Santé mentale : «tous appelés à lutter contre la stigmatisation»
Claire Riobé – Cité du Vatican
Cette année, peut-être plus encore que les précédentes, la crise du Covid- 19 nous a révélé l’importance de la prise en charge de la santé mentale a l'échelle individuelle comme collective. La lutte contre l’isolement et la stigmatisation des personnes les plus fragiles est un enjeu pour chacun d’entre nous, nous rappelle l’Église ce dimanche 10 octobre.
«En cette journée mondiale de la santé mentale, je voudrais que nous nous rappelions de nos frères et sœurs qui sont touchés par des problèmes mentaux, ainsi que les jeunes victimes du suicide», a annoncé devant les fidèles le Pape François, lors de la prière de l’Angélus, à la Place Saint-Pierre. «Prions pour eux et leur famille, afin qu’ils ne soient pas laissés seuls et discriminés, mais accueillis et soutenus». Des propos développés par la suite par le Dicastère pour le Service du développement humain intégral, dont le préfet, le cardinal Peter Turkson, s’est exprimé dans un communiqué.
La santé mentale est un enjeu mondial
Le cardinal Peter Turkson a d’emblée rappelé que dans l’univers vaste de la santé, «l'une des dimensions les plus négligées est précisément celle de la santé mentale, souvent accompagnée de stéréotypes, d'une méconnaissance de questions plus spécifiques et d'une mauvaise information».
À travers le monde entier, de nombreuses violations des droits de l'homme sont ainsi commises à l'encontre des personnes atteintes de troubles mentaux : «des hommes et des femmes de tous âges qui souffrent déjà de la stigmatisation et de la discrimination dont ils font l'objet, ce qui les conduit à l'isolement et à la marginalisation », a-t-il expliqué. Dans près de la moitié des cas, les troubles mentaux apparaissent avant l'âge de 14 ans, ce qui fait aujourd’hui du suicide la deuxième cause de décès chez les 15-29 ans.
Des inégalités de traitement accrues avec la pandémie
Depuis 2020, l’épidémie de Covid- 19, et les mesures mises en œuvre pour lutter contre le virus, ont ainsi souvent été un facteur aggravant des troubles mentaux au sein de la population. «On estime qu'avant la pandémie de Covid-19, près d'un milliard de personnes dans le monde souffraient de troubles mentaux», explique le cardinal. «Au fur et à mesure de l'évolution de l'urgence sanitaire, les restrictions sociales imposées par la première phase de l'urgence ont conduit à une augmentation de l'abus d'alcool et d'autres substances psychotropes, ainsi qu'à l'exacerbation de diverses formes d'addiction, dont les jeux d'argent».
Cependant, l'apparition de la pandémie et de ses conséquences profondes à travers le monde, n'aurait été que le facteur déclenchant d'une crise multidimensionnelle, qui trouve son origine dans des politiques sociales, sanitaires et économiques inadéquates. Le cardinal ghanéen a ainsi pointé du doigt «des politiques (…) qui continuent à créer des conditions d'injustice et d'iniquité dans la distribution des ressources, au détriment de millions de personnes», et dénoncé une crise « alimentée par un affaiblissement généralisé des valeurs spirituelles, du sens des responsabilités et de la valeur de la solidarité.»
Un enjeu de fraternité universelle
La prise en charge de la santé mentale est un enjeu de «fraternité universelle», pour le Pape François. Le Saint-Père considère en effet que «seule une société humaine et fraternelle est capable de travailler pour garantir de manière efficace et stable que chacun soit accompagné sur le chemin de sa vie», non seulement pour subvenir à ses besoins fondamentaux, mais pour qu'il puisse donner le meilleur de lui-même, «même si ses performances ne sont pas les meilleures, même s'il va lentement, même si son efficacité n'est pas très pertinente».
En conséquence, rappelle le préfet du Dicastère pour le Service du développement humain intégral, «nous sommes tous appelés à être proches de nos frères et sœurs atteints de maladies mentales, à lutter contre toute forme de discrimination et de stigmatisation à leur égard». Il souligne pour cela la nécessité «d'abandonner le paradigme actuel du développement », pour adopter «un modèle culturel qui replace la dignité humaine au centre et promeut le bien pour les individus et pour l'ensemble de l'humanité.»
Dans ce cadre, le dicastère pour le service du développement humain intégral, et en son sein la Commission vaticane Covid-19 (instituée par le Pape François le 20 mars 2020) cherchent à obtenir des changements «vastes» et «audacieux» : la dignité au travail, de nouvelles structures pour le bien commun, la solidarité au cœur de la gouvernance et la nature en harmonie avec les systèmes sociaux. «L'objectif n'est pas seulement de soulager les souffrances immédiates, mais aussi d'amorcer la transformation des cœurs, des esprits et des structures vers un nouveau modèle de développement qui prépare un avenir meilleur pour tous», conclue le cardinal Peter Turkson.
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