Mgr Bustillo et Mgr Peña Parra, pasteur et diplomate pour faire rayonner l’unité
Delphine Allaire – Cité du Vatican
C’est une assemblée hétéroclite de diplomates accrédités près le Saint-Siège mêlés à des centaines de fidèles et pèlerins corses qui s’est pressée sous les ors de l’église San Lorenzo in Damaso au palais de la Chancellerie à Rome. Un savant mélange venu pour écouter le Substitut pour les Affaires générales de la Secrétairerie d’État, Mgr Edgar Peña Parra, et Mgr François Bustillo, l'évêque d’Ajaccio créé cardinal le lendemain.
Le pasteur et le diplomate, cœurs croisés
Dans ce palais renaissance, siège des tribunaux de la Curie romaine, les deux hommes d’Église ont présenté vendredi soir la sève de leur longue conversation inattendue, guidée par l’écrivain et éditeur français Nicolas Diat, qui en a fait un livre Le cœur ne se divise pas (Fayard, 13 septembre 2023, 270 p.), premier tome d’une série d’entretiens à venir sur l’unité de l’Église.
L’ouvrage préfacé par le Pape François permet la rencontre de deux parcours d’Église qui aurait pu ne jamais se croiser: un religieux franciscain conventuel français d’origine espagnole et un ancien prêtre diocésain vénézuélien, élève de l’Académie pontificale ecclésiastique devenu nonce puis figure de la Curie.
Pape François: l’évêque ne doit jamais être fonctionnaire
«En lisant ces pages d'entretiens de Mgr Bustillo et Peña Parra, avec Nicolas Diat, nous pouvons expérimenter une douceur spirituelle. Ils veulent nous communiquer la douceur que leur donnent leurs missions respectives, qui sont deux formes différentes d'une seule et même sequela Christi», écrit le Pape François, soulignant dans la préface le nécessaire «cœur à cœur avec le Christ» pour «grandir dans la paternité spirituelle».
Cette paternité prend différentes formes selon François: «l'enseignement auprès des fidèles, la compassion pour ceux qui souffrent, la proximité avec les prêtres, la sollicitude pour le peuple de Dieu». «L'évêque ne doit jamais être fonctionnaire. Ce livre le dit: on ne peut être père à mi-temps. Toute notre vie, il est possible de dire: le cœur ne se divise pas!», soutient le Souverain pontife, évoquant cet autre aspect de l’ouvrage qu’est «le grand et noble souci de l'unité». L'unité de l'Église vient de Jésus et point d'unité sans amour des personnes. Le successeur de Pierre rappelle ainsi combien «bien comprise, la diversité ne menace pas l'unité de l'Église. C'est l'Esprit-Saint qui construit la communion et l'harmonie du peuple de Dieu».
Mgr Bustillo: l'Église n'est pas un club de clones, purs et parfaits
Témoigner de cette diversité dans l’unité de l’Église à partir de l’expérience, non de manière académique ou dogmatique est ce qui a plu au cardinal Bustillo lorsque Nicolas Diat lui propose le projet «il y a quelques mois». «Nous voyons souvent l’Église divisée. L’Église n’est pas un club de purs et de parfaits, elle n’est pas un club de clones. Nous tendons tous vers l’unité. J’ai souhaité partager comment un Corse vit l’unité», raconte l’évêque de la ville impériale depuis 2021.
«Saint Bonaventure parlait des trois voies d’élévation de l’âme: la purification, l’illumination et l’unification. Il y a un parcours de purification lors duquel un homme parvient à être éclairé et peut espérer arriver à l’unité intérieure. Si le prêtre, ou l’évêque, n’est pas unifié, comment peut-il prêcher l’unité et la communion?», interroge le Franciscain de 54 ans.
Paix et unité s'obtiennent par l'intériorité
Pour Mgr Bustillo, l’Église a besoin de cette unité, non pas tactique, politique et stratégique, mais au nom de l’idéal proposé par Jésus. «Si l’Église n’est pas unie, elle perd son autorité. Nous avons besoin de la travailler. Si nous ne sommes pas unifiés à l’intérieur de nous, on se divise, on se fragilise. L’unité commence par le cœur. Si le cœur est pollué, nous risquons de transmettre un message pollué. Si le cœur est ordonné pacifié nous pouvons transmettre message d’espérance», assure-t-il, frappé par l’expérience, toute autre, de son co-auteur Substitut, forgé aux arcanes vaticanes, mais se rappelant toujours que «derrière les dossiers compliqués et complexes, les papiers, les lettres, il y a des personnes».
La diplomatie vaticane, une école de l'universalité
Pour sa part, Mgr Peña Parra, qui de par ses fonctions «ne s’exprime jamais dans la presse», a accueilli ce projet éditorial comme une aventure «ecclésiale, humaine, spirituelle», «de la Providence divine du début à la fin». L’occasion de rappeler comment «la Curie doit être au service des Églises particulières». «Je tiens à souligner la beauté de l’Académie pontificale où j’ai eu la chance d’étudier avec des prêtres du monde entier. Les promotions sont toujours composées de trente-six prêtres. L’Académie était une manière exceptionnelle de comprendre l’universalité de l’Église ainsi qu’un retour aux trois piliers de la vie sacerdotale: spirituel, intellectuel et pastoral», témoigne-t-il.
«Nous avons été formés pour ne pas ressentir de nostalgie. Cet exercice constant de détachement est un pilier de notre vie, et, pour moi, il représente un impératif spirituel. L’esprit d’abandon ne nous empêche pas d’aimer notre famille, nos amis et les personnes que nous rencontrons pendant notre service, mais j’ai fait la promesse de partir dans tous les lieux du monde où l’Église m’enverra», raconte encore celui qui dirige la section pour les affaires générales de la Secrétairerie d'État depuis 2018. De ce poste curial crucial, il témoigne aussi dans le livre de la mondialisation croissante de l’Église: «Elle continue de croître en Afrique, en Asie, où sa vitalité est extraordinaire, et même en Amérique latine. En Australie, en Nouvelle-Zélande et dans le Pacifique, le catholicisme est vivant. Il y a des transformations complexes en Europe, mais l’Église reste d’une certaine manière un point de repère essentiel.»
En chemin sans déracinement, le commentaire de frère Alois
Un invité est venu commenter ce livre-entretien. Frère Alois de Taizé, artisan de la veillée œcuménique du lendemain sur la place Saint-Pierre, a été très touché par la passion de l’unité émanant de ces pages. L’unité résultant d’un pèlerinage intérieur, une quête spirituelle à laquelle le prieur de Taizé est sensible pour les jeunes de la communauté de Bourgogne. «Dans le livre de nos auteurs, le lecteur reçoit une invitation à être centré sur l’essentiel, à être en chemin sans être déraciné», observe-t-il, saluant l’écoute mise en relief par l’ouvrage et la reliant à l’imminence du synode sur l’avenir de l’Église.
«Primauté et synodalité ne sont pas deux principes concurrents à maintenir en équilibre, mais deux réalités qui se soutiennent au service de la communion. Le Pape nous invite à une conversion profonde: mettre davantage en lumière la dignité baptismale de chacun», a conclu frère Alois, citant le discours du Pape François aux membres du groupe mixte de travail orthodoxe-catholique Saint-Irénée, le 7 octobre 2021.
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