Le Pape rencontre Ursula von der Leyen au Vatican
Au cours des entretiens cordiaux, il a été fait référence aux bonnes relations bilatérales, développées grâce au dialogue structuré entre les parties, et aux initiatives en cours pour le 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l'Union européenne. Le thème du développement humain et social du continent, également dans la perspective de la Conférence sur l'avenir de l'Europe récemment entamée, a été abordé.
Lors de cet entretien d'une trentaine de minutes, la présidente de la Commission européenne a offert au Pape une copie de la déclaration Schuman de 1950 et une Histoire de l'Union européenne (en 2 volumes). Le Souverain pontife lui a présenté son Message pour la Paix et le Document sur la Fraternité humaine, ainsi qu'un médaillon de bronze portant l'inscription des paroles d'Isaïe, chap. 32, «le désert deviendra un jardin».
Entretien avec Ursula von der Leyen, réalisé par Mario Galgano - Cité du Vatican
La conversation s'est poursuivie sur un certain nombre de questions d'intérêt commun, telles que les conséquences sociales de la pandémie, les migrations et le changement climatique, ainsi que les développements récents au Moyen-Orient. Cinquante ans de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l'Union européenne: quel est l’état de ces relations aujourd’hui?
Les relations entre le Saint-Siège et l'Union européenne sont excellentes. Ces cinquante années ont montré à quel point nous sommes sur la même longueur d'onde. Fondamentalement, une bonne collaboration repose sur le partage des mêmes valeurs: l'engagement en faveur de la paix, de la solidarité, de la dignité de la personne. Ces valeurs, et bien d'autres, sont les valeurs partagées.
Bien entendu, nous suivons de très près le grand thème du Vatican sur la mondialisation de la solidarité, qui nous tient à cœur, et nous sommes très reconnaissants de l'intérêt manifesté par le Vatican pour notre conférence sur l'avenir de l'Europe. Ces quelques éléments montrent déjà combien nos relations sont bonnes et profondes.
Nous vivons des temps très difficiles, à cause de la pandémie. L'Union européenne partage et relance les appels du Saint-Père concernant la diffusion des vaccins par Covax. Comment la Commission européenne va-t-elle poursuivre ses efforts pour faire face à la crise sanitaire mondiale?
Nous savons que personne ne peut se considérer en sécurité tant que tout le monde ne l'est pas et que chacun doit avoir accès à un vaccin sûr, efficace et abordable pour tous. Il y a plusieurs voies à choisir dans ce domaine. L'Union européenne est restée cohérente -malgré toutes les difficultés qu'elle a rencontrées pour obtenir des vaccins- avec le principe selon lequel la moitié de la production européenne doit être acheminée vers d'autres pays: il y a 90 autres pays vers lesquels la production européenne est envoyée, et ceci en est une partie. La deuxième partie - Covax - est donc extrêmement importante.
L'Union européenne est l'un des principaux bailleurs de fonds de Covax: hier encore, lors du sommet du G20, Team Europe s'est engagée à fournir 100 millions de doses à Covax. Il est extrêmement important maintenant de fournir des doses de vaccin gratuites, précisément parce qu'il y a des pénuries partout. Mais hier, nous avons eu un autre succès. Nos partenaires industriels, BioNtech Pfizer, Johnson & Johnson et Moderna, se sont engagés à fournir 1,3 milliard de doses de vaccins cette année encore, en particulier aux pays à faible revenu, gratuitement, et aux pays à revenu intermédiaire, à prix réduit. Ces trois voies - l'exportation, le don et les partenariats industriels - en ont une qui me tient particulièrement à cœur au sommet: Team Europe travaille avec nos partenaires africains à la mise en place d'installations de production de vaccins en Afrique. Bien entendu, il ne s'agit pas de court terme mais de moyen et long terme.
Nous allons donc y aller avec la technologie, avec des partenaires industriels, avec des investissements massifs, mais aussi avec la formation du personnel pour qu'à court terme l'Afrique puisse être indépendante en termes de production de vaccins pour ses propres besoins.
Le Pape François considère la question environnementale comme l'un de ses premiers et plus importants défis. Comme il l'écrit dans son encyclique Laudato si', c'est un défi urgent de protéger notre maison commune. Comment l'Europe peut-elle agir dans la quête d'un développement durable et intégral? Nous savons que les choses peuvent changer très rapidement...
Je suis vraiment reconnaissant du cadeau de Laudato si' et de l'élan positif qu'il a donné, qui inclut cet appel à tous pour la protection de notre planète, de notre nature et de notre climat. L'Union européenne s'est engagée dès le début. Le premier et le plus important sujet de mon mandat a été le "Green Deal" européen. L'Union européenne sera le premier continent à avoir une neutralité climatique en 2050, et nous avons aujourd'hui la première loi européenne sur le climat. Cela signifie que nous ne nous fixons pas seulement des objectifs, mais que nous rédigeons également des lois qui, étape par étape, nous aident à atteindre la neutralité climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.
C'est une tâche énorme ; mais si nous n'agissons pas, les conséquences pourraient être horribles et nous avons déjà un aperçu de ce que le changement climatique pourrait signifier ; mais de manière plus générale, cela signifie aussi prendre la responsabilité de nos enfants et petits-enfants. Si nous voulons qu'ils aient la nature, si nous voulons qu'ils connaissent le printemps, l'été, l'automne et l'hiver comme nous les avons connus, il est urgent d'agir maintenant. Nous nous efforçons également de rallier le monde à notre cause et je suis heureux de constater que la Corée du Sud, l'Afrique du Sud, le Japon, la Chine et les États-Unis ont tous fixé des objectifs pour atteindre la neutralité climatique et aller de l'avant. C'est pourquoi je pense que Laudato si' a vraiment été un signal d'alarme.
Nous savons que l'Europe a des racines chrétiennes: il y a des catholiques, des protestants, des orthodoxes, mais entre-temps, des croyants d'autres religions, qui sont des citoyens européens, nous ont également rejoints. Selon vous, quel rôle joue la religion, et en particulier le christianisme, dans l'Europe d'aujourd'hui?
Le christianisme est profondément enraciné en Europe. Vous avez parlé des racines chrétiennes et, en fait, on peut percevoir chaque jour, dans nos actions quotidiennes, l'origine des valeurs chrétiennes: quand on parle du grand thème de la paix, quand on parle de la dignité de la personne - par exemple, dans l'État de droit - mais aussi quand on parle de la solidarité et, pour l'exprimer en termes un peu plus anciens, de la miséricorde. À ces occasions, nous percevons les racines chrétiennes et aussi la profondeur avec laquelle elles s'entremêlent à notre époque. Mais aussi le soin de la création lorsque, par exemple, nous parlons du changement climatique. C'est pourquoi le christianisme et les valeurs sur lesquelles il se fonde jouent un rôle important dans nos discussions quotidiennes.
Mais il y a aussi une deuxième composante. En ces temps de polarisation, de populisme, de nationalisme, la grande force unificatrice de la religion, qui s'engage à la cohésion, à la réconciliation, a une immense signification. Et si nous gardons à l'esprit qu'elle est l'élément unificateur, qui nous donne la force d'affronter la vie quotidienne et surtout les engagements qui nous attendent, alors nous pouvons comprendre le grand rôle que joue la religion.
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