Il y a deux cents ans naissait le père de l'archéologie chrétienne moderne

Debora Donnini - Cité du Vatican

Giovanni Battista de Rossi est considéré comme le "père" de la discipline moderne de l'archéologie chrétienne. Son travail inlassable, notamment sous le pontificat de Pie IX, a permis la découverte de nombreux cimetières chrétiens à Rome. La découverte des catacombes de Domitilla, Pretestato, Priscilla et, surtout, de San Callisto, est ainsi due à son travail persévérant. Il a publié de nombreux ouvrages, et contribué à la rédaction du monumental Corpus Inscriptionum Latinarum, collection générale des inscriptions latines anciennes rassemblant les inscriptions publiques et privées collectées. Le scientifique italien fut par ailleurs directeur du Musée chrétien du Vatican, secrétaire de la Commission d'archéologie sacrée et président de l'Académie romaine pontificale d'archéologie.

Évènements pour le bicentenaire de sa naissance

À l'occasion du bicentenaire de la naissance de ce pionnier, l'Institut pontifical d'archéologie chrétienne et la Commission pontificale d'archéologie sacrée ont organisé une série d'initiatives. La première s’est tenu ce 23 février dans les catacombes de San Callisto, avec l'ouverture d'un espace d'exposition, la Tricora occidentale, dans la zone même du cimetière où l'archéologue a fait ses premières grandes découvertes. La deuxième initiative consiste en une conférence internationale, qui se déroule jusqu’à demain jeudi. Des visites guidées de la "Rome de Rossi" suivront tout au long de l'année 2022, pour se terminer à la fin de l'année par la présentation des actes de la conférence.

L’archéologie chrétienne acquiert ses lettres de noblesse

Au micro de Radio Vatican, Mgr Pasquale Iacobone, secrétaire de la Commission pontificale d'archéologie sacrée, explique pourquoi Giovanni Battista de Rossi peut être considéré comme le "père" de l'archéologie chrétienne moderne:

Je peux répondre en citant le Pape François qui, dans sa lettre du 1er février au cardinal Gianfranco Ravasi [président du Conseil pontifical de la culture] pour la XXVème session publique des Académies pontificales, consacrée précisément à Giovanni Battista de Rossi, a souligné qu'il est considéré comme le fondateur de l'archéologie chrétienne moderne. Il a cité son contemporain, Theodor Mommsen, qui avait déclaré que De Rossi «avait élevé cette discipline d'un simple hobby de savants à une véritable science historique». C'est le saut qualitatif.

Il existe de nombreux spécialistes de l'antiquité chrétienne, mais ce sont des passionnés, des chercheurs sans méthodes précises et sans méthodes scientifiques de recherche. De Rossi, en revanche, a été le premier à appliquer des méthodes, des critères de fouille, de recherche des sources, de sorte que l'archéologie chrétienne est devenue une véritable discipline scientifique, qui entre donc à part entière dans l’enseignement universitaire.

Sa première grande aventure archéologique fut la mise au jour des catacombes de San Callisto. Il n’avait que 22 ans. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette découverte?

Il raconte qu'il avait l'habitude de se promener dans les vignobles de l'Appia Antica, souvent avec son petit frère, qui avait environ 10 ans. Il cherchait des ruines, des fragments de pierres tombales, des poteries ou d'autres choses. Lors d'une de ces excursions, il a trouvé un fragment avec une inscription et a réalisé qu'il s'agissait de celle qui fermait la tombe du Pape Cornelius, un Pape du troisième siècle. À partir de là, il a commencé une investigation systématique de toute la zone, où il a trouvé d'autres fragments, d'autres indications précieuses: ce que les sources appelaient le cimetière communautaire de la première communauté chrétienne devait se trouver là.

Puis, grâce à l'intervention de Pie IX, le terrain fut acquis par le Saint-Siège et les fouilles systématiques purent enfin commencer, avec des découvertes extraordinaires: la crypte des Papes, la crypte de sainte Cécile, la crypte du Pape Corneille, etc. Ces découvertes ont laissé le monde entier bouche bée, et on raconte que Pie IX - qui a visité ces sites à plusieurs reprises - a été ému aux larmes en voyant les tombes de ses prédécesseurs du troisième siècle, et a été ému aussi par la tombe de sainte Cécile, tandis qu’un chœur chantait l'antienne de la fête de sainte Cécile.

Avec ces initiatives prévues, que voulez-vous souligner à propos de De Rossi?

Deux aspects indissociables: l'aspect culturel-historique-archéologique, parce que c'était une personne de grande culture, de grande perspicacité dans ses recherches, ses études, ses fouilles, une personne exceptionnelle qui a fait de nombreuses publications et des découvertes exceptionnelles, mais en même temps, ce qui est important, c'est qu'il était un croyant passionné, c'est-à-dire que ses découvertes, ses recherches, sa méthode ne sont pas séparées de sa foi passionnée, et aussi de sa dévotion aux martyrs. Ses derniers mots ont été: «Tous les saints martyrs, priez pour moi». C'est précisément cette recherche des racines de sa foi, de son témoignage chrétien, qui l'a poussé dans ses recherches archéologiques.

Parmi ses travaux, les trois volumes intitulés La Roma sotterranea Cristiana (la Rome souterraine chrétienne) peuvent être considérés comme le premier ouvrage scientifique à étudier les cimetières chrétiens. De Rossi a en effet donné une dignité scientifique aux disciplines de l'archéologie et de l'épigraphie chrétiennes. Que reste-t-il de son héritage? Qu'est-ce qui doit être poursuivi?

Toute étude archéologique doit nécessairement partir de ses œuvres. Il a beaucoup écrit et publié après avoir effectué des fouilles et des recherches, et ses textes sont fondamentaux. Évidemment, aujourd'hui, certaines choses doivent être repensées, révisées, mais il y a eu tout récemment une thèse sur l'épigraphie qui reprenait ses notes, ses dossiers: c'est un héritage précieux qui mérite d'être poursuivi. Il y a encore beaucoup à faire, beaucoup à étudier, et c'est de lui que nous devons tirer notre passion avant tout: une passion archéologique, mais aussi une passion intérieure, une passion de croyant, qui ensemble peuvent conduire à de nombreux nouveaux résultats, avec des issues encore plus heureuses. (…) [Lors des initiatives prévues], de nombreux discours seront prononcés par des professeurs d'université et des universitaires, qui tenteront de comprendre la pertinence et l'importance de la figure et de l'œuvre de de Rossi.