Prêtres et laïcs dans l’Église, les défis d’une marche commune
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
«Corresponsabilité» - autrement dit, un partage des responsabilités – c’est le maître-mot de cette rencontre, figurant à de nombreuses reprises dans le programme des interventions.
«Si on marche côte à côte, cela ne fonctionne pas, il faut marcher ensemble (…) C’est ensemble qu’il faut avancer, faire changer notre Église pour mieux témoigner, mieux vivre notre foi, chacun à l’aise dans sa situation». Comme les autres participants, Brigitte Berthet, du diocèse de Besançon, voit dans la corresponsabilité une manière de vivre la synodalité, particulièrement promue par l’Église universelle à l’heure du synode sur ce thème. «On sent que c’est l’avenir pour notre Église», affirme la déléguée épiscopale aux mouvements et associations de fidèles (DEMAF), chargée par la Conférence épiscopale française (CEF) de coordonner tous les DEMAF de France.
Cela fait trois ans que le dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie souhaitait aborder, lors d’un rassemblement international au Vatican, le sujet du partage des responsabilités entre laïcs et clercs, mais le projet a été retardé en raison de la pandémie de Covid-19. Il se concrétise alors que la phase continentale du processus synodal est engagé, un signe «providentiel» aux yeux de Monique Dorsaz.
Se former et se ressourcer
Cette théologienne suisse, épouse et mère de famille, travaille au sein de l’Église catholique du canton de Vaud pour la formation des adultes et la pastorale des familles. Elle s’enthousiasme de la possibilité de partager au cours de ce congrès avec des personnes d’autres continents… Au total, un peu plus d’une centaine de laïcs – soit la moitié des participants, une trentaine de délégués d’associations et mouvements, 63 évêques et 34 prêtres, venant de 72 conférences épiscopales. Une diversité qui n’est pas sans rappeler celle qu’elle rencontre à plus petite échelle dans son diocèse de Suisse romande, où les catholiques, souligne-t-elle, sont souvent d’origine étrangère.
«On aborde la question de la collaboration, de la formation des laïcs, thème qui me tient à cœur», explique-t-elle. «Il faut que les laïcs se forment, pour mieux prendre leur place et être à l’aise pour parler, abonde Brigitte Berthet. Souvent les laïcs n’osent pas dire, s’exprimer… Ils ont peur par rapport à ceux qui ‘savent’». Le thème de la formation sera abordé lors d’une conférence de cette rencontre. «Tout le monde ne peut pas avoir une formation théologique très poussée, remarque la franc-comtoise. Il faut donner une formation à l’écoute, en théologie, à l’organisation d’un groupe… selon le charisme de chacun».
Pour Monique Dorsaz également, la formation est cruciale si l’Église veut retrouver du souffle: «Il faut tous se remettre à l’école de Jésus Christ, annoncer l’Évangile. Chez nous il y a beaucoup de déchristianisation, avec un immense impact des questions d’abus, sur les jeunes et les croyants. Il y a à redynamiser, à vivre authentiquement le Christ, à former les gens pour la Bible, la théologie», souligne-t-elle, témoignant, à partir de sa longue expérience, de la beauté de cette transmission.
Nourrir l’intelligence, mais aussi le cœur: le père Jean-Christophe Meyer, secrétaire général adjoint de la CEF, attire quant à lui l’attention sur la nécessité de promouvoir le ressourcement des baptisés, afin de «de trouver des apports spirituels, des ressorts spirituels pour sa mission». «Il y a le ressourcement de type paroissial – dans la fréquentation de la Parole, des sacrements, d’autres fidèles, on peut trouver de vrais lieux de ressourcements, précise le père Meyer. Mais je pense aussi à l’engagement de laïcs dans des mouvements ou associations de fidèles qui vivent d’une certaine spiritualité, qui ont une préoccupation liée à leur travail, à leur engagement social, qui relisent leur expérience de foi dans des lieux avec d’autres. Ce sont aussi des lieux structurants pour leur mission», remarque le prêtre du diocèse de Metz.
