Mgr Paglia: Humanae vitae et la réflexion des théologiens sur la sexualité et la procréation
La bioéthique pousse à réfléchir sur la vie dans tous ses aspects. Aujourd'hui, nous sommes appelés à nous pencher sur le salut de la planète et de l'humanité, et la dimension de la bioéthique mondiale exige une alliance entre toutes les sciences. En ce sens, en regardant les documents de l'Église, quelle est votre évaluation de l'encyclique Humanae vitae, 55 ans après sa publication?
Je voudrais m'arrêter sur un aspect que je considère comme essentiel. Je veux parler du lien constitutif entre la sexualité, l'amour conjugal et la procréation, qui est le thème très actuel d'Humanae vitae. Paul VI rappelle les quatre «caractéristiques» fondamentales de l'amour conjugal: un amour pleinement humain, c'est-à-dire à la fois sensible et spirituel, un amour total, c'est-à-dire une forme très particulière d'amitié personnelle, un amour fidèle et exclusif jusqu'à la mort, un amour fécond. L'amour conjugal, en tant que tel, est fécond, surmontant d'un seul coup l'éternelle question du rapport entre les fins du mariage, la fin primaire (prolis generatio et educatio) et la fin secondaire (mutuum adiutorium et remedium concupiscentiae).
De cette manière, la fécondité de la procréation était considérée comme une caractéristique intrinsèque de l'amour conjugal et non comme un ajout ultérieur. Comme nous l'avons sagement compris aujourd'hui, il est nécessaire de se demander comment la question posée par Humanae vitae peut continuer à alimenter la compréhension du lien entre sexualité, amour conjugal et procréation, qui a émergé avec plus de clarté à la lumière de la perspective personnaliste. C'est pourquoi je considère qu'il est très important que nous continuions à réfléchir et à discuter sur le sujet, comme le Pape François l'a réitéré précisément au sujet des contraceptifs, en affirmant «que le devoir des théologiens est la recherche, la réflexion théologique». On ne peut pas faire de la théologie avec un "non" en face de soi. Ce sera alors le Magistère qui dira: «Non, vous êtes allés trop loin, revenez'. Mais le développement théologique doit être ouvert, les théologiens sont là pour ça» (Conférence de presse lors du vol de retour du Canada, 29 juillet 2022).
Quel est le message et la valeur de l'encyclique?
La reconnaissance du lien inséparable entre l'amour conjugal et la procréation dans Humanae vitae ne signifie pas que toute relation conjugale doit nécessairement être féconde. Par cette affirmation, l'encyclique reprend la déclaration liminaire de Pie XII dans la célèbre Allocution aux sage-femmes de 1951. C'est pour cette raison que, reprenant d'ailleurs une intuition très heureuse du Concile (GS n. 50 et 51), Paul VI reconnaît que la procréation doit être «responsable», et désigne les méthodes naturelles comme le moyen de réaliser cette responsabilité. Par la suite, dans l'Exhortation post-synodale Familiaris consortio, Jean-Paul II soulignera la nécessité d'une réflexion théologique pour approfondir -au-delà du simple profil biologique- la signification anthropologique et morale du «choix des rythmes naturels»: celui-ci «comporte en effet l'acceptation du temps de la personne, c'est-à-dire de la femme, et avec cette acceptation aussi du dialogue, du respect mutuel, de la responsabilité partagée, de la maîtrise de soi».
Dans le paragraphe 14 de Humanae vitae, Paul VI affirme que tout moyen qui empêche la procréation est illicite, une interdiction qui aurait provoqué une «distance» entre les fidèles et le Magistère. Qu'en pensez-vous?
Pour ma part, je suis d'accord avec tous les passages d'Humanae vitae. Vous ne trouverez personne qui défende la vie humaine avec plus d'acharnement et de ténacité que moi. Je pense que cette encyclique doit être lue dans son actualité, qui concerne la procréation des relations humaines. Nous sommes confrontés à des défis d'époque: dans les années 1960, la «pilule» semblait être le mal absolu. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des défis encore plus grands: la vie de l'humanité entière est en danger si nous n'arrêtons pas la spirale des conflits, des armes, si nous ne désamorçons pas la destruction de l'environnement. J'aimerais qu'il y ait une lecture qui intègre Humanae vitae avec les encycliques du Pape François (et de Jean-Paul II) et avec Amoris laetitia, pour ouvrir une nouvelle ère d'humanisme intégral. Intégral, en abandonnant les lectures partielles. Après tout, le cardinal Zuppi, dans son message à la conférence, écrit qu'il est "très important que nous évitions de procéder par cercles étroits et homogènes, qui à la fin auraient l'intention de réitérer les positions des participants, sans activer un dialogue sincère et authentique". C'est vrai, parce que - je le répète - aujourd'hui, le défi de la continuation, de la protection, du développement de la vie humaine doit être posé de manière transversale, comme nous l'enseignent Laudato si' et Fratelli tutti.
Est-il possible de relier, et si oui comment, l'encyclique Humane vitae à l'exhortation apostolique Amoris laetitia?
Le lien est la famille. En se positionnant comme le paradigme génératif des relations anthropologiques fondamentales, la famille se révèle être le «moteur de l'histoire», une authentique école de vie, ouverte sur la société et le monde, un «laboratoire» des relations humaines et de la responsabilité civique. Ainsi, de génération en génération, la famille s'ouvre au monde et transmet une manière de l'habiter, marquée non par la possession et la domination despotique, mais par le don et la responsabilité, selon le style de cette écologie intégrale que le Pape François a esquissée dans Laudato si'. Dans cet horizon, nous pouvons également bien comprendre le lien profond entre la famille et l'Église. Le Pape François l'énonce déjà dans le troisième chapitre d'Amoris laetitia, lorsqu'il affirme que «l'Église est une famille de familles» (AL 87) et ajoute: «l'Église est bonne pour la famille, la famille est bonne pour l'Église» (87).
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