Cardinal Sandri: les Églises orientales sont les gardiennes du pèlerinage
«Les yeux fixés sur le ciel n'ont pas distrait Abraham, mais l'ont encouragé à marcher sur la terre, à commencer un voyage qui, à travers ses descendants, devait atteindre tous les siècles et toutes les latitudes». Par ses mots, lors de sa visite à la ville d'Ur des Chaldéens, ville d’origine du Patriarche Abraham, le Pape François, à l'occasion de son voyage apostolique en Irak, a rappelé «l'appel abramitique de tout homme qui, tout en regardant les étoiles dans le ciel et brûlant d'amour pour Dieu, ne perd pas de vue le but final, se met en route sur le chemin sacré et reconnaît qu'il est essentiel de s'ouvrir à la volonté divine, de se vider de ses affections et de sortir de soi».
Les chrétiens d'Orient, figure et reflet d'Abraham
Le Saint-Père présentant également une «image profonde et en même temps douloureuse», a montré, soutient le cardinal Sandri, «l'image des vêtements colorés», soulignant la diversité des églises d'Irak, meurtries par la souffrance des fidèles.
Ces mêmes enfants sont ceux qui, à la différence d'Abraham, désirent ardemment rester sur cette «terre bénie», affirme le cardinal argentin, mais sont contraints d'émigrer pour des raisons dépassant leurs désirs. Ainsi, de nombreux fidèles des Églises orientales, bien qu'ils souhaitent rester dans leur pays d'origine, sont présents dans de nombreuses autres terres lointaines, ce qui fait que «nos Églises se situent non seulement en Orient, mais aussi au-delà des frontières traditionnellement établies». «Ils sont de véritables pèlerins dans ce monde, une figure et un reflet de la vie itinérante d’Abraham», estime le cardinal Sandri.
Les Églises orientales, traditionnellement terres de pèlerinage
Dans son discours, le préfet du dicastère pour les Églises orientales, explique aussi que l'image du pèlerinage comme départ de sa propre terre, n'est ni éloignée de notre époque, ni de nos yeux, rappelant les différents exodes que les fidèles de certaines Églises orientales ont vécu dans le passé et continuent de vivre dans le présent. Il pense en particulier aux fidèles de l'Église arménienne, «qu'elle soit apostolique ou catholique», qui, au début du siècle dernier pour diverses raisons, ont été contraints de quitter les terres de leurs ancêtres et ont été à l'origine du changement de siège patriarcal de la ville arménienne d'Echmiadzin à Sis, dans la région de Cilicie, au sud de la Turquie actuelle.
À cet égard, il importe de savoir, dit-il, que les Églises orientales se distinguent par le fait qu'elles sont traditionnellement des terres de pèlerinage. L'Église de Jérusalem, elle, a la grâce, selon lui, de garder les lieux de la présence historique du Christ sur cette terre. Pourtant, «nous ne pouvons pas oublier que les membres des Églises d'Orient ont aussi la particularité de vivre avec de grandes et très anciennes traditions qui font du pèlerinage un aspect unique et distinctif». «Pensez au pèlerinage des fidèles musulmans à la Mecque ou au retour de nos frères aînés dans la ville sainte de Jérusalem», a-t-il poursuivi.
Les orientaux, gardiens des lieux saints
Le préfet invite également à se rappeler que les Églises orientales sont les «gardiennes des objectifs du pèlerinage». Mais il ne suffit pas de se souvenir, il faut rendre grâce pour les chrétiens du Moyen-Orient qui, affirme-t-il, en tant que gardiens de ces lieux, «sont les pierres vivantes qui maintiennent debout l'édifice de l'Église et de l'Évangile, sur des terres déchirées par la guerre, la douleur et l'injustice». Pour cette raison, la collecte pontificale Pro Terra Sancta devient une forme de solidarité pour aider ceux qui vivent sur ces terres. Le cardinal, a eu une pensée pour tous ces hommes et femmes qui, au cours de l'histoire, ont contribué sans relâche à ce que la mission de l'Église se poursuive. «Cela fait également partie de votre mission!» lance-t-il, exhortant les participants à ce congrès à être, «une seule Église, un seul corps», car si un membre souffre, tous souffrent avec lui.
Communion entre Orient et Occident
Le pèlerinage, pour le cardinal Leonardo Sandri, a également une dimension typique «d'un signe de communion entre les fidèles d'Orient et d'Occident». En effet, selon lui, en raison de la situation actuelle, le pèlerinage est devenu pour certains «frères et sœurs orientaux» la possibilité de rentrer chez eux, citant en exemple les communautés de la diaspora. C’est également un retour aux origines, aux racines de la terre de salut. Les chrétiens d'Israël, de Palestine, d'Égypte, de Jordanie, du Liban, de Syrie et de Turquie qui, motivés par diverses situations, retournent dans leurs foyers. Cependant, beaucoup de chrétiens orientaux sont privés de la possibilité de rentrer chez eux, et dans ces cas, il s'agit d'un pèlerinage intérieur qui implique la souffrance humaine et, en même temps, la consolation divine. Ce sentiment de désolation a inspiré le psalmiste qui, face à l'impuissance de l'exil, a récité avec ferveur: «Sur les canaux de Babylone, nous nous sommes assis pour pleurer Sion; sur les saules de ses rives, nous avons accroché nos ziths... Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite soit paralysée; que ma langue se colle au palais si je ne me souviens pas de toi, si je ne fais pas de Jérusalem le sommet de ma joie» (Ps 137, 1-2,5-6). C'est le cri du fidèle pasteur qui, dans l'impuissance de l'impossibilité de rentrer chez lui, vit intérieurement le retour à sa chère patrie.
Un lieu de supplication et de fraternité
Le préfet du dicastère pour les Églises orientales, est aussi revenu sur le pèlerinage annuel qui a lieu en Ukraine, où des milliers de fidèles, jeunes et vieux, se rendent avec dévotion au sanctuaire de Zarvanytsia. Les fidèles se prosternent devant la Mère de Dieu et vivent les dimensions typiques du pèlerinage: le voyage, la prière, la fatigue, le chant, la célébration du sacrement de la réconciliation, la veillée nocturne et la célébration de l'Eucharistie le jour du Seigneur. Ce pèlerinage revêt une importance particulière pour tous les chrétiens catholiques ukrainiens. En effet, lorsqu'en 1946, l'Église catholique a été contrainte de vivre une «foi des catacombes», les moines, qui ont continué à vivre leur foi et à travailler dans la clandestinité, ont reconstruit et rénové ce même sanctuaire avec la communauté catholique ukrainienne. Cette situation pourrait sembler lointaine dans le temps mais, bien que dans un contexte complètement différent, elle est à nouveau présente dans un pays déchiré par la guerre.
Les moments de pèlerinage vécus impliquent également la fraternité humaine. Parlant du Liban, dans un contexte délicat où les grands sanctuaires mariaux comme Harissa, servent de lieux de refuge et de protection dans une terre meurtrie par la guerre, la crise et la famine, et malgré les adversités et les souffrances, les fidèles «n'arrêtent pas leur pèlerinage, ils n'abandonnent pas», souligne encore le cardinal Sandri. Ils ne cessent ensemble de prier, dit-il, les «grands saints maronites, Charbel et Rafka». Ils ne se prosternent pas devant la douleur et l'injustice, mais, en tant qu'héritiers et gardiens de la tradition biblique, se réfugient corporellement et spirituellement dans les sanctuaires.
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