Mgr Roche invite à redécouvrir la liturgie du dimanche
Entretien réalisé par Deborah Castellano Lubov – Cité du Vatican
Le futur cardinal Arthur Roche, préfet du Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements, suggère de redécouvrir le sens sacré du dimanche et d’adorer et louer Dieu lors de la célébration de la liturgie. Il propose une réflexion sur les récents débats sur la liturgie et l'eucharistie, notant que «c'est une tragédie» car «l'eucharistie est, par nature, le sacrement qui unit toute l'Église».
Dans cet entretien qui suit l’annonce de sa création au cardinalat par le Pape le 29 mai dernier, le préfet déplore également le déclin de la religiosité, en particulier en Occident le dimanche, dû en grande partie à la sécularisation, et appelle à redécouvrir la beauté de la liturgie et des sacrements.
Mgr Roche parle également des changements du Pape François concernant la messe en latin, clarifie ce qui a été mal rapporté et réfléchit à la situation des Églises missionnaires en Amazonie. Il aborde également l'identité sacramentelle universelle des diacres permanents, mais prévient qu'ils ne peuvent être la réponse à la diminution des vocations dans diverses régions du monde, car nous risquerions de suivre une Église «diaconale» plutôt que «sacerdotale».
Il y a eu récemment de nombreux débats sur la liturgie, en particulier l'eucharistie. Pourquoi, à votre avis, ce qui devrait nous unir continue-t-il à être si controversé ?
Des opinions ont été exprimées sur des préoccupations particulières. Par exemple, très peu de temps après que le calice a été retiré de la Sainte Communion pour tous ceux qui assistaient à la messe, il y a eu une controverse à ce sujet, mais il n'y a jamais eu de controverse sur la liturgie comme celle que nous vivons aujourd'hui, en partie parce qu'il n'y a jamais eu auparavant deux versions du Missel romain - le Missel romain de 1962, et ensuite le Missel romain de 1970, qui a été produit avec toute la force du Concile Vatican II derrière lui et promulgué par saint Paul VI.
C'est une tragédie qu'il y ait aujourd'hui cette controverse, ces soi-disant "batailles" sur la liturgie, car l’eucharistie est, par nature, le sacrement qui unit toute l'Église. Et comme le Saint-Père l'a souligné dans Traditionis custodes, il existe une loi liturgique qui nous aide dans notre croyance à transmettre la doctrine de l'Église. Ainsi, la réforme de la liturgie est vraiment une question très importante aujourd'hui et elle ne doit pas être considérée comme une option.
Mais l'un des problèmes, des défis, de notre époque est la croissance de l'individualisme et du relativisme, du "je préfère ceci". Or, la célébration de la messe n'est pas une question de choix personnel. Nous célébrons en tant que communauté, en tant qu'Église tout entière, et l'Église au cours des siècles a toujours réglementé la forme de liturgie qu'elle a jugée plus pertinente pour une époque donnée.
Le père [Jozef Andreas] Jungmann, un jésuite autrichien qui n'est mort qu'au début de ce siècle, est quelqu'un qui, dans ses études, a montré comment, au fil des siècles, la messe a été modifiée de cette manière afin de s'adapter aux besoins du jour. Et la résistance à cela est une question assez sérieuse, que le Pape a soulignée dans son document sur la liturgie, Traditionis custodes.
Selon vous, qu'est-ce qui est mal compris dans les changements apportés par le Saint-Père à la messe en latin ?
Tout d'abord, il n'est pas contre la messe en latin. Je pense que le premier titre que nous avons vu dans les journaux était «le Pape condamne la messe en latin». Ce n'était pas le cas. Et en fait, la messe en latin dans la forme moderne, pour ainsi dire, du Concile, et dans le Missel de 1962 sont tous deux disponibles.
Donc, tout ce qui se passe, c'est la réglementation de l'ancienne liturgie du Missel de 1962 en arrêtant la promotion de celle-ci, parce qu'il était clair que le Concile, les évêques du Concile, sous l'inspiration du Saint-Esprit, mettaient en avant une nouvelle liturgie pour la vitalité de la vie de l'Église. Et cela est vraiment très important. Et résister à cela, c'est quelque chose qui est vraiment très grave, aussi.
Parlons un instant de l'accès aux sacrements après le Synode sur l'Amazonie. Certains ont exprimé leur déception, suggérant qu'il n'a pas réussi à résoudre ce qui avait été appelé la crise sacramentelle pour les Églises missionnaires avec de vastes territoires et peu de prêtres. Ce problème est-il toujours d'actualité ?
Il y a deux aspects. Le premier est la question de la pénurie de prêtres. Et je pense que cela a toujours été une réalité, en fait, tout au long de l'histoire de l'Église. Déjà dans l'Évangile, Notre Seigneur lui-même a prévu que la moisson serait grande mais que les ouvriers seraient peu nombreux. La deuxième question concerne l'usage amazonien du rite romain. En d'autres termes, l'inculturation du Missel romain dans la culture amazonienne. C'est une question sur laquelle on travaille. Mais tout d'abord, il faut que les évêques amazoniens du Brésil, du Pérou, etc., y travaillent. Ils ont donc créé une commission qui commence à y réfléchir. Et ce travail prendra un certain temps, me semble-t-il.
L'autre question concernant les vocations est quelque chose qui doit toujours être au premier plan dans l'esprit des gens, parce que le père de toute communauté est celui qui est chargé d'apporter le pain aux enfants à la maison. Donc, l'eucharistie fait partie intégrante de cela. C'est donc une autre considération qui doit être examinée par les évêques et par le Saint-Père lui-même.
Pensez-vous que l'identité sacramentelle du diacre permanent est universellement et correctement comprise ?
