Ukraine: le Saint-Siège prêt pour une initiative de paix
Michele Raviart - Cité du Vatican
«Le Saint-Siège doit être prêt, doit être disponible» pour mettre ses bons offices à la disposition de tous, comme le demande le Pape, mais «en ce moment, les ambitions des belligérants ne correspondent pas à une grande initiative de paix». «Nous espérons que nous atteindrons ce point dans un avenir proche», a déclaré Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les relations avec les États et les organisations internationales, lors d'un entretien avec des journalistes en marge de la conférence La guerre en Ukraine et la "prophétie pour la paix" promue par Communion et Libération et qui s'est tenue vendredi 20 janvier à l'Université pontificale Urbanienne.
Créer une nouvelle culture de la paix
L'archevêque a répété que le Saint-Siège est actif «pour parler, pour discuter, pour rencontrer des gens au Vatican, pour recevoir des visites d'ambassadeurs», mais qu'il n'y a pas grand-chose à attendre pour le moment «parce que le climat du conflit n'est pas très ouvert». Le Pape, a répété Mgr Gallagher, «parle constamment de la guerre» et ce qu'il faut faire, c'est «créer une nouvelle culture de la paix et créer des structures qui peuvent la promouvoir en Europe».
Une situation grave pour l’Ukraine, l’Europe et le monde
L’Europe, a-t-il souligné, s'était peut-être un peu trop habituée à ne pas être impliquée dans ces événements: «nous avons toujours pensé que la guerre était impossible en Europe, maintenant nous avons appris que nous sommes de pauvres êtres humains comme tout le monde». «Il n'y a aucune partie du monde où cette guerre n'a pas eu d'impact» et l'appel aux institutions et aux groupes de personnes est donc de sortir des sentiers battus pour trouver une solution. «Nous ne devons rien exclure», car «la situation est si grave, non seulement pour l'Ukraine en particulier et pour toute l'Europe, mais aussi pour le monde». «Nous devons», en outre, «continuer à prier et à implorer, car peut-être seule l'aide divine nous sortira de cette situation».
Le Pape François ne se rendra pas à Kiev à ce stade
À ce stade, a confirmé le secrétaire aux relations avec les États, François ne se rendra pas à Kiev: «le Pape garde toujours cette invitation à l'esprit, mais je pense qu'il veut faire cette visite au moment le plus opportun et pour l'instant il semble que ce ne soit pas le moment», comme en témoigne également ce qui s'est passé pendant le Noël orthodoxe, avec «l'impossibilité de convaincre les gens de la valeur d'une trêve». En ce qui concerne les relations avec la Russie, Mgr Gallagher a répété qu'il n'a de contacts qu'avec l'ambassade auprès du Saint-Siège et non avec d'autres personnalités ou groupes opposés à la guerre. «Le peuple de Russie, je crois, soutient la politique de son gouvernement. Qu'il soit bien informé, c'est une autre affaire...», a-t-il commenté. «Il y a ceux qui, pour diverses raisons, n'acceptent pas cette politique, les jeunes qui sont partis en Géorgie après la mobilisation, il y a ceux qui ont été détenus pour leurs opinions», mais «il ne semble pas qu'il s'agisse d'un mouvement de masse en Russie pour le moment».
Le droit à une défense proportionnée
Ces derniers jours, de nouveaux armements sont arrivés en Ukraine en provenance des alliés. «Nous avons toujours maintenu que l'Ukraine a le droit à une défense juste», mais celle-ci «doit être une défense proportionnée». «Ces armements ont un coût énorme», mais «ce que nous ne voulons pas et ce que personne, je crois, ne veut, c'est que cela serve de raison à l'escalade du conflit. Nous voulons que ce soit une raison de promouvoir la paix et d'aider toutes les parties à prendre conscience de la gravité de la situation», car, comme l’a dit plus tôt l’archevêque lors de son discours à la conférence, «nous ne devons pas tomber dans le risque d'accoutumance et d'indifférence face aux nombreux décès de civils».
La course aux armements
Dans son discours, Mgr Gallagher a exprimé son inquiétude quant à l'accélération du réarmement à laquelle nous assistons. En effet, en 2021, pour la première fois, les dépenses militaires mondiales ont dépassé les deux mille milliards de dollars, soit le double des dépenses de l’an 2000 et nettement plus que pendant la guerre froide. En effet, 2,2% de la richesse mondiale est consacrée aux dépenses militaires, et ce alors même que l'économie de la planète s'est contractée de 3,1%. «Ce sont des ressources», a déclaré Mgr Gallagher, «inévitablement soustraites aux investissements visant à promouvoir l'emploi, les soins médicaux, la lutte contre la faim et le développement» et qui pourraient être affectées à la lutte contre «les menaces pour la sécurité du XXIe siècle, telles que la pauvreté, les problèmes environnementaux, le terrorisme, les conflits asymétriques» ou des phénomènes tels que les pandémies et le réchauffement climatique.
«Dix pour cent de ce qui est utilisé pour les armes suffirait à mettre fin à la faim dans le monde», a souligné le rédacteur en chef du quotidien italien Avvenire, Marco Tarquinio, dans une intervention, rappelant comment, pendant la pandémie, le monde a dépensé la même somme d'argent pour les armes que pour les soins de santé et beaucoup plus que pour l'éducation. En ce terrible hiver de conflits, Marco Tarquinio a rappelé que l'Église est la seule voix «forte, ferme et convaincante» pour parler de la paix, dans un monde où toutes les guerres depuis 1945 se sont terminées par des tensions encore plus grandes et où, en plus de l'Ukraine, il existe 160 autres conflits ouverts dans, comme la Syrie et le Yémen, pour ne citer qu’eux.
Davide Prosperi: il semble impossible de parler de paix, mais nous ne devons pas perdre espoir
En ce sens, il semble de plus en plus nécessaire d'accompagner le Pape «dans la prophétie pour la paix», comme François lui-même l'a dit le 15 octobre dernier en recevant en audience les membres de Communion et Libération et en se disant effrayé par «un monde de plus en plus violent et guerrier". Il semble impossible aujourd'hui de parler de paix», a souligné Davide Prosperi, président de la fraternité Communion et Libération, «mais nous devons travailler en gardant à l'esprit ce qui s'est déjà passé, en soutenant la mémoire même de ce qui s'est passé historiquement surtout en Europe, prêts à briser tout schéma, tout préjugé, même dans les relations avec ceux qui sont peut-être "à juste titre" considérés comme l'ennemi».
Une recherche inlassable de la paix, a-t-il poursuivi, qui a conduit Communion et Libération à des initiatives telles que les projets d'accueil de réfugiés dans les familles, ou l'aide éducative et psychosociale aux enfants abandonnés en Ukraine, ou encore le projet international des «hôpitaux ouverts» en Syrie. «Notre mission en tant que chrétiens», a ajouté Prosperi, «est de témoigner dans ce travail quotidien que seule l'espérance construit», car, comme l'a enseigné le père Luigi Giussani fondateur du mouvement Communion et Libération, «l'espérance est la certitude de l'avenir dans la force d'une réalité présente qui est le Christ».
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