Jean XXIII et l’intuition du Concile Vatican II
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
25 janvier 1959: Jean XXIII, élu depuis octobre 1958, convoque à la surprise générale un concile. Le premier depuis 1870 et Vatican I, qui resta inachevé. Il n’était cependant pas question de le poursuivre, mais bien de convoquer une nouvelle assemblée. Âgé alors de 77 ans, Jean XXIII se lance dans un pari qu’il n’est pas sûr de voir aboutir. Trois ans et demi plus tard, le 11 octobre 1962, après une longue préparation à laquelle ont participé tous les évêques, le Saint-Père célèbre la messe d’ouverture dans la basilique Saint-Pierre.
Si Jean XXIII décide d’initier un tel processus, c’est pour plusieurs raisons. D’abord, «une intuition personnelle, mais aussi le fruit de sa propre expérience», analyse le père Daniel Moulinet, prêtre du diocèse de Moulins en France, professeur à la faculté de théologie à l’université catholique de Lyon. Jean XXIII travailla sur le Concile de Bergame qui fut convoqué pour «traduire dans les faits le Concile de Trente» à la fin du XVIe siècle. Il se rendit compte combien ce concile avait changé l’Église.
Autre expérience formatrice: Jean XXIII, avant de devenir patriarche de Venise et pape, fut un des diplomates du Saint-Siège, en poste en Bulgarie, en Turquie et en Grèce. «Il a rencontré l’orthodoxie et a vu le fonctionnement du Synode comme méthode de gouvernement» dans les Églises orthodoxes. «Cela l’a amené à penser que le concile était un moyen de réformer l’Église ou de l’adapter à son temps», ayant conscience que l’Église catholique, au terme du pontificat de Pie XII, était en quelque sorte victime d’un blocage, poursuit le père Moulinet.
Ouvrir la fenêtre
Qu’attend alors Jean XXIII de ce concile? À un journaliste qui lui pose la question, Jean XXIII répond par un geste: il ouvre la fenêtre. «Soit il veut donner de l’air à l’Église, soit l’inviter à s’ouvrir sur l’extérieur», pense le théologien. Autre piste: «le petit blocage qu’il ressentait au sein de l’Église lui donne envie de changer les choses en faisant appel à l’ensemble de l’épiscopat» précise-t-il, et aussi aux non-catholiques, «dans un souci d’unité à la suite du Christ».
Si Jean XXIII ne donne que peu d’indications concernant la direction que doivent prendre les travaux du Concile, il en précise toutefois deux orientations: une pastorale et une œcuménique, comme déjà indiqué dans sa première encyclique, Ad Petri Cathedram, affirme le père Moulinet. Une autre orientation est précisée fin 1962, dès le début du Concile, après les interventions de deux cardinaux, Suenens et Montini, le futur Paul VI et que Jean XXIII approuvera. Il s’agit d’ordonner les textes du Concile selon «une double problématique : l’Église ad intra et l’Église ad extra», ce qui veut dire : «Église que dis-tu de toi-même, Église que dis-tu de ton rapport au monde», précise le théologien.
Œcuménisme
En-dehors de ces orientations, Jean XXIII ne donne pas beaucoup plus de précisions, se plaçant «dans la mouvance de l’Esprit Saint». Mais il laissera toutefois sa marque, donnant cette double orientation, pastorale et œcuménique. Concernant cette dernière, il l’imposera au début des débats au cours d’une de ses rares interventions autour du Schéma sur la Révélation. La première mouture du texte est repoussée par 60 % des pères conciliaires car jugés comme un obstacle au dialogue œcuménique. Or, pour des questions de procédures, il faudrait un vote des deux tiers pour que le texte soit rejeté. Jean XXIII décide alors «de retirer le texte et de le confier pour refonte à une commission mixte issue de la commission théologique qu’il a préparée et du secrétariat pour l’Unité qui est l’instrument qu’il a voulu pour donner cette orientation œcuménique», raconte le père Moulinet. Le texte final sera adopté en 1965. Jean XXIII aura imposé sa ligne sur cette question.
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