La cour des Perroquets au Vatican et le jardin «virtuel» de Pie IV
Maria Milvia Morciano - Cité du Vatican
Lorsque le Pape Pie IV, né Giovanni Angelo Medici, regardait par les fenêtres de ses appartements au cœur du palais apostolique, il ne voyait qu'un mur nu. De plus, le soleil ne brille que quelques heures à travers l'étroite cour quadrangulaire de la cour du perroquet. Le Souverain pontife ne pouvait pas voir l'horizon bleu des collines, ni le vert des jardins du Vatican qu'il avait lui-même embellis, et où il avait construit, en 1558, la “Casina“ qui porte son nom, également connue sous le nom de Villa Pia. Il eut donc une idée: appeler un artiste et lui demander de peindre ces murs anonymes, afin de changer sa perspective. Les siècles ont passé et si nous traversons la cour aujourd'hui, pour passer de la cour du Belvedere à la cour du Maréchal, nous ne voyons, au premier coup d'œil, que des murs jaunâtres. Nous ne prêtons pas attention à quelques fragments bleus, des losanges, des lignes rougeâtres et des silhouettes jaune d'or qui se dressent très haut, à environ 20 mètres de hauteur.
La découverte
Lors d'une inspection, les architectes du Gouvernorat du Vatican, en regardant précisément vers le haut, ont découvert par hasard des fragments d'enduits peints sur ces murs. Il s'agissait de décorations polychromes qui créaient l'illusion de pergolas et de loggias habitées par des oiseaux et d'autres animaux.
La restitution «virtuelle»
Les recherches dans les archives ont révélé un manque important d'informations jusqu'au XXe siècle, époque à laquelle les façades de la cour ont été redécorées, ce qui a largement contribué à leur détérioration, et donc à leur oubli. Dans une esquisse réalisée par le peintre Biagio Biagetti en 1934, aujourd'hui conservée dans les archives des Musées du Vatican, cette décoration, bien qu'évanescente, est visible dans son tracé général et dans certains détails.
Marcella Morlacchi, en utilisant la technique du relief direct, a restauré l'ensemble de la façade en partant du dessin de Biagetti et en le comparant aux fragments conservés, offrant ainsi une vision complète des fresques, tant au niveau des couleurs que des décorations.
Vols d'oiseaux multicolores
Les fresques se déploient en trois bandes ou registres superposés. Dans le registre inférieur, on trouve principalement des vignes chargées de raisins et de petits mammifères exotiques tels que des singes. Dans le second, une architecture légère, typique des jardins, avec des treillis, des perspectives factices et des toits en pagode. Sur le troisième, le parapet d'un balcon sur lequel courent, à intervalles réguliers, les armoiries et le nom de Pie IV. Plus haut, pour clore la composition, de grands vases imitant des bronzes, estampés. Le fond bleu du ciel s'étend tout autour. Encadrés de bordures dorées, libres dans l'espace ou perchés le long des corniches filiformes, évoluent des oiseaux de différentes espèces, notamment des perroquets, d'où le nom de la cour, qui garde ainsi une trace de ces décorations. L'œil de cette cour qui regarde le ciel n'est pas très grand, et l'on peut se laisser aller à penser qu'il était entouré d'un filet, afin de créer une volière où les oiseaux pouvaient être élevés et s'adonner à leur vol.
Un ciel bleu, semblable à celui de Michel-Ange
L'arrière-plan est entièrement peint en bleu pour simuler un ciel éblouissant. Cet élément est encore bien visible sur les quelques fragments restants et il est impossible de ne pas faire la comparaison avec celui du Jugement dernier de la Chapelle Sixtine. Michel-Ange a utilisé de grandes quantités de lapis-lazuli pour peindre ce ciel, d'où cette couleur intense. Un ciel qui ne manque pas d'impressionner tous ceux qui l'admirent. En se laissant emporter par les suggestions, on peut penser que même Pie IV en a été tellement impressionné qu'il a demandé aux peintres de la cour des perroquets de faire de même.
