Corée: la paix est le fruit de la justice mais aussi de la charité
Une nouvelle édition du Forum pour la paix en Corée (Korea Global Forum for Peace, KGFP) s'est ouverte à Séoul ce mardi 31 août et se poursuivra jusqu'au 2 septembre. Organisé par le ministère de l'unification de Corée du Sud, ce forum annuel rassemble des chercheurs, experts et représentants gouvernementaux de plus de vingt pays pour discuter des questions concernant la Corée du Nord et l'établissement d'une paix durable de la péninsule coréenne. Cette année marque par ailleurs le 30e anniversaire de l'accord fondamental intercoréen qui permit de poser les bases de discussions de paix entre les deux Corée.
Le Saint-Siège, qui suit de près la situation dans la péninsule, participe à cette réunion par la voix du cardinal Pietro Parolin. Dans un message enregistré, le Secrétaire d'État du Saint-Siège est revenu sur «le rôle des Eglises dans l'établissement de la paix dans la péninsule coréenne», précisant quelques principes, valeurs et idéaux que les Églises - et l'Église catholique en particulier - peuvent offrir à la cause de la paix dans cette région.
«L'une des tâches essentielles confiées aux hommes et aux femmes, à notre liberté et à notre créativité humaines, est de créer les conditions d'un développement intégral et solidaire de l'humanité» a rappelé le cardinal, citant notamment le Pape Paul VI qui soulignait que «les nations doivent rencontrer les nations, comme des frères et des sœurs, comme des enfants de Dieu».
Accueillir, accompagner et écouter
Pour bâtir la paix il faut savoir passer des paroles aux actes, poursuit le Secrétaire d'État du Saint-Siège. Cela peut se résumer en trois verbes: accueillir, accompagner et écouter. «Le premier pas pour accueillir vraiment les autres est de se rapprocher d'eux, de leur faire une place dans notre vie, d'être prêts à partager nos joies et nos peines, et de construire des relations authentiques» explique le cardinal Parolin. «Nous, chrétiens, restons fermes dans notre intention de respecter les autres, de guérir les blessures, de construire des ponts, de renforcer les relations et de "porter les fardeaux les uns des autres (Gal 6, 2)».
Accompagner signifie savoir mettre en œuvre «des stratégies communes visant le respect de la vie humaine et l'accompagnement progressif des personnes». Écouter implique enfin de «consacrer consciemment une partie de notre temps précieux et de notre attention à décoder soigneusement les signaux que nous recevons». Si certains pensent qu'écouter peut être un signe de faiblesse ou une perte de temps, c'est pourtant cette écoute «qui peut favoriser la résolution des conflits, la médiation culturelle et le rétablissement de la paix dans les communautés et les groupes».
Dialogue et charité
Le dialogue est surtout «un signe de grand respect» poursuit le cardinal Parolin, il est aussi «une expression de charité car, sans ignorer les différences, il peut nous aider à rechercher et à partager le bien commun». «Nous pouvons donc dire que la paix est le fruit non seulement de la justice mais aussi de la charité, ou de l'amour» précise le cardinal. La charité fait en effet ressentir les besoins des autres comme les nôtres.
Dans son message, le Secrétaire d'État du Saint-Siège rappelle aussi «la richesse de la tradition orientale, dans laquelle l'amitié représente l'un des piliers de la société» et s'arrête sur le concept de bienveillance que Confucius résuma dans un célèbre aphorisme: «Ne fais pas aux autres ce que tu ne désires pas toi-même». «Sur la base de cette dernière affirmation, nous pouvons dire qu'"agir avec la plus grande loyauté" et "ne pas imposer aux autres ce que l'on ne souhaite pas pour soi-même" est comparable au précepte chrétien "Tu aimeras ton prochain comme toi-même"» précise le cardinal Parolin.
La réconciliation pour façonner l'avenir
Dans les relations complexes et parfois tendues au sein de la communauté internationale, «il n'est pas facile de percevoir des résultats concrets; dans certains cas, il faut des années avant d'entrevoir un petit progrès» souligne encore le cardinal. Citant l'encylique Fratelli Tutti du Pape François selon lequel «un amour capable de transcender les frontières est à la base de ce qui, dans chaque ville et chaque pays, peut être appelé "amitié sociale"», le cardinal invite, à la lumière des enjeux de réconciliation entre les deux voisins coréens à «emprunter une nouvelle voie qui exige le courage de tracer des chemins, d'élargir les horizons, de créer un sentiment d'appartenance».
Cela implique d'accepter de nouvelles façons d'aborder nos paradigmes politiques et économiques familiers, ainsi qu'une nouvelle vision des relations interpersonnelles, précise le Secrétaire du Saint-Siège. Mais si la réconciliation est essentielle pour ouvrir de nouvelles perspectives pour l'avenir, elle exige un principe de réciprocité. Citant Jean-Paul II qui rappelait dans son message pour la Journée mondiale de la paix 2004 «que le pardon est nécessaire pour réduire les problèmes des individus et des peuples» le numéro 2 du Saint-Siège rappelle ainsi que «l'amour est la forme la plus élevée et la plus noble de relation possible entre les êtres humains».
La paix n'est pas une faiblesse
«Notre chemin ne sera jamais complet tant que la justice ne sera pas complétée par la réconciliation» conclut le cardinal Parolin qui souligne que «si nous voulons "progresser" vers une nouvelle vision, chacun d'entre nous doit être prêt à travailler avec les autres pour ouvrir de nouvelles perspectives d'amitié et de réconciliation en vue de façonner un avenir commun». «La paix véritable et durable, une paix ancrée dans le tissu social, ne peut être obtenue par des instruments qui en contredisent le sens même, ni par la simple force des mots, précise t-il. La véritable paix grandit dans le cœur et la conscience des individus». Une paix qui n'est pas une faiblesse ni un signe d'insuffisance ou de lâcheté; mais bien «fille de la justice et de l'amour».
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