Deuxième prédication de l’Avent: avec Marie, revenir au cœur et à la vie intérieure
«Dans l'Évangile du quatrième dimanche de l'Avent, nous entendons le récit de l'Annonciation. Cela nous rappelle comment Marie a conçu et donné naissance au Christ et comment nous pouvons, nous aussi, le concevoir et lui donner naissance, c'est-à-dire par la foi!», a déclaré le cardinal de 89 ans. Le frère capucin a développé le don que l'Esprit Saint a fait à l'Église, avec le renouveau de la Mariologie, et la découverte concomitante d'une nouvelle dimension de la foi de Marie. La Mère de Dieu -a déclaré le Concile Vatican II– «avança dans son pèlerinage de foi» (LG 58). Elle n'a pas cru une fois pour toutes, mais elle a marché dans la foi et y a progressé.
«Espérant contre toute espérance, Marie a cru»
Après l'Annonciation et Noël, par la foi, Marie a présenté l'Enfant au temple. Par la foi, elle l'a suivi, se tenant à l'écart, dans sa vie publique. Par la foi, elle s'est tenue sous la croix. Par la foi, elle a attendu sa résurrection.
Et le prédicateur de la Maison pontificale de relever: «Il y a des faits apparemment contradictoires auxquels Marie réfléchit en elle-même, sans les comprendre. Il est «le Fils de Dieu» et il est couché dans une mangeoire!» Il y a la croix, où elle est là, «impuissante face au martyre de son fils, mais elle consent avec amour». «C’est une répétition du drame d'Abraham, mais combien plus exigeante! Avec Abraham, Dieu s'arrête au dernier moment, mais pas avec elle. Elle accepte que son fils soit sacrifié, elle le remet au Père, le cœur brisé, mais debout, forte de sa foi inébranlable», a rappelé le cardinal italien, ajoutant que ce que l'Apôtre dit d'Abraham doit se dire à plus forte raison de Marie: «Espérant contre toute espérance, Marie a cru; ainsi est-elle devenue la mère d'un grand nombre de nations» (cf. Rm 4, 18).
La mariologie, saint Augustin et Pascal
Le renouveau de la Mariologie opéré par Vatican II doit selon le cardinal Cantalamessa beaucoup (peut-être l'essentiel) à saint Augustin. C'est son autorité qui poussa certains théologiens puis l'assemblée conciliaire à insérer le discours sur Marie dans la constitution sur l'Église, Lumen gentium, plutôt que de faire un discours à part sur elle.
Au terme de son discours sur la foi de Marie, l’évêque d’Hippone adresse à ses auditeurs une vibrante exhortation «qui vaut aussi pour nous»: «Marie crut donc et ce qu'elle crut s'accomplit en elle. Croyons aussi afin de pouvoir en profiter nous-mêmes!» Le frère capucin explique cette exhortation à l’aide de Pascal à qui le Pape a consacré une Lettre apostolique le 19 juin dernier. Le philosophe français fut d’ailleurs un fervent disciple de saint Augustin.
Foi et cœur
«Dieu est senti du cœur et non de la raison, comme dit Pascal, pour le simple fait que ‘’Dieu est amour’’ et que l'amour ne se perçoit pas avec l'intellect, mais avec le cœur. Il est vrai que Dieu est aussi vérité (‘’Dieu est lumière’’, écrit Jean dans sa Première Lettre) et la vérité se perçoit avec l'intellect; mais alors que l'amour présuppose la connaissance, la connaissance ne présuppose pas nécessairement l'amour. On ne peut pas aimer sans connaître, mais on peut connaître sans aimer! Une civilisation comme la nôtre le sait bien, fière qu’elle est d’avoir inventé l’intelligence artificielle, mais si pauvre en amour et en compassion», a développé le frère Cantalamessa.
Malheureusement, ce ne sont pas les «raisons du cœur» de Pascal qui ont façonné la pensée laïque et théologique des trois derniers siècles, mais plutôt le «Je pense donc je suis» (cogito ergo sum) de son compatriote Descartes, même si contre toute intention de ce dernier, qui fut et resta toujours un pieux chrétien et un croyant, constate le cardinal, mentionnant que René Descartes fut un pèlerin du sanctuaire de Notre-Dame de Lorette.