Le mystérieux peintre de la cour
L'architecte du Gouvernorat, Maria Mari, auteur du volume publié en 2016 par la Libreria Editrice Vaticana Il Cortile del Pappagallo. Hortus Conclusus, propose d'attribuer les peintures au grand protagoniste du maniérisme Taddeo Zuccari qui, avec son frère Federico et son atelier, travailla au palais du Vatican dès l'époque du Pape Jules II et continua avec encore plus de ferveur sous Pie IV. Parmi ses œuvres figurent les peintures de la salle des clair obscurs ou salle des palefreniers, dans les salles vaticanes du Palais apostolique (1556), les fresques de la salle Regia et de la Casina de Pie IV (1561). Cette attribution se fonde sur l'observation qu'à partir de 1564 - date attribuée à la cour des perroquets - des paiements continus et importants à destination de Taddeo Zuccari apparaissent dans les documents d'archives. En outre, dans les Archives d'État de Rome, un document atteste de l'estimation des travaux effectués: plus de 700 écus «parce qu'en plus de l’importante somme, qui a été dépensée en journées travaillées, il a été tenu compte des grands inconvénients et dangers avec la grande perte de temps pour amener ladite peinture à son état actuel». Le document fait allusion à la hauteur des échafaudages et au fait que les fresques n'ont pas été achevées. Le document ne donne aucune indication sur l'emplacement de l'œuvre, mais de nombreux indices convergent vers notre cour des perroquets et vers le fait qu'elle a été exécutée par un atelier, c'est-à-dire une équipe de peintres.
Les comparaisons
Des scènes similaires sont très fréquentes au XVIe siècle. À Rome et dans ses environs, on peut citer celles qui ressemblent le plus à notre cour, comme au palais Altemps, à la Villa Giulia et à la Villa Farnese à Caprarola. Cette iconographie est substantiellement similaire et se trouve normalement dans les passages, comme les couloirs et les déambulatoires, et dans les voûtes des loggias. La cour du perroquet présente une nouveauté. Elle est étendue sur une paroi verticale et sur des murs extérieurs. L'objectif est cependant le même: donner, grâce à la technique de la peinture en trompe-l'œil, l'illusion d'un espace ouvert qui rend lumineux un espace ombragé.
Images de jardins
Le thème du jardin, dans l'art, a toujours attiré les mécènes et les artistes. Il représente une nature idyllique et jamais menaçante. Un lieu de ressourcement, où l'on peut admirer la beauté d'une nature apprivoisée par le travail de l'homme. À l'époque romaine, elle représentait cet âge d'or tant espéré, chanté par des poètes comme Virgile et Ovide. Sous l'empire d'Auguste, le jardin symbolise la paix et la prospérité, comme dans l'Ara Pacis, dans la frise inférieure, où l'on trouve un véritable alphabet floral symbolique.
Toujours dans la Villa de Livie, que l'on peut aujourd'hui visiter au Palais Maxime à Rome, on peut s'étonner de voir les quatre murs d'une pièce entièrement peints de plantes, d'arbres fruitiers, de fleurs et d'oiseaux. Il en va de même dans la maison du bracelet d'or à Pompéi.
L'Hortus conclusus
Dans le Cantique des Cantiques (4,12), l'époux fait l'éloge de sa fiancée en ces termes: “Jardin fermé, ma sœur fiancée, fontaine close, source scellée”. En latin, le jardin clos est appelé hortus conclusus. D'importantes influences sur les manières de cultiver les jardins viennent d'Arabie et arrivent en Italie par la Sicile.
Il apparaît au Moyen Âge aussi bien dans la sphère religieuse, dans les monastères, que dans la sphère courtoise. Il suffit de se rappeler la description qu'en fait Boccace dans le Décaméron. Dans l'art, il est revêtu de significations symboliques prégnantes, renvoyant au Paradis. Nous trouvons de beaux jardins fleuris dans de nombreuses iconographies, en particulier dans les Annonciations et, en général, dans les représentations de la Vierge. Le mur qui entoure l'espace vert fait allusion à la chasteté de Marie et les mêmes nombreuses espèces d'animaux et de fleurs renvoient à la Mère du Seigneur.
Au fil du temps, à partir de la Renaissance, ces significations se sont évidemment atténuées, devenant le lieu de symboles plus larges et plus vagues, où le sacré et le profane se mêlent dans des atmosphères exotiques que l'on retrouve, dans la cour des Perroquets, dans les perruches et le singe. De plus, dans cette cour du palais apostolique, l'architecture décrit plus des loggias et des balcons qu'un véritable jardin clos, ce qui est également bien représenté dans l'iconographie avec de hauts murs, alors qu'ici tout est imprégné d'un sentiment de légèreté et d'ouverture vers un espace aérien illusoire, à l'instar des comparaisons qui décorent d'autres somptueux palais du XVIe siècle en Italie.
Nécessité d'une restauration
Grâce aux nouvelles technologies, comme les projections sur les façades, il est possible de recréer virtuellement les fresques, mais l'intervention souhaitée, souligne l’architecte Maria Mari, est la restauration et la consolidation du peu qui reste et la récupération éventuelle d'autres fragments peints.
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