Cardinal Nichols: la force d’Elizabeth II était sa foi chrétienne
Entretien réalisé par Christopher Wells - Cité du Vatican
Éminence, quelle a été votre réaction personnelle en apprenant le décès de la Reine?
Eh bien, je pense que, comme beaucoup de gens, au début, j'ai été un peu choqué parce que mardi, elle remplissait ses fonctions publiques. Et pourtant, jeudi elle est morte. Et puis après cette surprise ou ce choc initial, il y a eu pour tout le monde un sentiment croissant de perte, de deuil et de tristesse. Et je pense que c'est, sans aucun doute, une ambiance très forte qui règne dans le pays ce matin.
Il est encore tôt, mais je me demande si vous pourriez peut-être dire quelques mots sur l'héritage de la Reine en tant que responsable chrétien?
Eh bien, ce qui est remarquable ici ce matin, c'est que les messages affluent du monde entier. Le Pape François a envoyé un message très élégant à notre nouveau Roi, et les autres évêques du monde entier, les chefs d'États. Beaucoup, beaucoup de messages arrivent. Et il y a des messages personnels de personnes disant qu'elles ont l'impression d'avoir perdu une grand-mère.
Peu d'entre eux font référence au fait que la Reine elle-même a déclaré que le roc et la force de sa vie étaient sa foi chrétienne. Elle a dit: «Les enseignements du Christ et ma propre responsabilité personnelle devant Dieu fournissent un cadre dans lequel j'essaie de mener ma vie».
Ainsi, pour moi, l'une des choses que je veux continuer à dire est que si nous apprécions si profondément les qualités que la reine a apportées, des qualités de sagesse, de stabilité, d'ouverture, d'immense accessibilité. Alors nous devons aussi nous rappeler leur source et leur inspiration. Et j'espère que, au fur et à mesure que ces jours passent et que nous réfléchirons un peu plus profondément, l'importance de cette foi chrétienne qui l'a façonnée chaque jour deviendra de plus en plus claire.
Cardinal Nichols, vous êtes le Cardinal Archevêque de Westminster, au cœur de Londres. Pouvez-vous nous parler un peu de la signification du règne de la reine défunte pour ses sujets catholiques et pour l'Église, tant en Angleterre, au Royaume-Uni, que dans les autres pays et dans le monde entier?
Eh bien, je pense que le plus évident est que son règne a couvert tant de changements dans l'histoire. Quand j'étais jeune, il était plus ou moins interdit pour nous, catholiques, de prier avec les anglicans. Cela a totalement changé et cela s'est reflété dans la vie de la Reine, qui a fait une visite officielle à la cathédrale de Westminster et a prié avec nous comme nous le ferions, évidemment, avec d'autres chrétiens aujourd'hui.
Et je pense que c'est peut-être une leçon largement comprise, mais le cardinal Hume a été le premier cardinal du diocèse de Westminster à recevoir une lettre de Buckingham Palace qui reconnaissait son titre ecclésiastique, qui le reconnaissait comme archevêque de Westminster.
En outre, au cours des vingt dernières années environ, nous avons eu, pour la première fois dans le droit civil de ce pays, la reconnaissance du rôle d'un évêque catholique dans l'administration des affaires de son diocèse. Donc, dans ce sens, à la fois au niveau commun et au niveau structurel, au niveau de l'établissement, elle a vécu et mené des changements remarquables.
C'est peut-être un peu banal de dire que la mort de la Reine Elizabeth marque la fin d'une époque. Comme vous l'avez mentionné, elle a régné pendant 70 ans, plus de 70 ans de changements considérables. Que voyez-vous pour l'avenir, à la fois pour le pays, pour les autres parties du Commonwealth, les autres royaumes qu'elle a dirigés, et pour l'Église au Royaume-Uni dans les jours, les mois et les années à venir?
Eh bien, je pense qu'à ce stade, tout le monde saisira plus profondément l'importance de la stabilité et de l'ouverture qu'elle incarnait. Et je dis cela parce que le changement ne va pas s'arrêter.
Mais d'une certaine manière, c'est la façon dont nous réagissons au changement. C'est probablement la chose la plus importante. Et je pense que le Prince Charles, aujourd'hui le Roi Charles III, a hérité cela de sa mère. Et je sais qu'il aura à l'esprit de continuer à donner un témoignage fort de l'importance de la foi chrétienne. Et il sera probablement plus explicite que sa mère sur l'importance de la foi en Dieu. Il est par exemple, un grand champion du dialogue interconfessionnel, mais aussi un grand champion des chrétiens persécutés au Moyen-Orient.
Et je pense qu'il aura sa propre façon de poursuivre cette tradition de sa mère, d'être fermement et clairement de la foi chrétienne d'une manière qui reflète, je crois, vous savez, le renouveau que nous recherchons dans nos relations et notre service de la société.
Je pense que la situation de l'Église dans ce pays n'est pas affaiblie par la mort de Sa Majesté la reine Elizabeth. Et je pense que ce sont des moments dans lesquels les chrétiens se réuniront pour prier et dans lesquels les personnes d'autres religions trouveront une position commune avec nous dans cette reconnaissance de l'importance de la foi en Dieu qui nous donne l'horizon, les fondations et les conseils pour vivre dans des temps changeants.
Une dernière question, Votre Éminence. Vous êtes archevêque de Westminster depuis plus de dix ans maintenant. Avez-vous des souvenirs personnels de feu Sa Majesté que vous aimeriez partager avec nous?
Eh bien, je suppose que mon souvenir le plus précieux est d'avoir été assis à côté d'elle pour un dîner privé avec un groupe d'environ 30 personnes. Mais j'étais l'un des deux assis à côté de Sa Majesté, la Reine, au château de Windsor. Et ce n'était pas longtemps après sa dernière visite en Australie.
Et la conversation que j'ai eue avec elle était très spéciale. Elle portait en partie sur un voyage, en partie sur ce qu'avait été l'Australie, mon frère y vivait à l'époque et en partie sur l'importance de sa foi. Et puis il y a eu un moment charmant lorsque tous les corgis sont apparus et qu'elle leur a donné très discrètement quelques biscuits, puis ils ont tous sauté et couru hors de la pièce et le repas s'est terminé. Nous nous sommes tous levés. Je pense que les corgis ont ouvert la voie, mais c'était un moment charmant, que je n'oublierai jamais. Et c'était plein de sa patience, de sa chaleur, et de sa grande capacité à établir le contact avec la personne avec qui elle était.
Merci beaucoup, Éminence, d'avoir pris du temps ce matin. Avez-vous une dernière pensée pour nous?
Permettez-moi de dire que je voudrais remercier le Pape François pour son gracieux message à notre nouveau souverain, et l'assurer [le Roi] de l'estime, de l'affection et des prières des catholiques de ce pays et de beaucoup, beaucoup de gens aussi.
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