable. «Le futur cardinal a su jongler entre mille difficultés avec la politique ambiante et les pressions toujours présentes des nations étrangères, remarque le Secrétaire d'État. Avec l'aide du Pape et des dicastères romains, il a réussi à atteindre des objectifs réellement stratégiques, fortement souhaités depuis un certain temps: tout d'abord, la convocation du premier (et jusqu'à présent unique) concile plénier de Chine, avec des représentants de toutes les missions; la décolonisation religieuse et une plus grande inculturation; et un développement significatif donné au clergé indigène, avec la nomination conséquente des premiers évêques chinois, fortement souhaités par le Pape, qu'il a lui-même consacrés à Saint-Pierre en 1926»
En 1923, Mgr Costantini s'adressait aux Chinois en ces termes, en parlant de l'attitude de Pie XI à leur égard: «Le Pape aime toutes les nations, comme Dieu, dont il est le Représentant; il aime la Chine, votre noble et grande nation, et, dans son cœur, il ne la met après aucune autre; il aime votre peuple immense, laborieux, industrieux; il connaît votre histoire, qui est celle d'un grand Peuple. L'action du Pape parmi les nations est celle d'un ami [...]. Le Pape est le chef spirituel des chrétiens, mais son amour s'étend à tous les hommes, quelle que soit leur religion.»
La recherche du dialogue avec les autorités chinoises
Mgr Costantini n'a pas réussi à établir de concordat, ou d'accord diplomatique similaire, avec les autorités chinoises de l'époque. L'histoire de son service à la Délégation apostolique demeure néanmoins intéressante à étudier pour tous ceux qui œuvrent à établir des relations avec la Chine.
«Les circonstances actuelles nous confrontent également à l'urgence d'une connaissance mutuelle et d'un dialogue constructif, explique le cardinal Parolin. J'exprime l'espoir que ce travail puisse constituer un pas en avant dans cette direction. Le Pape François nous rappelle souvent qu'un esprit de réconciliation authentique, mettant de côté les malentendus et les divisions qui sont l'héritage du passé, est crucial pour aborder les nombreux problèmes qui pèsent sur la vie de l'Église en Chine. Comment est-il possible de surmonter cet état de fait? Comment lever les obstacles dans les relations? Les pages qui nous sont présentées sont capables de fournir une réponse noble, découlant des efforts de l'amour du Pape pour la Chine», souligne-t-il.
En faisant écho au titre du livre, le cardinal Parolin espère que ces pages contribueront à créer un «pont avec la Chine», avant de situer cette histoire complexe des relations entre la Chine et le Saint-Siège dans le temps long, qui dépasse les aléas politiques: «C'est notre espérance, qui devient certitude, parce que nous sentons que tout est dans un plan qui n'est pas le nôtre, mais celui de Dieu.»
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