Cardinal Cantalamessa: placer l’Esprit Saint au cœur de l’Église
Myriam Sandouno – Cité du Vatican
«Encourager à placer l'Esprit Saint au cœur de toute la vie de l'Église et, en particulier en ce moment, au cœur des travaux synodaux», telle est l’intention des cinq prédications prévues en ce temps du Carême. Ce qui rappelle l’invitation du Ressuscité adressée à chacune des sept Églises d'Asie Mineure, dans l'Apocalypse: «Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises».
«C'est d'ailleurs le seul moyen que j'ai pour ne pas rester moi-même complètement étranger à l'engagement actuel pour le Synode», affirme le cardinal Cantalamessa.
Dans cette première prédication, le prélat s’est penché sur l’action de l'Esprit Saint qui a conduit les apôtres et la communauté chrétienne dans leurs premiers pas dans l'histoire. Lorsque Jean mit par écrit les paroles de Jésus, avec l'assistance du Paraclet, l'Église en avait déjà fait l'expérience pratique, explique-t-il, et c'est précisément cette expérience qui se reflète dans les paroles de l'évangéliste.
L’Église guidée par l’Esprit Saint
Se référant aux Actes des Apôtres qui montrent une Église qui est, pas à pas, «conduite par l'Esprit», le prédicateur de la Maison pontificale souligne que cette conduite ne s'exerce pas seulement dans les grandes décisions, mais aussi dans les choses de moindre importance.
La conduite par l’Esprit fait penser, selon les Saintes Écritures, à Paul et Timothée qui veulent prêcher l'Évangile dans la province d'Asie, mais «le Saint-Esprit les en avait empêchés»; ils se rendent en Bithynie, est-il écrit, «mais l’Esprit de Jésus s’y opposa». On comprend ainsi d'après ce qui suit, dit le cardinal, la raison de cette orientation pressante: «l'Esprit Saint poussait ainsi l'Église naissante à quitter l'Asie et à entrer dans un nouveau continent, l'Europe». L'apôtre Paul va jusqu'à se qualifier, dans ses choix, de «prisonnier de l'Esprit».
L'accueil des païens dans l'Église
«Ce n'est pas un chemin droit et lisse que celui de l'Église naissante», affirme le religieux capucin. La première grande crise est celle de l'admission des païens dans l'Église. Le cardinal s’intéresse ici à la résolution de la crise. Comment, s’interroge-t-il, est motivée et communiquée la décision prise par les apôtres à Jérusalem d'accueillir les païens dans la communauté, sans les obliger à la circoncision et à toute la législation mosaïque? Elle est résolue par ces mots, repète le prélat: «L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de… » (Ac 15, 28).
Le cardinal souligne aussi dans sa prédication qu’il n'est pas nécessaire de fournir beaucoup d'efforts pour voir l'analogie entre l'ouverture qui se fit vis-à-vis des païens à l'époque, et celle qui s’impose aujourd'hui aux laïcs, en particulier aux femmes, et à d'autres catégories de personnes. «Cela vaut donc la peine de rappeler la motivation qui a poussé Pierre à surmonter sa perplexité et à baptiser Corneille et sa famille».
Pour lui, les Pères du Concile Vatican II ont été poussés par cette même motivation pour redéfinir le rôle des laïcs dans l'Église, à savoir la doctrine des charismes.
Mettre en pratique les décisions
Dans sa prédication, le cardinal souligne également que l'exemple de l'Église apostolique éclaire, sur les principes directeurs, c'est-à-dire sur la doctrine, mais aussi sur la pratique ecclésiale. «Il nous dit que tout ne se résout pas par des décisions prises lors d'un synode, ou par un décret». Il est importe plutôt de traduire ces décisions dans la pratique, ce que l'on appelle, dit-il, la «réception» des dogmes. «Et cela requiert du temps, de la patience, du dialogue, de la tolérance, parfois même des compromis», note le cardinal.
Lorsqu'il est fait avec l'Esprit Saint, poursuit-il, le compromis n'est pas une capitulation, ou une réduction de la vérité, mais il est charité et obéissance aux situations. «Que de patience et de tolérance Dieu a-t-il eu, rappelle le cardinal, après avoir donné le Décalogue à son peuple! Que de temps a-t-il dû - et doit encore - attendre sa réception!».
Dieu le Père de tous
Portant un regard dur les événements et réalités politiques, sociales et ecclésiales, le prédicateur italien souligne que «nous sommes parfois enclins à nous aligner tout de suite d’un côté et à diaboliser l'autre», à «désirer le triomphe de notre choix sur celui de nos adversaires». Le cardinal affirmant que l'on «n’interdit pas» d'avoir des préférences, dans le domaine politique, social, théologique, rappelle cependant que «nous ne devrions jamais attendre de Dieu qu'il s’aligne de notre côté contre l'adversaire. Nous ne devrions pas non plus le demander à ceux qui nous gouvernent». C'est comme, ajoute-t-il, demander à un père de choisir entre deux de ses enfants; comme si nous lui disions: «Choisis: soit moi, soit mon adversaire; montre clairement de quel côté tu es!» «Dieu est avec tout le monde et n'est donc contre personne! Il est le père de tous», dit le cardinal.
Saint François de Sales
Le prédicateur de la Maison pontificale a aussi axé son intervention sur saint François de Sales, invitant à devenir comme «des salésiens»: tolérants, «moins retranchés dans nos certitudes personnelles, conscients du nombre de fois où nous avons dû reconnaître que nous nous étions trompés sur une personne ou une situation», et «combien de fois nous avons dû, nous aussi, nous adapter aux situations». Le cardinal se dit heureux «que dans nos relations ecclésiales, il n'y a pas - et il ne devrait jamais y avoir - cette propension à insulter et à vilipender l'adversaire», que l'on voit, dit-il, dans certains débats politiques et qui fait tant de mal à la coexistence civile pacifique.
Il déplore que «nous soyons par nature enclins à être intransigeants avec les autres et indulgents avec nous-mêmes», alors, pense-t-il: «nous devrions nous proposer de faire exactement le contraire: stricts avec nous-mêmes, indulgents avec les autres». Cette proposition, si elle est prise au sérieux, estime le prélat, suffirait à «à sanctifier notre Carême». Elle «nous dispenserait de tout autre type de jeûne et nous disposerait à travailler plus fructueusement» et plus sereinement dans tous les domaines de la vie de l'Église.
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