Selon le prédicateur du Pape, la conséquence a été que le rationalisme a dominé et fait loi, avant d’arriver au nihilisme actuel. Tous les discours et débats qui ont lieu, encore aujourd'hui, se concentrent sur «Foi et raison», mais jamais, sur «Foi et cœur» ou «Foi et volonté», déplore-t-il.
La centralité du Christ
Pascal est souvent cité à propos du «risque calculé», du pari avantageux. Dans l'incertitude, écrit-il, il faut parier sur l'existence de Dieu, car «si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien». Mais le véritable risque de la foi -il le sait lui aussi- est autre: c'est celui de mettre Jésus-Christ entre parenthèses.
Le vrai risque de la foi est bien de se scandaliser devant l'humanité et l'humilité du Christ, remarque le théologien capucin, confiant: «J'ai suivi de nombreux débats de haut niveau sur Internet sur l'existence ou non de Dieu: le nom de Jésus-Christ n'y était presque jamais mentionné. Comme s'il ne faisait pas partie de la discussion sur Dieu!»
Voilà ce que doit être selon lui notre principal engagement dans l’effort d’évangélisation. «Le monde et ses médias – disais-je en une autre occasion à ce même endroit - font tout ce qu'ils peuvent (et malheureusement ils y parviennent!) pour garder le nom du Christ séparé, ou absent, dans tous leurs discours sur l'Église. Nous devons faire tout notre possible pour le tenir toujours et obstinément au centre. Non pas pour nous abriter derrière lui et garder le silence sur nos échecs, mais parce qu'il est « la lumière des gentils», le «nom qui est au-dessus de tout autre nom», «la pierre angulaire» du monde et de l'histoire.»
Revenir au cœur
Le cardinal Cantalamessa est revenu aux paroles de Pascal sur Dieu que «l’on sent avec le cœur». Car, dit-il, l'homme envoie ses sondes aux confins du système solaire et même au-delà, mais ignore ce qui se passe à quelques milliers de mètres sous la croûte terrestre, d'où la difficulté de prévenir les tremblements de terre. «C'est une image de ce qui se passe également dans le domaine de l'esprit, dans notre propre vie. Nous vivons tous projetés à l’extérieur, tournés vers ce qui se passe autour de nous, inattentifs à ce qui se passe à l’intérieur de nous. Le silence fait peur.»
La crèche a une signification mystique
Enfin, le prédicateur de la Maison pontificale a évoqué le huitième centenaire de la première création de la crèche à Greccio. Cette circonstance aussi peut nous aider à rentrer dans notre cœur, estime-t-il, regrettant qu’au fil du temps, la crèche se soit éloignée de ce qu'elle représentait pour saint François. «Elle est souvent devenue une forme d'art ou de décor dont on admire l’installation extérieure plutôt que la signification mystique». Mais il assure aussi qu’elle remplit néanmoins sa fonction de signe et qu’il serait insensé d’y renoncer. «Dans notre Occident, les initiatives se multiplient pour éliminer toute référence évangélique et religieuse de la solennité de Noël, la réduisant à une pure et simple fête humaine et familiale, avec de nombreux contes de fées et personnages inventés à la place des personnages réels de Noël. Certains souhaiteraient même changer le nom de la fête», a affirmé le théologien capucin.
La crèche est donc une tradition utile et belle, mais nous ne pouvons nous contenter des crèches extérieures traditionnelles. Il nous faut aménager une crèche différente pour Jésus, une crèche du cœur, a-t-il ajouté. «Ce n’est pas une belle et poétique fiction mentale; c'est l'entreprise la plus difficile de la vie. Dans notre cœur, il y a de la place pour de nombreux invités, mais pour un seul maître. Donner naissance à Jésus signifie faire mourir son propre «moi», ou du moins renouveler la décision de ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour Celui qui est né, est mort et est ressuscité pour nous (cf. Rm 14, 7-9). ‘’Là où naît Dieu, l'homme meurt’’, a affirmé l’existentialisme athée. C'est vrai! Cependant, c’est bien le vieil homme qui meurt, corrompu et destiné, de toute façon, à finir par la mort, tandis que ce qui naît, c’est l’homme nouveau, ‘’créé dans la justice et la sainteté’’ (Ep 4, 24), destiné à la vie éternelle».
«Joyeux anniversaire à Jésus et à vous tous: Saint -et bien-aimé Père, Pape François, vénérés Pères, frères et sœurs, joyeux Noël!», a conclu le frère capucin devant le Souverain pontife et les membres de la Curie présents.
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