Le procès au Vatican est équitable, assure le promoteur de justice
Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican
Après sept mois et un jour, la "partie A" - comme l'a appelée le président du Tribunal, Giuseppe Pignatone – de ce procès s'achève. C'est-à-dire toute la partie consacrée aux discussions préliminaires entre l'accusation et la défense, qui ont occupé huit audiences depuis le 27 juillet. Ce 1er mars, la procédure judiciaire va franchir sa première étape, avec la lecture de l'ordonnance statuant sur les exceptions de nullité invoquées par la défense. En fonction de la décision, le «vrai procès» commencera, comme l'a dit Pignatone, avec l'interrogatoire des dix accusés. Parmi eux, seul le cardinal Giovanni Angelo Becciu était présent lors de la session de trois heures et vingt minutes qui s'est tenue ce 28 février dans la salle polyvalente des Musées du Vatican. Un temps suffisant a été accordé aux avocats de la défense, qui n'avaient pas pu s'exprimer le 18 février, et aux parties civiles. Pendant exactement une heure, donc, le promoteur de justice adjoint, Alessandro Diddi, a répondu à toutes les exceptions de nullité formulées jusqu'à présent.
Réponse du promoteur de la justice
Se disant «étonné» par les questions posées, maître Diddi a déclaré que nombre des exceptions avancées lui semblaient être «une tentative d'exploiter le moment des questions préliminaires pour envoyer d'autres messages et détourner l'attention de ce que nous avons l'intention de faire dans ce procès», c’est-à-dire de rétablir la vérité sur les événements de Londres. À cet égard, le promoteur a fourni une estimation actualisée, fondée sur les dernières analyses d'audit, de la perte subie par le Saint-Siège avec l'achat du bâtiment de Sloane Avenue, soit 217 millions d'euros.
«Nous, nous voulons que ce procès ait lieu», a déclaré l'avocat. «Nous voudrions nous confronter à la défense et lui demander si le fait de détourner de l'argent à des fins publiques constitue un crime. Il me semble que toutes les exceptions sont une tentative de ne pas discuter des mérites des questions». Des mots qui, selon certains avocats, constitueraient «une insulte à la défense». «Si je devais compter les nombreuses contumaces...», a répondu maître Diddi, faisant référence au fait que le bureau administratif du promoteur «a été le destinataire de courriels de défendeurs qui, sur un ton inquiétant, demandaient au personnel un compte rendu des activités menées par nous». L’avocat a également reçu une plainte sur un sol étranger pour un délit présumé d'interception abusive. Toutefois, l'autorité judiciaire suisse a rejeté l'affaire.
Interrogations sur la procédure
Alessandro Diddi a également expliqué qu'il avait rencontré plusieurs avocats au fil des mois, auxquels il était également lié d'amitié, qui ont déclaré «avec un certain embarras» qu'ils avaient plusieurs questions à soulever lors du procès. «Posez-les toutes, sans exception», fut sa réponse, «l'objectif de ce bureau est de faire un procès aussi proche des règles que possible». Selon le promoteur adjoint, nombre des questions soulevées «n'avaient rien d'autre qu'un caractère procédural» et sont le résultat d'une «désinformation» sur les règles de l'État de la Cité du Vatican. «Qu'on le veuille ou non, on ne fait pas de procès en apportant des règles de l'extérieur mais en appliquant celles de l'intérieur. Dans certains cas, vous avez demandé l'application de règles qui sont inapplicables dans cet État».
Tempête dans un verre d’eau
Maître Diddi s'est dit «serein» face au travail accompli, faisant part d’une «dette de gratitude» envers la police judiciaire qui a fait «l'impossible pour donner des réponses à chaque question spécieuse». «Certains avocats ont dit qu'ils ne pouvaient pas trouver les documents qu'ils devaient chercher, alors nous les avons cherchés. Nous avons fait un tableau où, demande par demande, nous avons indiqué où ils se trouvaient. Beaucoup ont également été numérisés», a-t-il ajouté.
Le promoteur a ensuite exprimé sa satisfaction car un défenseur de la partie civile a déclaré ce matin même: «J'ai trouvé tous les actes». «La partie civile a fait ce que tant de défenseurs n'ont pas fait», s'est-il exclamé, expliquant qu'au commandement du corps de gendarmerie, un poste de travail dans une pièce aseptisée a été mis à disposition, là où se trouvaient tous les documents saisis: «Seule la partie civile est venue et c'est tout». Par conséquent, l'absence de dépôt des documents «est une tempête dans un verre d'eau».
Procès équitable
«Cette histoire selon laquelle nous aurions coupé les ailes de la défense doit cesser», a déclaré l'avocat, qui s'est également exprimé sur la question des Rescripta du Pape qui, selon les objections de la défense, auraient changé le processus et accordé les «pleins pouvoirs» au promoteur de justice dans la phase d'enquête. À cet égard, Alessandro Diddi a rappelé ce que la Cour de cassation italienne a répété lorsque le financier Gianluigi Torzi - qui figure parmi les dix accusés - a déclaré que l'État de la Cité du Vatican «est un État voyou où il n'y a pas de loi»: «La Cour a reconnu que cet État met pleinement en œuvre le droit à un procès équitable». D'autres juridictions étrangères ont dit la même chose.
