Les liens entre le Saint-Siège et la France honorés au Latran
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«Cette messe, c'est le fruit de l'histoire puisque depuis le Moyen-Âge, les liens entre la France et la basilique Saint-Jean-de-Latran sont très étroits» explique Florence Mangin, ambassadrice de France près le Saint-Siège depuis mars 2022. Comme chaque année depuis plus de 400 ans, une messe pour la France est célébrée dans la cathédrale de l’évêque de Rome ce 13 décembre 2023.
À l’origine de cette tradition, le roi Louis XI qui décide d’offrir au XVe siècle les revenus de la riche abbaye de Clairac dans le Lot-et-Garonne, à côté d'Agen, aux prêtres chargés d’assurer l’office divin de la basilique Saint-Jean-de-Latran, formant le chapitre de chanoine. Toutefois, cette donation reste théorique, les relations entre les successeurs de Louis XI et la papauté se dégradant.
«Une manière d'illustrer la vivacité de la relation France / Saint-Siège»
Plus de 100 ans plus tard, en 1604, le roi Henri IV cherche un moyen d’affirmer son autorité royale après les luttes fratricides des guerres de religion en France. Il trouve un allié de poids dans la personne du Pape. «Chacun a alors besoin de l'autre. Le roi décide de confirmer le bénéfice financier de l'abbaye de Clairac en échange de quoi, le Pape reconnait la légitimité de sa conversion», raconte Florence Mangin. Une messe annuelle est aussi attribuée à la France, le 13 décembre, date anniversaire de la naissance d'Henri IV, avec l’octroi d’une statue du roi réalisée par Nicolas Cordier. Enfin, le roi de France se voit honorer du titre de «premier et unique chanoine honoraire».
Cette tradition a traversé les siècles jusqu’à aujourd’hui, selon l'état des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège. Si la messe pour la France a été interrompue lors de la Révolution mais aussi au début du XXe siècle - la France ayant rompu ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège au moment des débats sur la séparation de l’Église et de l’État, en revanche «le drapeau français a flotté sur Saint-Jean-de-Latran pendant les troubles romains de 1848 en signe de protection de la France envers la papauté» rappelle l’ambassadrice de France près du Saint-Siège.
Une messe qui célèbre la paix
«C'est notre rôle au quotidien de faire vivre ce symbole, cette unité entre la France et la basilique du Pape» affirme Florence Mangin. L’ambassadrice rend visite aux chanoines et cultive des liens privilégiés avec des membres de haut-niveau de la Curie lors des célébrations, comme avec le cardinal-vicaire de Rome Angelo de Donatis qui préside généralement la messe du 13 décembre. Ambassadeurs, membres de la Curie, prêtres et laïcs, cette messe est ouverte à tous les Français. «Pour moi, c’est un élément d'ouverture et de liens avec tous, quels qu'ils soient» témoigne l’ambassadrice. «C'est aussi une manière de rassembler et de rendre hommage aux Français qui travaillent à la Curie à l’occasion d’un moment de convivialité» poursuit-elle.
Le fait qu'une messe pour la France, État laïc, soit célébrée dans une basilique vaticane «n’est absolument pas un sujet de débat en Italie» explique Florence Mangin, depuis son bureau de la Villa Bonaparte. «À Rome, les cérémonies religieuses font partie du paysage diplomatique. Beaucoup d'ambassades font un office religieux pour leur fête nationale ou pour des commémorations particulières. Par exemple ici, c'est tout à fait normal que les élus aillent à une messe.»
Rappelant enfin que cette messe pour la France trouve ses origines dans une pacification entre deux religions, le catholicisme et le protestantisme, Père Bernard Planche, conseiller ecclésiastique auprès de l’Ambassade ajoute «dans le contexte actuel de guerre, c'est un moment de paix qui est fêté aussi, de paix religieuse».
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