Je pense qu'elle devrait être comprise. La question de savoir si elle l'est, dépend de la manière dont elle a été reçue dans les différents pays. Il est intéressant de noter qu'au cours du Concile Vatican II, les évêques d'Afrique ne voulaient pas du diaconat permanent parce qu'ils voyaient que ce qu'ils avaient déjà mis en place, par le biais des ministres, par le ministère des catéchistes, qui existait bien avant le Concile, remplissait en fait le rôle du diacre permanent, parce que le catéchiste dans les pays africains était capable d'assister à des mariages, était capable de baptiser, était capable de faire des funérailles, etc., et aussi de porter la communion aux avant-postes des zones paroissiales où les gens étaient rassemblés et où les prêtres ne pouvaient pas se rendre chaque dimanche pour célébrer la messe. Il y a donc des différences d'opinion à ce sujet.
Mais je pense que là où elle existe, elle devrait vraiment être bien connue. Il y a des pressions pour que les diacres puissent accomplir d'autres sacrements, par exemple l'onction des malades. Mais cela n'est pas possible car l'onction des malades s'accompagne du pardon des péchés, qui relève personnellement de la responsabilité du prêtre. Le Concile n'a pas eu lieu depuis très longtemps, et il faut du temps pour que beaucoup de ces choses se stabilisent. Et je pense qu'en général, le rôle du diacre est bien compris. Il est bien accepté. C'est une bénédiction pour de très nombreuses régions du monde, dans lesquelles nous vivons.
Y voyez-vous un remède à la diminution des vocations sacerdotales ?
Non, car si nous remplaçons le prêtre par le diacre, nous devenons une Église diaconale au lieu d'une Église sacerdotale. Mais notre identité baptismale est une identité sacerdotale. Et le sacerdoce ordonné est la clé de la confection de ce qui est au cœur de l'Église, à savoir l'eucharistie. Je ne pense donc pas que ce soit le cas, mais je considère que les diacres ont une importance pastorale et sont une aide considérable pour les prêtres et les évêques dans de très nombreuses régions du monde.
D'après votre expérience, au cours des dernières décennies, quels ont été les plus grands changements dans les pratiques religieuses ?
Je pense que c’est la chute de la pratique religieuse le dimanche, principalement en Occident, et je pense que c'est principalement aussi à cause de la sécularisation et du changement du statut du dimanche.
Quand j'étais jeune, les magasins n'étaient jamais ouverts le dimanche. Et on jouait très rarement au football, sauf peut-être l'après-midi. Mais le matin était sacro-saint parce qu'il était d'usage que tout le monde aille à l'église et la "Domenica [dimanche en italien]", le dimanche, pour nous, est nommé d'après le Seigneur, le jour du Seigneur.
C'est quelque chose que nous avons vraiment besoin de reconquérir. Je pense que nous pourrions le faire en augmentant la catéchèse et la proximité avec les gens. Quand j'étais jeune prêtre, mon évêque avait l'habitude de dire qu'un prêtre qui va vers les gens forme un peuple qui va à la messe. Je pense donc que la proximité du prêtre avec sa communauté est vitale à cet égard.
Si l'on considère la sécularisation et la liturgie, y a-t-il un lien entre les deux ?
La sécularisation tente de diminuer l'importance du divin, et nous devons faire très attention à cela, car lorsque nous allons à l'église, lorsque nous célébrons la liturgie, nous sommes là pour adorer Dieu. Nous ne sommes pas là pour nous divertir ou pour divertir la communauté.
C'est la communauté qui est là pour louer Dieu pour les dons qu'il nous a accordés, en particulier par son Fils qui est mort pour nous et qui est présent dans le pain et le vin, où, en tant que corps, sang, âme et divinité pleinement présents, il est dans l'eucharistie. Nous devons donc être très attentifs, mais nous vivons dans un monde séculier.
Nous devons être des évangélistes. Et la force de l'évangélisation vient de la célébration de l'eucharistie. Ainsi, à la fin de la messe, lorsque le diacre dit «allez dans la paix du Christ», ou lorsque la messe se termine et qu'il dit «allez dans la paix» ou «allons maintenant louer le Christ par notre vie», dans le monde dans lequel nous vivons, il nous envoie pour être des évangélisateurs, des catéchistes dans le monde dans lequel nous vivons. C'est donc un lien très fort entre les deux cultures, si vous voulez, et un lien qui peut apporter une grande plénitude à une société sécularisée.
Quel rôle le culte peut-il jouer dans la ré-évangélisation des pays déchristianisés ?
L'eucharistie elle-même apporte avec elle la doctrine de l'Église. Toutes les prières qui constituent la célébration de la liturgie du dimanche sont principalement issues de la Sainte Écriture. Presque toujours, presque chaque mot, presque chaque nuance, provient de l'Écriture ou de l'enseignement des Pères de l'Église. De sorte qu'en soi, lorsque vous allez à la messe, vous recevez la doctrine de l'Église. On disait autrefois que saint Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle, connaissait si bien les Écritures qu'il parlait «scripturairement». Je suppose que nos jeunes d'aujourd'hui diraient qu'il parlait «Bible» [sourire]. Il a reçu cela parce qu'il s'en imprégnait.
Lorsque nous nous imprégnons de toute la liturgie de l'Église, nous recevons la doctrine. Nous recevons la manière de prier, de manière scripturaire. Nous recevons ce que la Parole de Dieu, dans sa forme révélée, nous apporte dans la vie de l'Église. Donc, si vous assistez à la messe, si vous assistez à la liturgie et si vous priez vraiment tout le contenu de la liturgie, vous êtes préparé à être un évangélisateur très important.
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