Au Vatican, une semaine de rencontres historique avec les autochtones du Canada
Marine Henriot – Cité du Vatican
Les premières rencontres avec le Pape François ont débuté dans la matinée du lundi 28 mars. Dix délégués Métis puis huit familles d’Inuit Tapiriit Kanatami ont été reçu pendant près d’une heure par le Souverain pontife. Des audiences qui furent d’abord des moments d’écoute, ouvertes par une prière selon les rites de chaque communauté.
Le Pape François a pris le temps de saluer chacun d’entre nous, ont détaillé dans la foulée les membres des différentes délégations. Partager la vérité avec le Pape François était un moment puissant, a témoigné Cassidy Caron, la présidente de la délégation Métis, «nos survivants ont été incroyablement courageux», «des super-héros», a abondé Mitchell Case, également membre de la délégation Métis, «ces super-héros ont dit la vérité au Pape François avec gentillesse, amour et respect». Malheureusement, a-t-il continué, «l’opportunité qui nous a été donnée de parler ce matin fut la première depuis des décennies…», une opportunité pour dénoncer «un crime contre l’humanité», a confié Mitchell Case, ému et en colère.
Entre 1831 et 1996, 150 00 enfants autochtones ont été enrôlés de force dans les pensionnats gérés par l’Église catholique à travers le pays, y subissant le programme gouvernemental d’assimilation forcée, des abus et de la maltraitance. Entre 3000 et 6000 enfants sont morts dans les murs de ces pensionnats. Ces derniers mois, des centaines de sépultures d’enfants ont été découvertes dans les environs des établissements, notamment à Kamloops en Colombie-Britannique, où les dépouilles de 215 enfants ont été retrouvées enfouies en mai 2021.
Un traumatisme dans l’ADN
Cette semaine de rencontre est donc l’occasion unique pour ces peuples autochtones de raconter leurs traumatismes au Pape François mais également au monde entier. Car ce cycle n’est que le début du chemin vers la guérison et la réconciliation, insistent les délégués Métis et Inuit Tapiriit Kanatami.
Le traumatisme coule dans les veines des populations autochtones, «Nous avons aujourd’hui l’occasion de parler pour nos enfants, pour ceux qui n’ont pas survécu aux pensionnats autochtones, chacun doit jouer son rôle dans ce processus, a raconté pour sa part Pixi Wells, président de l’association des Métis de Fraiser Valley, nous allons nous battre pour que la nouvelle génération puisse s’aimer à nouveau».
«En aidant les personnes adultes et les familles à passer par-dessus leur propres expériences, cette transmission des traumatismes aux plus jeunes pourra cesser ou être différente», nous détaille Mgr Poisson, président de la Conférence des Évêques du Canada, présent aux côtés des délégations durant les audiences avec le Pape François, «Il n’est pas question d’oublier l’expérience des écoles résidentielles, il est question d’en tirer leçon.»
L’attente d’excuses officielles
Ce cycle historique de rencontres est point de départ vers un futur de réconciliation a souligné l’évêque québécois, tenant à saluer le courage des délégués et le climat de ces rencontres avec le Pape : «un climat d’affection mutuelle, nous n’avons pas réglé de grandes affaires mais nous avons été cœur à cœur.»
Si ces premières audiences sont axées sur l’écoute, les délégations des premiers habitants canadiens espèrent tout de même des gestes concrets de la part du Saint-Siège, et cela commence par des excuses officielles, pour continuer un processus entamé par Benoît XVI en 2009: recevant des représentants autochtones en audience privée, le Pape émérite avait fait part de ses regrets pour le rôle de l’Église dans l’assimilation forcée des enfants autochtones. L’Église canadienne de son côté a présenté officiellement ses excuses en septembre 2021; six mois plus tard elle annonçait la création d’un fonds de 30 millions de dollars pour financer différents projets de réconciliation nationale à travers le Canada.
«J’ai dit au Pape que les gens avaient besoin de guérir, que des excuses seraient un point de départ», a de son côté déclaré Martha Greig, survivante d’un pensionnat et membre de la délégation Inuit, «Je l’ai invité a venir au Canada, cela signifierait beaucoup pour les anciens résidents et leurs familles».
La délégation des Premières Nations sera reçue jeudi par le Pape François. La semaine se conclura avec une audience publique entre le Souverain pontife et les trois délégations autochtones réunies.
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