En ce qui concerne les omissions dans les actes, l'avocat a déclaré que «l'on a fait ce que toute juridiction, y compris la juridiction italienne, a toujours fait». Il a également réitéré que les parties avec omissions étaient liées à de nouveaux dossiers qui ne devraient pas faire partie du procès en cours. Pour défendre ses actions, maître Diddi a également donné un exemple concret avec le cas de Fabrizio Tirabassi, un ancien fonctionnaire de la Secrétairerie d'État, qui «aurait fait un marchandage de ses pouvoirs». «Il y a des dizaines de pages dans la demande d'assignation où ce que nous voulons soutenir est très clair. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'acte d'accusation. Est-ce que ce ne sera pas vrai ? Nous perdrons au procès, ça fait partie des règles du jeu». Enfin, l’avocat a remis au greffe un mémorandum et une clé USB qui, selon lui, contiendrait tous les documents actuels que la défense dit ne pas avoir trouvés jusqu'à présent.
Objections de la défense
Selon les avocats de la défense, il ne s'agit pas des documents qu'ils demandent depuis juillet. C'est précisément sur le non-dépôt des documents que l'avocat Giandomenico Caiazza, conseil du courtier Raffaele Mincione, avait axé sa première plaidoirie, critiquant la «non-soutenabilité frappante» de la décision du promoteur de ne mettre à disposition que les documents utilisés dans les enquêtes, au nom de «principes fantômes et de règles d'observance générale». L'avocat Massimo Bassi, défenseur de Tirabassi, a quant à lui parlé de «déni de justice» et fait savoir que les actes ne comprennent pas le matériel saisi à la Secrétairerie d'État en octobre 2019, soit des centaines de boîtes de documents papier, dont 39 venant dans le bureau de Tirabassi.
Intervention du défenseur de Nicola Squillace
Domenico Aiello, qui défend l'avocat Nicola Squillace, s'est ensuite longuement exprimé, soulignant les incohérences dans les notifications reçues par son client, notamment en ce qui concerne la convocation à l'interrogatoire. Maître Aiello a cité des courriels reçus par le promoteur, en particulier un daté du 9 décembre 2021 notifiant un interrogatoire prévu pour le 22 novembre. Il a ensuite souligné que le Bureau du Promoteur avait effectué une saisie des comptes courants de Squillace et des membres du Studio Libonati Jeger (dans lequel Squillace était associé) et également la saisie de sa première maison. Un cabinet dont Squillace était séparé depuis une dizaine d'années, puisqu'il ne pratiquait plus le droit ; la maison, en revanche, était abandonnée depuis des années, puisqu'il avait élu domicile à Londres. Maître Diddi et le promoteur de l'appel, Gianluca Perone, ont énuméré une série de preuves et de documents qui démontreraient au contraire que les notifications adressées à Squillace avaient été correctement effectuées et que le défendeur avait continuellement reporté l'interrogatoire et omis d'élire un domicile.
Parties civiles
Ce fut ensuite au tour des parties civiles de s’exprimer. Tout d'abord, l'ancien président de la Cour constitutionnelle, Giovanni Maria Flick, représentant l'APSA, dont il a rappelé la nature et la mission afin de réaffirmer la légitimité de la création d'une partie civile. L'Administration du Patrimoine du Siège Apostolique est propriétaire des biens du Saint-Siège qui, selon les accusations, ont été utilisés de manière illicite, a déclaré Giovanni Maria Flick, citant l'exemple de l’Obole de Saint-Pierre. Le juriste a également parlé d'une «activité spéculative qui a causé d'énormes dommages au Saint-Siège» et dénoncé «le silence et les réticences concernant l'achat de la propriété de Sloane Avenue». Son discours comprenait également «un rappel consciencieux» de l'autorité du Pape, explicitée dans les quatre Rescripta. Enfin, il a souligné que depuis «sept mois et un jour», la Cour est engagée dans des discussions préliminaires: une démonstration de pleine disponibilité en faveur des défendeurs «afin que la régularité du processus ne soit pas affectée».
Une réputation entamée
Était également présente dans la salle d'audience l'avocate Anita Titomanlio, pour l’Asif (autorité de supervision et d’information financière, anciennement Aif), qui s’est constituée partie civile lors de l'audience du 18 février en tant que «devoir naturel». L’avocate a rappelé que l'Autorité, contrairement à ce qu'a objecté la défense, n'est pas une articulation supplémentaire de l'État de la Cité du Vatican, mais une autorité publique. C'est précisément pour cette raison que son implication dans un tel procès, dans lequel les deux anciens dirigeants de l’Asif sont sur le banc des accusés, a jeté sur celle-ci un «grand discrédit», avec de «lourdes conséquences sur sa réputation». En témoignent la suspension d'Asif du circuit Egmont (puis sa réadmission en 2019) et l'évaluation figurant dans le rapport final de la commission Moneyval, qui a constaté un «abus du système à des fins personnelles et des détournements».
Enfin, l'avocat Roberto Lipari, en défense de l'IOR, a déclaré que l'Institut pour les Œuvres de Religion «a vu le détournement des fonds dédiés aux faits au centre du processus». L'image de l'IOR en tant que gardien des ressources financières de l'Église a donc été «endommagée» et les pratiques qui ont conduit à la procédure judiciaire ont entraîné une «perte de crédibilité», avec des dommages conséquents dans l'établissement de relations professionnelles.
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