Un même baptême, une mission particulière
Donner sa juste place aux laïcs et aux prêtres conduit à réfléchir à la nature même de l’Église, comme l’a expliqué le cardinal Farrell, préfet du dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, lors du discours d’ouverture du congrès, ce jeudi matin. L’Église, a-t-il rappelé, est un «sujet communautaire», un «véritable organisme unitaire» où les croyants partagent une même foi, une même mission, un même Esprit – en cela elle n’est pas une fédération. Mais dans le même temps, chacun de ses membres doit être «sujet actif», appelé à apporter «sa contribution originale» au corps tout entier, selon «ses propres charismes originels».
Autrement dit, il s’agit d’assumer «la responsabilité commune», enracinée dans le baptême, «de servir la communauté chrétienne, chacun selon sa vocation qui lui est propre». Dès lors sont exclus les attitudes de supériorité, de rivalité, de compétition. Une telle vision permet de dépasser le cléricalisme, qui menace aussi bien les prêtres que les laïcs. Le cardinal Farrell a également invité à dépasser la «logique de la délégation ou celle de la substitution» lorsque clergé et laïcs sont invités à œuvrer ensemble.
Un point important aux yeux du père Jean-Christophe Meyer. La corresponsabilité et l’engagement des laïcs n’est pas «un palliatif à un manque de prêtres», insiste-t-il. «Au contraire, le Concile Vatican II engage les laïcs à prendre toute leur place au nom du baptême. Retrouvons ce sens du baptême pour tous, que ce soit les prêtres ou les laïcs, plaide-t-il, nous sommes d’abord des baptisés qui au nom du baptême avons une mission à accomplir dans ce monde, c’est cela qui compte. C’est tout le Peuple de Dieu qui porte la mission, qui est envoyé, et chacun selon sa mission, selon son état de vie particulier. Souvent quand il y a moins de prêtres dans une église, il y a aussi moins de dynamisme chez les laïcs. Le dynamisme n’est pas d’un côté ou de l’autre», observe-t-il.
Témoins de la lumière de Dieu
Le secrétaire général adjoint de la CEF estime toutefois qu’il est important de mettre en lumière l’engagement des laïcs. «Beaucoup de choses existent mais ne se voient pas dans l’Église», constate-t-il.
Des actions discrètes, qui donnent une espérance bienvenue en temps de crise, explique aussi Brigitte Berthet. «Les abus, on en entend beaucoup parler. Cela fait du bien de prendre un peu de recul et de voir aussi les belles choses dans l’Église. Cela interpelle beaucoup de personnes, même des chrétiens sont déstabilisés car ils ne voient plus que ça et ils ne voient plus les belles choses qui se vivent», explique la participante française, tout en prônant une large sensibilisation pour «éviter ces abus».
«Je crois beaucoup qu’il faut revenir à la Parole de Dieu, partager la Parole, entre laïcs, entre laïcs et clercs, c’est l’essentiel, pour toujours se référer à ce que nous enseigne le Christ», ajoute-t-elle.
Des catholiques unis autour de l’essentiel, marchant d’un pas déjà assuré mais encore à ajuster… pour aller où? Vers «une Église plus fraternelle, plus authentiquement à la suite du Christ, c’est cela que l’on doit vivre», affirme Monique Dorsaz, invitant à une évangélisation contagieuse: «Vivre à la ressemblance du Christ, oser annoncer l’Évangile, oser témoigner combien Jésus a changé ma vie… J’ai vécu des choses difficiles en Église, confie la Suissesse, mais je ne pourrais pas ne pas être croyante, ne pas témoigner de Jésus Christ, de la Bonne Nouvelle, car cela change tout d’être habités par cette lumière-là dans notre vie de famille et de couple».
Samedi 18 février, les participants à ce congrès seront reçus en audience par le Pape François.
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