Entretien avec père Federico Lombardi, le 8 février 2022 Entretien avec père Federico Lombardi, le 8 février 2022 

Père Lombardi: Benoît XVI a toujours été «un serviteur de la vérité»

Le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège sous le pontificat de Benoît XVI, revient sur le contenu de la lettre publiée ce 8 février par le Pape émérite. Il y voit une démarche pénitentielle individuelle dans laquelle Benoît XVI entraîne toute l’Église, sans masquer la réalité du péché.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Un pasteur au service de la vérité et du salut du monde: c’est ce qui transparaît de Benoît XVI dans la lettre adressée aux fidèles du diocèse de Munich et Freising, dont il a été l’archevêque entre 1977 et 1982. Le Pape émérite y exprime sa «profonde honte», sa «grande tristesse» et sa «demande sincère de pardon». Il dit aussi humblement sa «ferme confiance que le Seigneur n'est pas seulement le juge juste, mais en même temps l'ami et le frère qui a déjà souffert lui-même de mes insuffisances» et sera son défenseur devant le Père à l’heure du Jugement.

Le père Federico Lombardi, jésuite, président de la Fondation vaticane Joseph-Ratzinger – Benoît-XVI, et directeur du Bureau de presse du Saint-Siège sous le pontificat de Benoît XVI, revient sur les points saillants de ce message et sa portée pour l’Église universelle dans cette période de lutte contre les abus.

Entretien avec le père Federico Lombardi, SJ

Je trouve que c’est une lettre totalement sincère, une lettre de vérité sur lui-même, sur la situation de l’Église et sur les attitudes dans lesquelles on peut, on doit vivre ce problème, qu’il a vécu très intensément et avec souffrance durant les derniers mois. Il parle d’un «examen de conscience» qu’il a fait sur lui-même. C’est une attitude que nous tous devons assumer: un examen de conscience sur l’Église, notre participation à cette situation.

Une lettre de sincérité, dans laquelle il prend une attitude vraiment pénitentielle, qu’il vit chaque jour en célébrant l’Eucharistie et en se mettant devant dans une totale sincérité, et pas seulement devant Dieu mais aussi devant la communauté. C’est une confession des péchés publique qui est faite, dit-il. Dans cette communauté, il y a aussi les victimes des abus. Il rappelle ses rencontres avec les victimes, des situations dans lesquelles il a aussi expérimenté la profondeur de la souffrance et du crime qui a endommagé si profondément la vie des victimes. Devant cette situation, il reconnaît concrètement qu’il y a un «grand péché» et qu’il faut se convertir, et reconnaître qu’il y a eu des manques de décision, d’engagement, de compassion. C’est une confession très participative, dans la communauté et devant les victimes. Il exprime avec grande force la honte, la douleur, et demande aussi pardon devant les victimes, devant ses frères et sœurs et devant Dieu. Il demande aussi de prier pour lui dans cette situation. Je suis très impressionné de la profondeur de cette participation au péché de l’Église, dans laquelle il se pose dans une attitude pénitentielle nécessaire devant Dieu pour les croyants.


Retrouvez-vous une attitude dont il avait déjà fait preuve durant son pontificat ?

Oui, et pas seulement la participation, mais aussi la vérité. Une des choses dont il a beaucoup souffert pendant ces derniers temps, c’est d’avoir été accusé de mensonges. Il est un serviteur de la vérité dans toute sa vie. Je ne pense absolument pas qu’il soit un menteur. Ce n’est absolument pas juste de lui faire cette accusation, qui a été très douloureuse pour lui. Il reconnaît les erreurs, mais pas le fait d’être un menteur. Cela doit être respecté, et cela correspond aussi à mon expérience de la collaboration avec lui, en particulier dans toute la réalité des abus. Il n’a jamais essayé de présenter une image de l’Église différente de la réalité, plus jolie, meilleure. La vérité était toujours la première chose pour lui: reconnaître aussi les erreurs, les péchés… Dans ce sens, je suis totalement convaincu que son attitude et sa confession de péchés est quelque chose de vrai, de profondément vrai.

À quoi Benoît XVI peut-il inviter l’Église aujourd’hui avec cette lettre ?

À une attitude pénitentielle qui soit aussi prémices de conversion, pour un engagement décidé à changer les erreurs et à prendre toutes les décisions, les initiatives, la compassion nécessaires pour dépasser la gravité de cette situation. Mais il y a aussi un autre message à la fin, important pour la situation actuelle, et qui est un message d’espérance. Ne pas céder à la tentation du désespoir. Il reconnaît, devant le Jugement de Dieu qui est proche pour lui, d’avoir une tentation de peur ou de désespoir, mais être chrétien nous donne la conviction qu’il y a aussi pour nous un ami, un frère, qui est Jésus-Christ, qui nous accompagne aussi dans la situation la plus obscure pour la dépasser et pour rencontrer Dieu et sa grâce. Je pense que dans cette situation d’humiliation et de profond désarroi que nous sentons dans la situation de l’Église, comme conséquence réelle de la très grande faute, comme le dit Benoît XVI lui-même, nous ne devons pas perdre l’espérance dans la grâce et dans la possibilité de renouveler notre vie, et d’aider aussi les victimes à retrouver une guérison de leurs blessures.

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08 février 2022, 13:57